L'Empire des Sens (1976) de Nagisa Oshima
Film culte et mythique qui amena le cinéma érotique au 7ème Art est avant tout un film inspiré d'une histoire vraie et reste une co-production franco-japonaise (rarement précisée). Outre la société de production du réalisateur Nagisa Oshima il faut donc noter que côté français on trouve à la production Anatole Dauman qui était derrière "Hiroshima mon amour" (1959) de Alain Resnais, et qui aborda l'érotisme avec "Contes Immoraux" (1974) de Walerian Borowczyk. Le cinéaste Nagisa Oshima n'est pas à son coup d'essai niveau scandale, dès ses débuts notamment avec "Contes Cruels de la Jeunesse" (1960) mais aussi et surtout avec "Les Plaisirs de la Chair" (1965) et "Violences en Plein Jour" (1966). Pour ce film le réalisateur-producteur-scénariste s'inspire d'un fait divers très connu au Japon, où comment une ancienne prostituée devenue servante et maitresse de son maitre fut retrouvée errante dans la rue, joyeuse et en possession du sexe de son amant dans son sac à main !... Tout savoir sur Sada Abe ICI !...
On se trouve donc en 1936, quartier bourgeois, Sada Abe, une ancienne prostituée est devenue domestique. Elle aime le sexe, encore, et aime notamment épier les ébats de son maitre libertin. Bientôt elle devient sa maitresse et petit à petit s'impose comme la seule et unique amante poussant ainsi son couple de plus en plus loin dans les ébats érotiques. Les trois rôles principaux sont interprétés par Tatsuya Fuji et Aoi Nakajima (les époux et maitres de maison) tandis que Sada Abe est uncarnée par Eiko Matsuda, tous trois ayant une courte carrière, occultée notamment par l'extraordinaire postérité de "L'Empire des Sens"... A l'instar de l'affaire Sada Abe en 1936, et malgré le succès, le film fit un scandale et défraya la chronique. La spirale érotique frôle la pornographie avec des scènes de sexe non simulées allant de plans sur les sexes à la mutilation en passant par la masturbation et l'éjaculation. Censuré à l'origine dans son pays d'origine (Japon), procès en prime pour Oshima, le film pu voyager grâce à sa co-production française et être présenté entre autre au Festival de Cannes (section Quinzaine des Réalisateurs). Mais loin d'être un énième film pornographique des seventies, décennie alors en plain boum du genre, le film s'avère plus riche avec des sujets réellement abordés sous forme de réflexions loin d'être anodines. Les deux amants ont un fort désir charnel, ils s'aiment plus que de raison, l'éternel désir se fait de plus en plus addiction jusqu'à se couper du monde extérieur et jusqu'à pousser toujours plus loin les limites.
Une passion dévorante et destructrice mais qui n'est jamais vulgaire et qui évolue de façon cohérente vers toujours plus de folie. On peut voir le film sous deux angles différents. Selon Georges Bataille par exemple : "De l'érotisme, il est possible de dire qu'il est l'approbation de la vie jusque dans la mort", ou sinon sous le biais unique de la perversité et de la déviance malsaine. Le film interroge dès son titre avec l'importance qu'on peut donner aux "Sens" sous toutes ses définitions. On rappellera entre autre que le titre en VF fait référence au livre "L'Empire des Signes" (1970) de Roland Barthes dans lequel l'auteur explique : "Au Japon - dans ce pays que j'appelle le Japon - la sexualité est dans le sexe et non ailleurs ; aux Etats-Unis, c'est le contraire : le sexe est partout sauf dans la sexualité."... Le film est considéré maintenant comme le "premier film pornographique d'auteur" mais on peut toujours en discuter. "L'Empire des Sens" n'est pas un film excitant ni aphrodisiaque et, pourtant, n'est-ce pas la spécificité même d'un film porno ?!... Non, on peut dire de ce film qu'il est avant tout un drame psycho-érotico-social. Un grand film à tout point de vue, encore faut-il ne pas s'offusquer de séquences qui n'ont pourtant rien à envier à la violence graphique et gratuite de quelques films d'action bien connus du grand public. A voir et à conseiller.
Note :