Les Amants Sacrifiés (2021) de Kiyoshi Kurosawa

par Selenie  -  15 Décembre 2021, 16:06  -  #Critiques de films

Retour après "Au Bout du Monde" (2019) du réalisateur japonais Kiyoshi Kurosawa qui se frotte pour la première fois au genre historique avec ce projet qui lui a été proposé par deux de ses anciens élèves de la Film School of Tokyo. Et pas des moindres puisqu'il s'agit de Tadashi Nohara réalisateur de "Elephant Love" (2009), et surtout Ryusuke Hamaguchi réalisateur de la fresque "Senses" (2015) écrite par son partenaire Nohara, et qui depuis à signer les très remarqués "Asako I & II" (2018) et "Drive my Car" (2021). Les deux cinéastes ont donc contacté leur ancien professeur pour lui proposer leur scénario, suite à quoi Kiyoshi Kurosawa affirme "leur talent n'a rien à voir avec ce que je leur ai appris. Non seulement leur talent pour la réalisation, mais aussi pour la narration. Ici, l'amour d'un couple marié est pris dans une myriade d'influences extérieures, conduisant à une série de déceptions stratégiques. Ce n'est pas une histoire que je peux écrire, mes films ne pouvant être qualifiés de "romantiques""...  Rappelons que Kiyoshi Kurosawa est plus habitué aux thrillers comme "Kaïro" (2001), "Creepy" (2016) ou 'Invasion" (2017), et aux drames comme "Tokyo Sonata" (2008), "Shokuzaï" (2012) ou "Real" (2013). Le réalisateur a obtenu pour ce film le Lion d'Argent de la meilleure mise en scène à la Mostra de Venise 2020...

Ville de Kobe en 1941, Yasuke et son épouse Satoko vivent heureux en couple moderne et épanoui loin des préoccupations géo-politiques et militaristes de leur temps. Après un voyage en Mandchourie, Yasuke revient mais commence à agir étrangement, au point que Satoko s'interroge de plus en plus sur son époux, mais surtout au point que les autorités commencent à le soupçonner... Le couple est incarné par Issei Takahashi vu entre autre dans "The Taste of Tea" (2004) de Katsuhito Ishii et "Love My Life" (2006) de Ebine Yamaji, puis Yu Aoi qui retrouve Kiyoshi Kurosawa après "Shokuzai" (2012) et "Vers l'Autre Rive" (2015) ; les deux acteurs ont en commun d'être apparu dans la saga "Kenshin", lui uniquement dans "Kenshin : le Commencement" (2021), elle dans les quatre autres épisodes de la saga franchise (2012-2021) de Keishi Ohtomo. Plusieurs acteurs retrouvent également le réalisateur Kiyoshi Kurosawa, après "Avant que nous Disparaissions" (2017) Yuri Tsunematsu, Masahiro Higashide qui était aussi dans "Creepy", "Invasion" et "Asako I & II", puis Takashi Sasano qui était aussi dans "Creepy" et vu également dans les excellents "Departures" (2009) de Yojiro Takita, "Hara-Kiri" (2011) de Takashi Miike et "La Maison au Toit Rouge" (2014) de Yoji Yamada. Citons ensuite Hyunri Lee vue chez le réalisateur-scénariste Ryusuke Hamaguchi dans "Heaven is Still far Away" (2016) dans le prochain "Contes du Hasard et Autres Fantaisies" (2022), et enfin citons Ryota Bando vu dans le récent film d'horreur "Inunaki" (2020) de Takashi Shimizu, ce dernier était d'ailleurs également un élèvre de Kiyoshi Kurosawa... L'histoire débute au début des années 1930 et raconte en filigrane l'existence de la funeste Unité 731 (Tout savoir ICI). Où comment un couple de japonais apprennent les horreurs commises par leur armée en Mandchourie et décide de les dénoncer.

Si le thème est passionnant et assez rarement traité au cinéma on est maheureusement déçu par un scénario qui ne tient pas beaucoup la route. D'abord, on se demande comment et pourquoi Yusaku/Takahashi et Fumio/ Bando ont-il pu voir ces crimes aussi facilement ?! Ensuite, le pire est la "dénonciation" de Satoko/Aoi, qui s'avère aussi stupide qu'inutile ?! Ainsi le début manque de crédibilité, tandis que la "dénonciation" qui se devait d'être le twist du film, l'ultime rebondissement est complètement incompréhensible. Par là même, la direction d'acteur est décevante, ou est-ce lespersonnages qui sont mal écrit ?! En effet, Fumio est surjoué par Ryota Bando, et surtout Satako jouée par Yu Aoi est une femme qui paraît immature, réagissant comme un capricieuse ou une ado énamourée qui s'amuse à jouer à l'espionne alors même que ni l'époque ni les faits ne poussent à la fantaisie. On a bien du mal à comprendre l'évolution de l'intrigue et/ou les réactions du couple. La dernière partie est alors un peu fouilli, on se dit aussi tout ça pour ça, et les cartons finaux donnent un goût amer, une fin bâclée. Rappelons que les drames de l'Unité 731 ne seront découvert et dévoilé qu'à partir des années 80 ! Pourtant le film n'est pas dénué de qualité, la reconstitution est minutieuse, la photographie magnifique (tourné en 8K ! Un choix que le réalisateur avoue problématique car il a fallu atténué en post-production la résolution "incroyablement élevée"), une mise en avant du conflit sociétal entre occident et tradition, un suspense qui repose aussi sur une éventuelle paranoïa... Mais le film reste une déception énorme, le scénario est trop bancal pour convaincre. Kiyoshi Kurosawa aura rarement autant déçu malgré un potentiel et un sujet riche et dense.

 

Note :            

 

09/20
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