Mon Nom est Personne (1973) de Tonino Valerii et Sergio Leone
Après plusieurs westerns, le roi du spaghetti Sergio Leone ne souhaite plus réaliser de western mais il a une histoire toute faite. Il décide de le proposer à Tonino Valerii, son ancien assistant sur "Pour une Poignée de Dollars" (1964) et "Et Pour Quelques Dollars de Plus" (1965) et qui a depuis poursuivi dans le genre avec "Le Dernier Jour de la Colère" (1968) et "La Horde des Salopards" (1972). Le scénario est ensuite écrit par Fulvio Morsella, accessoirement beau-frère de Leone, scénariste de "Et quelques..." et co-producteur de "Il était une fois dans l'Ouest" (1968) et "Il était une fois la Révolution" (1971) tous de Sergio Leone. Mais le travail final est signé d'un second scénariste, Ernesto Gastaldi scénariste qui retrouve donc Valerii après "La Horde des Salopards" (1972)... Jack Beauregard, légende de l'Ouest, désire prendre sa retraite et se prépare à prendre un bateau pour le Vieux Continent. Mais un admirateur aussi fantaisiste que mystérieux n'entend pas laisser partir son idole sans qu'il ne combatte uen dernière fois les 150 pistoleros de la Horde Sauvage afin de lui façonner une page dans l'Histoire...
Dans le rôle de Jack Beauregard on retrouve le monstre sacré Henry Fonda qui était le "Il Etait une Fois dans l'Ouest" (1968). L'admirateur inconnu est incarné par Terence Hill qui commençait alors à connaître un véritable succès après "Dieu Pardonne... Moi Pas !" (1967) de Giuseppe Colizzi, "Django, Prépare ton Cercueil !" (1968) de Ferdinando Baldi et surtout "On l'Appelle Trinita" (1970) de Enzo Barboni dont l'acteur reprend pourtant l'accoutrement ; sur ce dernier Sergio Leone a pourtant déclaré être consterné par ce film et ces suites. Chez les méchants, on retrouve le frenchy Jean Martin, gueule du cinéma français qui joue également la même année dans "Chacal" (1973) de Fred Zinnemann, puis George Lewis alors en début de carrière qu'on voit cette même année dans "L'Homme des Hautes Plaines" (1973) de et avec Clint Eastwood. Cette co-production franco-italo-allemande sous la houlette de Sergio Leone permet de retrouver plusieurs gueules vu dans les westerns Leone dont Mario Brega et Benito Stefanelli, avec en prime le compositeur Ennio Morricone qui s'amuse à réorchestrer quelques morceaux mythiques des films de Leone. A noter que Leone produira un autre western quelques temps après dans lequel on retrouvera Jean Martin, Terence Hill, Benito Stefanelli et les scénaristes Fulvio Morsella-Ernesto Gastaldi pour "Un Génie, Deux Associés, une Cloche" (1975) de Damiano Damiani... Dès les premières minutes on se retrouve d'emblée dans un spaghetti pur jus plus léonien que valerien à la différence près que Tonino Valerii va moins loin que son maître sur l'étirement des séquences et les longs gros plans qui ont défini le style de Leone. Par là même, le parallèle entre Jack Beauregard et "Personne" apporte un constraste entre deux mondes ; la fin d'une époque, pleine de nostalgie pour un passé dur et âpre qu'a connu Beauregard face à un nouveau monde émergeant, encore plein d'insouciance symbolisé par le jeune pistolero qui semble pourtant tout anachronique.
Ainsi les parties avec Jack Beauregard sont sérieux et restent d'une violence encore pregnante de l'expérience de la légende de l'Ouest, tandis que celle avec "Personne" sont plus fantaisistes, à l'image du personnage qui semble ne rien prendre au sérieux aussi sûr soit-il de son talent. Le film est avant tout un magnifique hommage aux légendes de l'Ouest, et ce jeune pistolero qui rêve d'une fin glorieuse pour son idole renvoie forcément à la réplique mythique d'un autre monument du western : "On est dans l'Ouest ici. Quand la légende dépasse la réalité, alors on publie la légende !", tirée du chef d'oeuvre "L'Homme qui tua Liberty Valance" (1962) de John Ford. L'autre paramètre qui n'est certainement pas à négliger est qu'il reste un film à références tant Tonino Valerii et Leone ont multiplié les clins d'oeil et autres tout le long du film. Outre Ennio Morricone qui s'amuse à réinventer le thème du film "La Horde Sauvage" (1969) de Sam Peckinpah, le récit reprend la terme et on a même un etombe au nom du réalisateur américain. Le maestro reprend entre autre le thème de l'harmonica. Mais il y a aussi les cache-poussières et la bande de Cheyenne, tandis qu'il est fait référence à un certain Nevada Kid qui renvoie au film éponyme (1971) de Demofilo Fidani avec Klaus Kinski. Le tournage vit par contre quelques tensions durant le tournage mais rien d'important jusqu'à la promotion, en effet le fait que le nom de Sergio Leone apparaisse en gros en haut de l'affiche a amorcé le divorce entre les deux cinéastes. Néanmoins, Sergio Leone a dirigé lui-même deux scènes : le "duel des baffes" et "ma pissotière". S'il est alusant de constater qu'il s'agit de deux séquences de comédie, Valerii ne manquera pas de trouver cette dernière d'"affreuse" tout en prétendant que Leone souhaitait cette scène car il connaissait alors des problèmes de prostate ! Ambiance... Pour l'anecdote, le terme "Personne" est tirée de l'épisode du Cyclope dans "L'Odyssée" de Homère. Tonino Valerii signe un western amusant, ultra référencé, qui semble alors comme une parodie mais qui est contre-balancé par un hommage magnifique non dénué de souffle épique teinté de nostalgie. Derrière une certaine légèreté ce western reste un film touchant et assez unique à voir et à revoir.
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 10 ans :