Eiffel (2021) de martin Bourboulon

par Selenie  -  15 Octobre 2021, 09:04  -  #Critiques de films

Premier "biopic" consacré au célèbre créateur de la non moins célèbre Tour Eiffel (Tout savoir ICI !), ce qui est en soi déjà une chose assez étonnante au vu du symbole inouï et de l'aura de la statue dans le monde. Pourtant, le projet de la romancière Caroline Bongrand (elle écrit ensuite un court et un téléfilm) sur les origines de la Tour par Gustave Eiffel (Tout savoir ICI !) date des années 1990. En effet, la scénariste a soumis son script à plusieurs producteurs américains (dont Ridley Scott qui aurait finalement refusé parce que sa société n'accepterait que des scénarios dont il serait le premier à le lire ?!) mais souvent elle se voit répondre que l'histoire est trop "franco-française". Le projet passe dans les mains de Gérard Depardieu et Isabelle Adjani, jusqu'au fameux producteur Christian Fechner qui mourra malheureusement en 2008 avant de concrétiser la production. Il faudra donc attendre 2017 pour que Vanessa Van Zuylen, productrice de "Un Homme à la Hauteur" (2016) de Laurent Tirard, qui est une passionnée de la Tour paraît-il s'y intéresse. En tous cas la production est enfin lancée avec un budget de 23,4 millions d'euros ce qui en fait le film français le plus cher lancé en 2020 ! Caroline Bongrand retravaille son scénario, notamment et tout particulièrement sur les dialogues avec d'autres auteurs, Thomas Bidegain acolyte de Jacques Audiard sur plusieurs films dont "Un Prophète" (2009) et "Dheepan" (2015), Martin Brossollet surtout connu pour son travail sur la série TV "Alice Nevers" (2012-2019), Natalie Carter fidèle de Claude Miller sur ses derniers films avec "Un Secret" (2007), "Voyez comme ils dansent" (2011) et "Thérèse Desqueyroux" (2012), puis plus en retrait on note la collaboration de la romancière Tatiana De Rosnay dont la seule expérience au cinéma se résout à des adaptations de ses propres oeuvres dont le film "Elle s'appelait Sarah" (2010) de Gilles Paquet-Brenner. Et enfin, la productrice a choisi pour la réalisation Martin Bourboulon qui a connu un joli succès avec le dyptique "Papa ou Maman" (2015-2016). Le réalisateur avoue avoir eu comme référence le film "First Man" (2018) de Damien Chazelle pour sa façon d'emmener le spectateur dans l'intimité d'un grand homme dépassé par sa quête...

