L'Enfer (1994) de Claude Chabrol
Ce film se place sous l'ombre du film maudit et reste un pari pour Claude Chabrol puisque le réalisateur reprend le scénario du grand Henri-Georges Clouzot qui n'avait pu finir son film éponyme "L'Enfer" (1964) avec Romy Schneider et Serge Reggiani pour cause de soucis de santé de l'acteur et du cinéaste. On conseille par ailleurs fortement le documentaire "L'Enfer de Henri-Georges Clouzot" (2009) de Serge Bromberg et Ruxandra Medrea. On n'est pas surpris que le sujet intéresse Chabrol, peintre acerbe du milieu bourgeois, qui réadapte à sa sauce cette histoire de jalousie maladive au sein d'un couple de patrons d'un hôtel touristique. Chabrol signe donc ce film entre "Betty" (1992) et "La Cérémonie" (1995) et signe le scénario qui se différencie que Clouzot surtout au niveau de l'utilisation des flash-backs. En effet ici Chabrol choisit une narration linéaire pour terminer là où commence le film de Clouzot.
En lieu et place de Romy Schneidere et Serge Reggiani, 30 ans après on a le couple Emmanuelle Béart et François Cluzet. Béart est alors au sommet de sa beauté et de sa carrière avec des films comme "La Belle Noiseuse" (1990) de Jacques Rivette, "Un coeur en hiver" (1992) de Claude Sautet. Cluzet retrouve son réalisateur après "Une affaire de femme" (1988). Au casting on reconnait dans des petits rôles des acteurs expérimentés comme Jean-Pierre Cassel, Dora Doll et André Wilms et surtout il y a un certain Marc Lavoine dans son premier vrai rôle après avoir été un monstre anonyme dans "Frankenstein 90" (1984) de Alain Jessua. Pour l'anecdote l'acteur Mario David qui jouait un playboy en 1964 joue ici un client fidèle, et on peut voir dans le rôle de Marylin la comédienne Nathalie Cardone qui connaitra un succès en musique avec le tube "Hasta Siempre Che Guevara" (1997). Ajoutons que Emmanuelle Béart se nomme dans le film Nelly, prénom qu'elle retrouve juste après pour le film "Nelly et monsieur Arnaud" (1995) de Claude Sautet...
On suit donc le quotidien du jeune couple qui gère un hôtel touristique, l'été éveillant les sens et sa femme étant particulièrement jolie Paul (Cluzet) devient jaloux à tel point qu'il s'imagine des scénarios qui font de lui un vrai parano ne pouvant plus faire confiance à sa femme. Nelly (Béart) est-elle une allumeuse ?! Trompe-t-elle vraiment Paul ?!... etc... Ce film manque un peu sa cible justement parce que Chabrol semble toujours hésiter entre deux options. Nous savons qu'elle est fidèle et lui qui est juste parano, et/ou elle joue double jeu et il en devient fou. Emmanuelle Béart joue de telle façon que parfois on serait dans la seconde option. En effet, un peu aguicheuse elle sait que les hommes la regardent mais devant son époux elle est parfaite. Jouant sur les deux tableaux même le spectateur peut hésiter, malheureusement pas longtemps car très vite le récit se focalise sur la descente aux enfers de Paul qui perd pied de plus en plus. La question de la culpabilité de Nelly devient secondaire, Paul est parano et en devient dangereux psychologiquement. Quitte à jouer double jeu on aurait aimé que Nelly soit effectivement plus ambigüe. Ca reste un bon film, un bon Chabrol mais auquel il manque un peu plus de nuances perverses.
Note :