Bécassine (1940) de Pierre Caron
En cette période où sort au cinéma la nouvelle version "Bécassine !" (2018) de Bruno Podalydès voici donc la première adaptation de la célèbre bande-dessinée créée en 1913 par Caumery et Pinchon d'après un personnage créé en 1905 par Jacqueline Rivière et Pinchon. Déjà à l'époque les indépendantistes bretons étaient outrés par la représentation faite d'une bretonne, un député finistérien allant jusqu'à interpeller ses confrères : "Ce sont les enfants de Bécassine qui se sont fait tuer en 14. Et certes ce n'était pas une parisienne de vos salons, mes chers collègues, mais une paysanne."... Vous pouvez voir le film ICI !
Evidemment il s'agit là de considération d'une autre époque et qui manque singulièrement de dérision et/ou d'humour. Ce film est réalisé par Pierre Caron qui s'est fait un petit nom avec des comédies musicales "Marinella" (1936) avec Tino Rossi et "La Route Enchantée" (1938) avec Charles Trénet avant de signer "L'Accroche-Coeur" (1938) d'après Sacha Guitry. Au casting, le rôle titre est dévolue à la pétillante Paulette Dubost qui venait de se faire remarquer dans deux grands chefs d'oeuvre "Hôtel du Nord" (1938) de Marcel Carné et "La Règle du Jeu" (1939) de Jean Renoir. Sa maitresse, la marquise de Grand Air est incarnée par une grande dame du cinéma, Alice Tissot qui tourna plus de 300 films entre 1908 à 1962, sans compter le théâtre et la télé qu'elle écume encore jusqu'au début des années 70... Dans cette histoire Bécassine ne monte pas à Paris, mais après être revenu de l'étranger (comme fille au pair ?!) revient chez madame de Grand Air qui reçoit des "invités payants"... D'entrée on nous montre une Bécassine enjouée à la répartie facile mais décalée voir saugrenue. L'héroïne n'est pas de tous les plans mais reste au centre du récit, parfois à l'insu de son plein gré. C'est une Bécassine pas spécialement naïve, mais un peu stupide, surtout peu cultivée mais plus intelligente qu'il n'y parait (nuance !). Il n'y a pas de gags à proprement parlé, tout viens de la gouaille de Bécassine. Cette Bécassine de Paulette Dubost s'est sans doute beaucoup inspirée d'une certaine Arletty. Le tournage a été effectué en partie en plein coeur de la Bretagne, à Trégastel (île Renote) dont on reconnait les paysages typiques.
Certe la caricature est parfois facile mais le charme suranné de l'ensemble reste très plaisant et on ne décèle aucune moquerie gratuite et/ou méchante. Mais le film gagne surtout grâce à un bon rythme (ce qui manque dans la version 2018) et Pierre Caron signe une mise en scène inspirée et même ambitieuse (on est en 1939 !) notamment sur une séquence musicale en cuisine et sur un toboggan inédit. On notera des dialogues amusants aux joutes verbales plutôt loufoques au non sens savoureux. Moins poétique que la version Podalydès mais bien plus enjoué et beaucoup mieux écrit, mais aussi un côté plus réaliste. Un bon divertissement et un bon moment.
Note :