Fin des années 1880, Gustave Eiffel vient de finir sa collaboration à la construction de la Statue de la Liberté. À peine de retour que le gouvernement français lui demande de trouver un nouveau projet spécialement pour l'Exposition universelle de Paris de 1889. Peu intéresser, il va finalement retrouver l'inspiration et l'ambition après avoir revu son amour de jeunesse... Gustave Eiffel est incarné par Romain Duris qui retrouve un peu l'époque d'un "Arsène Lupin" (2004) de Jean-Paul Salomé, et retrouve un rôle historique pour la seconde fois après "Molière" (2007) de Laurent Tirard sans compter son petit rôle insignifiant dans "Tout l'Argent du Monde" (2017) de Ridley Scott. Précisons que l'acteur retrouvera son réalisateur Martin Bourboulon pour le futur dyptique "les Trois Mousquetaires" (2023). Son amante est interprétée par la jolie Emma Mackey, actrice franco-britannique (elle a vécu son enfance en France) dont la seule expérience sur grand écran est un petit rôle dans "The Winter Lake" (2020) de Phil Sheerin mais elle est surtout la révélation de la série TV "Sex Education" (2019-...). L'époux de cette dernière est joué par Pierre Deladonchamps vu dernièrement dans "Vaurien" (2020) de Peter Dourountzis et "Madame Claude" (2021) de Sylvie Verheyde. Citons ensuite la femme/fille de Gustave Eiffel jouée par Armande Boulanger vue entre autre dans "Au Bonheur des Ogres" (2013) de Nicolas Bary et "Portrait d'une Jeune Fille en Feu" (2019) de Céline Sciamma. Citons ensuite surtout quelques assistants de Eiffel joué par Alexandre Steiger vu dans "L'Ordre et la Morale" (2011) de Mathieu Kassovitz et "Alice et le Maire" (2019) de Nicolas Pariser, Philippe Hérisson vu entre autre dans "Mes Amis" (1999), "OSS 117 : Rio ne réponds plus" (2009) et "Le Prince Oublié" (2020) tous trois de Michel Hazanavicius, puis Jérémy Lopez vu récemment dans "L'Esprit de Famille" (2020) et "Délicieux" (2021) tous deux de Eric Besnard... Premier bémol, Eiffel avait 57 ans en 1889, l'acteur Romain Duris a 10 ans de moins, pire encore madame de Renac devait avoir 16-20 ans en 1860, donc environ 43-44 ans en 1886 mais la comédienne reste à ses 25 ans. Un détail mais qui n'est que la première goutte d'eau d'un film qui frôle l'arnaque. En collaboration avec ses co-scénaristes Martin Bourboulon a voulu croiser une romance secrète avec les aléas de la construction de la Tour Eiffel, mêlant ainsi un ligne directrice fictionnelle avec l'Histoire de la construction. Pourquoi pas, James Cameron a par exemple fait cela avec son "Titanic" (1997) mais il y a une différence de taille !

Cameron a choisi des personnages fictifs avec lesquels ils pouvaient donc avoir une réelle liberté, alors que Bourboulon a entre les mains la vie d'un homme ayant réellement existé et donc avec lequel il faut un minimum d'honnêteté et de cohérence avec l'Histoire et les faits. Ainsi, le scénario relie l'histoire d'amour qui n'a pas existé aux événements autour de la construction, dans les coulisses politico-financières ce qui est clairement de l'ordre du fantasme même si on aime le romanesque imaginé par les scénaristes. Le film affirme donc que la Tour Eiffel est en fait le Taj Mahal français. L'histoire d'amour vampirise le film et repousse finalement la Tour Eiffel au second plan. Un second plan certe magnifique tant elle ébloui chaque plan où elle apparaît, la reconstitution du Paris des années 1885-1889 est très réussie. On peut saluer le travail dantesque du Chef décorateur Stephane Taillasson, mais aussi le responsable des effets visuels Olivier Cauwet de chez BUF qui avait travailler sur "Blade Runner 2049" (2017) de Denis Villeneuve. Ainsi on manque de données sur la construction elle-même, aucune info sur les problèmes éventuels comme les questions techniques,  on omet le seul ouvrier mort sur le chantier, d'ailleurs l'histoire d'amour est s'impose tant que la construction passe du 1er étage à l'exposition universelle en quelques secondes ! Et pourtant... L'attrait de Paris apporte une magie certaine, et finalement l'histoire d'amour finit par nous emporter aussi grâce à la jolie étincelle entre Eiffel/Duris et Adrienne/Mackey (sublime on dirait la petite soeur de Roxane Mesquida) et l'émotion qui s'en dégage... au détriment des émotions qu'aurait peu offrir tout ce qui entoure la Tour Eiffel ! Mais vraiment le pire du pire, c'est que le film fait croire que Eiffel est à l'origine de tout alors qu'on la doit avant tout à deux autres architectes ! En conclusion, le film est un mensonge ("librement inspiré de faits réels" est déjà une arnaque !) sur quasi toute la ligne, et donc seul le romanesque peut séduire. Heureusement, techniquement et esthétiquement le film a un charme certain et le couple fonctionne à merveille. Note indulgente !

 

Note :            

 

13/20
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