The Farmer's Wife (1928) de Alfred Hitchcock
Alors que le cinéaste a quitté Gainsbourough Picture pour la British International Picture (BIP)avec qui il a fait "The Ring" (1927) qui sort juste sur les écrans, le réalisateur Alfred Hitchcock débute aussitôt son prochain tournage. Il s'agit d'une adaptation de la pièce "The Farmer's Wife" (1916) de Eden Phillpotts elle-même adaptée de son roman "Widecombe Fair" (1913) qui sert aussi de base au scénario signé de Eliot Stannard qui collabore là pour la 7ème fois avec le futur maître du suspense, mais aussi Alma Reville épouse du maître bien que non créditée. Précisons que Hitchcock est co-scénariste sans être crédité. Notons la logique toujours judicieuse du titre à la française, "Laquelle des trois ?", faisant référence aux prétendantes de l'histoire même si pourtant elles sont quatre sur la liste...
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Un riche fermier devient veuf mais très vite il pense à trouver une nouvelle épouse. Avec l'aide de sa servante il rédige une liste de quatre dames susceptibles d'être intéressées par un mariage avec lui. Le fermier commence à courtiser la première de la liste... Le fermier est incarné par Jameson Thomas dans un rôle principal, il retrouvera Hitchcock dans "Elstree Calling" (1930) mais sera plus habitué aux seconds rôles comme dans "The Invisible Man" (1933) de James Whale, "L'Impératrice Rouge" (1934) de Josef Von Sternberg et "New-York-Miami" (1935) de Frank Capra. La servante est jouée par Lilian Hall-Davis vue dans "Quo Vadis ?" (1924) de Georg Jacoby et qui retrouve Hitchcock après "The Ring" ; l'actrice sera malheureusement une des victimes du cinéma parlant et se suicidera en 1933 a seulement 35 ans. Citons ensuite Gordon Harker vu aussi dans "The Ring" et qui retrouvera le réalisateur pour "Champagne" (1928) et "Elstree Calling" (1930), puis Gibb McLaughlin vu plu stard dans "Le Juif Süss" (1934) de Lothar Mendes et "Oliver Twist" (1947) de David Lean... Si le réalisateur a gagné en liberté artistique en passant de Gainsborough à BIP, qu'il est aussi le cinéaste le mieux payé du Royaume-Uni, il n'en demeure pas moins que le réalisateur se doit de tourner un énième film de commande qui le concerne peu surtout qu'il s'agit là d'une de ses rares comédies. Durant le tournage Hitchcock se sent un peu engoncé dans un système qui ne lui sied plus et il le fait savoir d'abord en écrivant un article dans le Western Daily intituler "Les films que nous pourrions faire", sorte de manifeste en direction de la direction de la BIP. Un texte où on peut y lire par exemple : "Les réalisateurs vivent leur film pendant sa conception. C'est leur bébé, tout comme le roman d'un auteur est le rejeton de son imagination. Et il semble d'autant plus certain que lorsqu'un film est vraiment artistique, il n'est l création que d'un seul homme."
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Le réalisateur prouve alors qu'il sait ce qu'il veut, ce qu'il ne veut pas et ce film de commande va malheureusement souffrir de ce manque d'envie du cinéaste. Le premier soucis du film est que la pièce originelle est composée de nombreux dialogues mais multiplier les intertitres (on est toujours dans le cinéma muet) est souvent rédhibitoire. Le réalisateur et son scénariste Eliot Stannard vont s'efforcer de limiter les cartons d'intertitres mais c'est encore un peu trop par moment. L'histoire est un peu trop balisée, il y a notamment aucun effort sur une éventuel suspense ou même doute quant à l'issue du récit. La servante est évidemment la promise future. Les quatre prétendantes sont par là même trop caricaturales tandis que la servante est l'archétype de la parfaite ménagère. Outre le fait que sur ce point on peut dire que ça manque un peu de modernité c'est surtout le manque de nuance qui pêche. Le plus décevant est qu'on constate que trop peu d'inventivité dans la mise en scène, ce qui est une première pour un film de Hitchcock. Seul la symbolique de la chaise vide où le fermier imagine sa future épouse offre un petit moment de magie. C'est peu, et force est de constater que ce film reste bel et bien un des films les moins hitchcockien de la filmo du maître. Trois petites anecdotes sur ce film : le chef opérateur est tombé malade, Hitchcock a dû assumer l'éclairage lui-même sur la fin du tournage. Il existe deux versions du film la 97mn en version britannique, puis les 129mn en version américaine, il s'agit en fait du même film mais simplement ralenti pour les Etats-Unis (pourquoi ?!). Et enfin, le couple Hitchcock-Reville tombèrent amoureux de la campagne du Devon à tel point que le couple y achètera une propriété juste après le tournage. En conclusion, une petite comédie sentimentale et de moeurs qui se regarde mais trop classique et trop dénuée de style hitchcockien pour sortir du lot.
Note :