Champagne (1928) de Alfred Hitchcock
Passé de Gainsborough Pictures à BIP (British International Picture) le maître anglais se doit de réaliser 12 films en 3 ans par contrat. Si le contrat est juteux et intéressant le système "à la chaîne" déplait pourtant au réalisateur. Après "The Ring" (1927) et "The Farmer's Wife" (1928) on lui propose un autre mélo, son producteur John Maxwell (et fondateur du BIP) étant désireux de faire simple et d'offrir à son public britaninque ce qu'il demande. Néanmoins, l'histoire est de Walter C. Mycroft, un ami de longue date de Hitchcock depuis le ciné-club de ses 20 ans. Hitchcock est au début plein de volonté et plein d'idées avec un scénario signé de Eliot Stannard avec qui il est déjà à sa 8ème collaboration de suite depuis les débuts avec "Le Jardin des Plaisirs" (1925). A noter un tout jeune Directeur Photo, Michael Powell qui allait devenir un grand réalisateur quelques années plus tard surtout en duo avec Emeric Pressburger en signant quelques chefs d'oeuvres comme "Le Narcisse Noir" (1947) ou "Les Chaussons Rouges" (1948). Si Hitchcock avait prévu au départ un drame, la notoriété de la star Betty Balfour alors élue comédienne préférée des britanniques en 1927, pousse le producteur John Maxwell à insister pour en faire une "comédie pétillante"...
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Une jeune femme, dont le père est riche, profite de la vie et du luxe. Bien qu'amoureuse son père se méfie de cet jeune homme. Alors qu'elle est avec son fiancée sur une croisière, elle se dispute avec lui tandis qu'un homme mystérieux semble s'intéresser à elle. Mais quand son père lui annonce qu'il est ruiné tout change, jusqu'à croire effectivement que son fiancé était avec elle que pour l'argent. Pour la première fois, elle doit pourtrant trouver un travail... La jeune femme riche est donc incarné par Betty Balfour, surnommée la "Mary Pickford britannique", qui a notamment été révélée par les films de George Pearson avec "La Petite Marchande de Fleurs de Piccadilly" (1921) ou "Bohémiens de la Mer" (1925). Le père est interprété par Gordon Harker qui retrouve Hitchcock après "The Ring" et "Farmer's Wife" (1928). Le petit ami est joué par le français Jean Bradin vu dans "Paul et Virginie" (1924) de Robert Péguy, "David Golder" (1930) de Julien Duvivier et "La Piste du Nord" (1939) de Jacques Feyder. L'homme mystérieux est joué par Ferdinand Von Alten vu dans "Anne Boleyn" (1920) et "La Flamme" (1923) tous deux de Ernst Lubitsh. Citons encore l'impresario vu dans "The Yellow Face" (1921) et "Point ne Tueras" (1929) tous deux de Maurice Elvey, puis aussi le français Marcel Vibert en maître d'hôtel qui retrouve son compatriote Jean Bradin après "Moulin Rouge" (1928) de Ewald-André Dupont et vu dans le dyptique "Le Mystère de la Chambre Jaune" (1930) et "Le Parfum de la Dame en Noir" (1931) tous deux de Marcel L'Herbier... Il était une fois une pauvre petite fille riche, une jeune femme qui a pris goût à une vie facile et aisée, qui profite avec son amoureux. Tout change quand le paternel annonce la ruine. L'histoire est assez basique, avec une leçon de vie et la morale tant attendue mais en fait on est à la fois déçu et surpris par l'évolution du récit avec un twist plutôt bien amené (l'homme mystérieux) mais avec un dénouement final presque trop immoral et finalement convenu.
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Le film débute pourtant bien, avec une arrivée sur le bateau qui ne manque pas de classe, mais la partie qui se déroule sur le bateau devient aussi trop importante à l'écran (la majorité du film). On constate que le réalisateur a peut-être été peu à même de soigner un film dont il n'a pas été complètement maître puisqu'on lui a imposé d'en faire une "comédie pétillante". Il semble qu'il n'a pas tellement apprécié sa vedette principale qu'il a comparé à une "banlieusarde obscène" ! Malgré tout le cinéaste se focalise sur sa mise en scène, et comme à son habitude il cherche et imagine les meilleures techniques à mettre en oeuvre. On pense évidemment à l'ouverture via le fond d'un verre de champagne façon loupe rendu possible grâce à un verre géant et une lentille grossissante, une fermeture de film renvoie à cette ouverture comme un miroir, la boucle est bouclée comme on dit. Il y a aussi les passages en surimpression notamment pour matérialiser le mal de mer, et surtout, la séquence préférée de Hitchcock lui-même, où un ivrogne est le seul à marcher droit pendant une tempête. Mais d'autres scènes sont beaucoup plus discutables, on pense surtout au vol de sac à main bâclé, en gros plans inutiles, vol trop rapide et disparition des bijoux et du voleur digne d'un prestidigateur sans compter la réaction inerte de la jeune femme. Le film recevra un accueil critique glacial et un accueil public décevant. Mais surtout, Hitchcock lui-même déclarera : "c'est probablement ce qu'il y a de plus bas dans ma filmographie". Le fait qu'il n'ait pas pu faire le film qu'il souhaitait expliquant sans doute cela.
Note :