En Guerre (2018) de Stéphane Brizé
8ème film de Stéphane Brizé, un des meilleurs réalisateurs français depuis quelques temps déjà, depuis qu'il a croisé la route d'un acteur qui est devenu sa muse, son interprète fétiche, son alter ego devant la caméra, Vincent Lindon avec qui il tourne là son 4ème film après "Mademoiselle Chambon" (2009), leur chef d'oeuvre "Quelques Heures de Printemps" (2012) et "La Loi du Marché" (2016) qui a valu à l'acteur un prix d'interprétation au Festival de Cannes 2016. Les deux hommes retrouvent également Olivier Gorce, co-scénariste déjà présent sur "La Loi du Marché"... Si sur ce film le cinéaste reste une nouvelle fois dans le monde du travail il en montre une autre facette.
En effet, après l'employé en prise avec une crise de conscience avec un Lindon plutôt mutique et taiseux cette fois il s'agit du combat syndical avec un Lindon loquace, combattif et virulent. Mine de rien le lien entre "La loi du Marché" et "En Guerre" se fait justement par son interprète principal, c'est comme si l'agent de sécurité Thierry avait changé de boulot et s'était éveillé au syndicalisme ; on pourrait d'ailleurs pousser la réflexion depuis "Mademoiselle Chambon"... Comme "La Loi du Marché" Stéphane Brizé a favorisé l'actorat amateur, Lindon étant un des seuls acteurs pros au générique. Pour son film le cinéaste a rencontré de nombreuses personnes qui connaissent bien la problématique des fermetures d'usines bien qu'elles soient rentables, des ouvriers au directeur d'usine en passant par des représentants syndicaux et des DRH afin d'avoir les différents échos de ces luttes de classes. Brizé insiste : "Mais je ne me fais le porte-parole d'aucun parti ni d'aucun syndicat, je fais simplement le constat d'un système objectivement cohérent d'un point de vue boursier, mais tout aussi incohérent d'un point de vue humain. Et ce sont ces deux points de vue que le film oppose. La dimension humaine face à la dimension économique..."... Si le réalisateur affirme sa position neutre il en est évidemment rien, son propos est limpide et son avis tranché. Et il n'a de toute façon pas tort, les boursicoteurs et autres capitalistes le savent mais le pouvoir du gain et de l'argent est le plus fort. On suit donc Laurent (Lindon) porte-parole des ourviers en lutte contre la fermeture de leur usine alors qu'elle reste rentable.
Un conflit entre le pot de terre et le pot de fer qui existe depuis des générations et toujours autant d'actualité. Grèves, débats, discussions houleuses, réunions syndicat-patronat, blocages, luttes intestines... etc... Toutes les batailles y sont montrés dans un style que Brizé connait maintenant parfaitement et qu'il a fait sien, un style âpre et direct, proche du docu-fiction avec cette propension à instaurer une tension permanente presque usante. Une tension voulu et désiré par le cinéaste pour bousculer, pour faire réagir, pour secouer et il y arrive parfaitement. On sort de la salle comme sonner. Le film est un choc émotionnel et ludique mais, et c'était bien là le pari, il peut laisser quelques-uns sur le bord de la route tant cela peut être épuisant voir trop martelé. La musique n'aide pas, tonitruante elle est particulièrement agressive et et pas franchement en adéquation. Ensuite on peut trouver que la présence des médias est un peu trop importante (même si on devine que ce choix n'est pas anodin) et mord forcément sur l'enjeu ouvrier propre. En effet, très focalisé sur la "guerre" ne côté humain du quotidien ouvrier et personnel est sous-exploité. Mais il faut avouer que Stéphane Brizé frappe juste et fort, avec des héros de tous les jours qui jouent leur survie ; tout le monde n'est pas un super-héros Marvel et il est parfois bon de le rappeler. En prime Vincent Lindon qui est l'incarnation idéal de l'homme du peuple. A voir et à conseiller à défaut d'être un film de chevet.
Note :