Police Python 357 (1976) de Alain Corneau

par Selenie  -  18 Mai 2021, 09:15  -  #Critiques de films

Après avoir été assistant notamment sur "Un Homme de Trop" (1967) et "L'Aveu" (1970) tous deux de Costa Gravas le réalisateur Alain Corneau revient après son premier long métrage en solo avec "France Société Anonyme" (1974). Pour ce nouveau projet il collabore avec le scénariste Daniel Boulanger, fidèle des réalisateurs Philippe De Broca et Claude Chabrol, et qui adapte ici le roman "Le Grand Horloger" (1946) de Kenneth Fearing en y intégrant le paramètre essentiel qui donne son titre au film, soit le revolver Colt Python 357 Magnum, arme qui reviendra dans les mains d'un certain Jean-Paul Belmondo notamment dans le culte "Le Professionnel" (1981) de Georges Lautner et dans celles de David Soul dans "Magnum Force" (1973) de Ted Post ; ironie du sort (ou pas !), ce dernier est la suite du désormais mythique "L'Inspecteur Harry" (1971) de Don Siegel avec Clint Eastwood qui était armé lui du Smith et Wesson modèle 29 Magnum 44. Quand on sait que le duo Corneau-Boulanger ont commencé à écrire leur histoire vers 1974 il semble évident que les succès de la saga de l'Inspecteur Harry à fortement inspirer les auteurs... Orléans, le commissaire Ganay entretient une maîtresse avec la bénédiction de son épouse handicapée. Mais en parallèle cette dernière fait la connaissance d'un autre homme qui s'avère être l'inspecteur Ferrot, un policier taciturne et solitaire. Lors d'une dispute, Ganay tue sa maîtresse et confie l'enquête à Ferrot qui se retrouve à tenter de sauver sa peau alors que tous les indices les ramènent à lui... Corneau et Boulanger ont écrit le film en pensant au couple Montand-Signoret, Corneau ayant été par ailleurs assistant de Costa Gravas sur "L'Aveu" (1970) dans lesquels jouaient le célèbre couple.

Ainsi Yves Montand incarne l'inspecteur Ferrot et joue donc pour la 6ème fois auprès de son épouse à la ville Simone Signoret après également "Les Sorcières de Salem" (1957) de Raymond Rouleau, "Compartiments Tueurs" (1965) de Costa Gravas, "Paris Brûle-t-il ?" (1966) de René Clément et "Mister Freedom" (1969) de William Klein" (1954). Signoret joue la femme du commissaire Ganay interprété par l'excellent François Périer qui retrouve Montand après "Souvenirs Perdus" (1950) de Christian-Jaque, "Quelques Pas dans la Vie" (1954) de Alessandro Blasetti et Paul Paviot, "Z" (1969) de Costa Gravas et le chef d'oeuvre "Le Cercle Rouge" (1970) de Jean-Pierre Melville. La maîtresse est interprétée par la star italienne francophile Stefania Sandrelli vue dans de nombreux grands films de "Divorce à l'Italienne" (1961) de Pietro Germi à "Une Famille Italienne" (2018) de Gabriele Muccino en passant par exemple par "L'Aîné des Ferchaux" (1963) de Melville, "Nous nous Sommes tant Aimés" (1974) de Ettore Scola et "Jambon, Jambon" (1993) de Bigas Luna. Notons deux acteurs allemands (doublés en VF) Mathieu Carrière révélé par "Les Désarrois de l'élève Törless" (1966) et "Le Coup de Grâce" (1976) tous deux de Volker Schlöndorff, puis Vadim Glowna vu dans "Croix de Fer" (1977) de Sam Peckinpah et "La Mort en Direct" (1980) de Bertrand Tavernier. Enfin, citons l'expérimentée Gabrielle Doulcet (la femme au chat) connue comme épouse de Fernand Charpin acteur fétiche des oeuvres de Pagnol, qui décédera seulement quelques semaines avant la sortie du film. Citons également un petit rôle pour Claude Bernard, surtout connu pour ses doublages puisqu'il est la voix de star comme Roger Moore ou Burt Lancaster... Le film comporte donc deux paramètres essentiels : le triangle amoureux et le revolver. Pour ce premier point on est dans un classique, l'enquêteur qui enquête sur une affaire dont il semble le coupable est une trame aussi récurrente qu'efficace. Le revolver (jusqu'à l'attitude et la tenue de Montand !) par contre apparaît vite comme un ingrédient opportuniste faisant trop écho à "Dirty Harry" et son 44 Magnum d'autant plus que l'arme en question n'est franchement qu'accessoire dans l'intrigue, l'affiche devient par le même coup très hors sujet voir même mensongère surtout quand Corneau ose définir "son film comme la perte d'identité d'un homme qui va peu à peu s'identifier à son arme pour en devenir le prolongement mécanique" (j'en ris).

Dans cette recette on peut même y déceler un peu Chabrol avec cette mise en avant d'une certaine bourgeoisie de province. D'ailleurs si certain compare Corneau comme un digne successeur de Melville (j'en ris encore !) avec ce film, le style chabrolien semble pourtant plus évident. Le côté "357 Magnum" est peu à même de convaincre, mais pourquoi pas, par contre on apprécie cet inspecteur Ferrot/Montand qui s'avère bien plus fragile que le laisse apparaître son comportement au prime abord, sorte de flic dur à cuire au boulot mais qui a les failles d'un homme trop seul pour construire quoique ce soit, en témoigne une dernière partie où cet inspecteur agit dans un mutisme quasi complet. L'enquête, le face à face entre deux amants qui s'ignorent, la psychologie parfaitement croquée de ces deux hommes, les dialogues, le jeu des acteurs, tous ces points sont absolument passionnants. Seul bémol pour Signoret qui semble un peu détachée, dont on a parfois du mal à comprendre ses phrases, et qui nous rappelle à chaque instant le malaise de cette histoire qui renvoie forcément à son mari Yves Montand connu pour ses aventures extra-conjugales. Certains passages sont assez médiocres, soit maladroites soit simplement bâclées. On pense par exemple à cette séquence à l'église (petit délit et donc pourquoi tant de risques pour si peu que ce soit pour les uns ou les autres ?!), ou cette scène de fouille d'appartement (ces incroyables trouvailles dans des cachettes aussi improbables que fantaisistes). Malgré un petit succès en salles (près de 1,5 millions d'entrées France) et un César 1977 du meilleur montage le film ne convainc par complètement par trop de différence de niveau mais on passe un bon moment grâce à l'ambiance seventies, et à une partie jeu du chat et de la souris parfaitement maîtrisé entre le meurtre et l'ultime face à face. Note généreuse.

 

Note :    

13/20
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