The Father (2021) de Florian Zeller
Après un court métrage "Nos Dernières Frivolités" (2008), voici donc le premier long métrage du auteur-romancier Florian Zeller. Ce dernier, considéré par beaucoup comme "le meilleur dramaturge de sa génération" (dixit des références comme The Guardian ou The Times), adapte là sa propre pièce de théâtre "Le Père" (2012) qui avait déjà connu un succès considérable. Mais rappelons que cette pièce a déjà été adaptée de façon plus "légère" avec le très réussi "Floride" (2014) de Philippe Le Guay avec Jean Rochefort et Sandrine Kiberlain. Il semble donc que l'auteur ait finalement décidé de porter lui-même son oeuvre maîtresse de façon fidèle, et bien lui en a pris puisque son film présenté au Festival de Sundance 2020 est nommé plusieurs fois et dans plusieurs catégories aux Oscars, Golden Globes et Bafta. Etonnament, Zeller a choisi de réaliser son film en langue anglaise et a donc demandé à Christopher Hampton de co-signer le scénario. Ce dernier est déjà le traducteur des oeuvres de l'auteur français, et est déjà un scénariste réputé de "Les Liaisons Dangereuse" (1988) de Stephen Frears à "Perfect Mothers" (2013) de Anne Fontaine en passant par "Reviens-Moi" (2007) de Joe Wright et "A Dangerous Method" (2011) de David Cronenberg...
Anthony, 81 ans, refuse l'aide de sa fille malgré le fait que cela semble inévitable. Mais alors que sa fille fait des efforts et recherche la meilleure solution adaptée Anthony se perd de plus en plus dans sa mémoire et son esprit... Anthony porte le prénom prédestiné de son interprète, soit la star Anthony Hopkins, monstre sacré vu ces dernières années surtout pour son rôle de Odin dans le Marvel Universe jusqu'à "Avengers : Infinity War" (2019) des frères Russo. Sa fille est incarné par Olivia Colman vue dans "Tyrannosaur" (2011) de Paddy Considine et "The Lobster" (2015) de Yorgos Lanthimos, et son conjoint est joué par Rufus Sewell vu dans "Dark City" (1998) de Alex Proyas et "Vinyan" (2008) de Fabrice du Welz. Les autres protagonistes sont interprétés par Olivia Williams qui retrouve Olivia Colman après "Week-End Royal" (2012) de Roger Michell et qui retrouve son partenaire Mark Gatiss après "Confident Royal" (2017) de Stephen Frears, Gatiss qui retrouve également Colman après le chef d'oeuvre "La Favorite" (2018) de Yorgos Lanthimos. Puis enfin citons Imogen Poots vue entre autre dans "Knight of Cups" (2015) de Terrence Malick et "Green Room" (2016) de Jeremy Saulnier... Après "Floride" on ne peut qu'être curieux de la vision originelle de son auteur dont la pièce est avant tout un drame intimiste en huis clos. Donc après la libre adaptation pleine d'espace, de liberté, de fantaisie et même d'optimisme portée par Jean Rochefort, Zeller revient à l'essence première de son oeuvre, un drame centré sur un retraité qui perd peu à peu pied, dont l'esprit se délite petit à petit en faisant souffrir sa fille qui tente de trouver la meilleure solution possible.
On se retrouve donc dans un huis clos constant, même quand on change de pièce on a l'impression que seule la décoration permet de se dire qu'on est ailleurs. Anthony/Hopkins ets de toutes les scènes car c'est lui qu'on suit, c'est lui qui reste narrateur de son histoire alors même qu'il ne peut affirmer à 100% que ce qu'il vit est la réalité. La vraie force du film réside dans la "matérialisation" des pertes de mémoires et/ou de la confusion qui se fait dans la tête de Anthony. Ainsi tout le long du récit les autres protagonistes (Anne/Colman, Paul/Sewell, Laura/Poots, Catherine/Williams et Bill/Gatiss) s'avèrent interchangeables jusqu'à perdre encore plus Anthony dans son esprit : qui est sa réellement sa fille ?! Qui est son infirmière ?! Qui est réellement son gendre ?!... etc... L'atmosphère est lourde (complètement à l'inverse de "Floride") et pesante, anxiogène même, ce qui pourrait parfaitement correspondre à un thriller psychologique mais Zeller ne perd jamais le fil de son récit et reste ancré dans un drame social aussi effrayant qu'émouvant. Les acteurs forment une partition impressionnante de justesse, tous sont vraiment très très bons, des hommes inquiétants ou maladroits aux femmes empathiques et serviables. Florian Zeller signe une adaptation idéale, dans un drame tragique et déchirant auquel il manque pourtant un peu de chaleur (lien père-fille très distant notamment). Néanmoins, le film reste une expérience forte à voir et à conseiller.
Note :