Monsieur et Madame Adelman (2017) de Nicolas Bedos
Premier film en tant que réalisateur pour Nicolas Bedos (fils de...) qu'il co-signe avec Doria Tillier, jeune inconnue ayant passée par la case miss météo de Canal+ et qui n'est autre que sa compagne à la ville également. Si elle débute Nicolas Bedos a déjà un peu d'expérience puisqu'il a été acteur et/ou scénariste sur les films comme "L'Amour dure trois ans" (2012) de Frédéric Beigbeder, "Les Infidèles" (2012) film collectif, "Amour et Turbulences" (2013) de Alexandre Castagnetti et "L'Invitation" (2016) de Mickael Cohen... Sur son premier long métrage le trublion à l'égo certain ne manque pas d'ambition (également co-compositeur !) et s'attaque à 45 ans de vie commune. Une fresque conjugale d'un couple de bobo parisien de leur rencontre à la mort. Si le concept n'a rien d'innovant en soi l'originalité et le coup d'audace du duo Bedos-Tillier est d'en faire un pamphlet acerbe et cynique du milieu bobo parisien, même peut-être et sans doute une auto-critique de leur propre milieu avec l'auto-dérision corrosive et jouissive...
Evidemment vu le loustic les ayatollah de la bien-pensance vont rappeler le narcissisme et la prétention du cinéaste-acteur-auteur et qu'il s'agit ni plus ni moins d'une oeuvre semblable à sa masturbation intellectuelle ultime. Et pourtant, s'il y a du vrai, on s'en fout ! Ce qui compte c'est bien le film lui-même et Nicolas Bedos signe un film magnifique. Si le récit traverse 45 ans d'amour on a droit évidemment aux disputes, tromperies, enfants, carrière... etc... Mais là où il réussit un joli coup c'est qu'il nous prend par surprise plusieurs fois. En premier lieu son personnage laisse la place la plus importante à son épouse. En effet monsieur Adelman n'est rien sans madame et tout d'un coup le film devient féministe de la plus belle des façon. Car dans leur écriture les deux auteurs ne sauvent personne et surtout pas eux. Tout le monde en prend pour son grade. Lui est né avec une cuillère en or dans la bouche et croit avoir du talent tout en s'apitoyant sur son sort, elle est calculatrice et d'un narcissisme unique, mais on a droit aussi à des seconds rôles brillants autant dans leurs interprètes que dans leurs personnages. On retrouve des acteurs tels Denis Podalydès, Pierre Arditi, Julien Boisselier, Zabou Breitman... Pour un bestiaire humain des moins pittoresques où égoïsme et méchanceté, mesquinerie et ambition pourraient et devraient être en bonne place dans la célèbre liste de péchés capitaux. Juif ou cathos, relation à l'enfant, maladie, sexe tout y passe et est brossé dans la mauvais sens du poil et ça fait un bien fou !
Bedos est souvent sur le fil et on s'étonne que pas une association (pour l'instant ?!) n'ait pas encore appelé au scandale ! Quelle gageure pourtant de réussir à instiller de l'empathie pour ce couple infect, imbu de leurs personnes, mais (et c'est important !) monsieur et madame Adelman s'aiment ! Car il s'agit aussi et avant tout d'un grande (et belle ?!) histoire d'amour, une histoire d'amour "irréversible et douloureuse" avec subrepticement, une place un cran au-dessus pour madame. En prime saluons le travail exceptionnel du maquillage pour faire vieillir le couple sur 4 décennies. Un bon montage, un bon choix de narration entre flash-backs et flash-forwards. Résultat, un film assez unique, aussi profond qu'audacieux, intelligent et dérangeant parfois, non consensuel et impolitiquement correct. Nicolas Bedos (et Doria Tillier) signe un premier film énorme à bien des égards, une vraie réussite qui risque bel et bien de gonfler encore son égo. Mais quoi qu'on en dise ce film est émouvant, touchant, drôle, triste, grinçant, méchant... Une palette telle qu'on ne peut qu'y plonger avec délectation.
Note :