Shorta (2021) de Anders Olholm et Frederik Louis Hviid
Premier long métrage pour les réalisateurs-scénaristes Anders Olholm et Frederik Louis Hviidjghy, qui avaient déjà collaborer ensemble sur le court métrage "King" (2015). Le premier est aussi connu pour avoir signé les scénarios de la trilogie "Antboy" (2013-2016) de Ask Hasselbalch, tandis que le second a travaillé sur la série TV "Les Initiés - Dos au Mur" (2015-2019). Les deux hommes affirment ne pas avoir voulu faire un film politique, et de ne pas se positionner pour un camp ou un autre : "Les jeunes hommes en colère, privés de leurs droits dans les projets de logement, qui se sentent diabolisés et incompris, ainsi que lespoliciers surmenés et sous-payés pour qui il en va de même." Précisons que le titre "Shorta" est un terme qui signifie "police" en arabe. Les cinéastes avouent comme références d'abord les maîtres du thriller seventies avec William Friedkin, Sidney Lumet et Walter Hill, mais aussi plus récemment Spike Lee et Mathieu Kassovitz. Le film a connu sa première mondiale à la compétition de la Semaine Internationale de la Critique à la Mostra de Venise... Suite au décès d'un adolescent noir survenu après avoir été blessé par la police des émeutes sont fortement à craindre. Deux policiers que tout opposent sont obligés de patrouiller ensemble. Mais alors qu'ils contrôlent un jeune dans une banlieue ils sont soudain pris pour cible et doivent fuir à pied. S'engagent alors une course poursuite et un jeu du chat et de la souris pour sortir de la cité sain et sauf...
Les deux policiers sont incarnés par Jacob Lohmann qui retrouve Frederik Louis Hviidjghy après la série TV "Les Initiés - Dos au Mur", vu entre autre dans "Kapgang" (2014) de Niels Arden Oplev, "The Guilty" (2018) de Gustav Möller et "Domino" (2019) de Brian De Palma, puis Simon Sears remarqué dans "Invasion Day" (2015) de Roni Ezra et vu dans "Winter Borthers" (2018) de Hlynur Palmason, deux films après lesquels il retrouve son partenaire Michael Brostrup, acteur vu dans "Les Enquêtes du Department V". L'acteur Dulfi Al-Jabouri retrouve également Jacob Lohmann et Frederik Louis Hviidjghy après "Les Initiés - Dos au Mur", mais on l'aura surtout remarqué dans les films "Northwest" (2013) de Michael Noer, "R" (2014) de Tobias Lindholm et Michael Noer puis "A War"(2016) de Tobias Lindholm. Citons ensuite l'actrice Özlem Saglanmak vue dans "Everything Will Be Fine" (2010) de Christoffer Boe, "Sandheden Om Maend" (2010) de Nicolaj Arcel et "Sons of Denmark" (2019) de Ulaa Salim, et enfin le jeune Tarek Zayat qui joue l'interpellé par les deux policiers dans son premier film... Les danois ont déjà prouvé un certain talent et un style singulier dans le thriller, on pense surtout et avant tout à la sublime trilogie "Pusher" (1996-2005) de Nicolas Winding Refn, mais outre les réalisateurs cités par Anders Olholm et Frederik Louis Hviidjghy on pense forcément à quelques films coups de poing, récemment en France on ne put passer à côté de "Les Misérables" (2019) de Ladj Ly. Mais si on regarde de plus près le scénario on est beaucoup plus dans "End of Watch" (2012) de David Ayer voir même "'71" (2014) de Yann Demange. Soit ici deux flics que tout oppose, que ce soit humainement ou professionnellement, contraint de travailler ensemble une journée attendue à haute tension de surcroît qui finissent pourchasser par une horde de délinquants et de criminels. On retrouve donc le canevas habituel du duo policier, l'un est honnête et déontologiquement apte, l'autre a tout du ripoux ou plutôt du flic aigri, sur les nerfs habitué de la ligne jaune, qui peut exploser à tout moment. Les deux réalisateurs nous plongent dans le milieu policier promptement, sans avoir nul besoin d'une trop plein explicatif ou de nous bassiner avec 2-3 instants personnels pour nous forcer à l'empathie.
Les réalisateurs préfèrent débuter dans le vif du sujet entre préparation logistique à une journée de patrouille et les infos brûlantes qui mettent sur la sellette d'autres collègues par qui tout arrive. Le début est donc très réaliste, nerveux et immersif mais malheureusement très vite les invraisemblances commencent et en premier lieu une fouille en pleine cité, en pleine rue ! En pleine cité on connaît mieux comme sécurité, en pleine rue à la vue de tous ce n'est pas malin en s'offrant à la vue de tous, et un collègue à priori plus "pro" qui ne dit pas un mot ?!?! On passera sur les effets pyrotechniques très médiocres souffrant visiblement d'un manque de moyens. Mais ensuite les deux policiers fuient, un danger tel qu'on se demande pourquoi il ne libère pas le jeune contre qui de toute façon ils ne peuvent rien retenir comme infraction !? Pourquoi s'embêter avec lui ?! Incohérent... Jusqu'à cette incroyable coïncidence (faut pas pousser !) qui pousse encore plus loin la dramaturgie. Il est dommage que ces quelques choix et/ou idées soient si hasardeux, si maladroits car la mise en scène est par contre particulièrement efficace, nerveuse, au plus près des protagonistes avec quelques passages qui prennent aux tripes. En prime un duo qui fonctionne bien, les deux flics offrent deux facettes d'une même pièce idéalement réunies lors d'un twist aussi inattendu qu'émotionnellement fort, et deux acteurs puissants dont Jacob Lohmann qui impose un charisme singulier. Sur ce twist et cette fin fait revenir sur une déclaration des réalisateurs : "Un film qui rend le spectateur actif dans un conflit qui s'intensifie sans cesse et qui l'oblige à ne pas détourner le regard. Nous vivons une époque sombre. L'humanité a besoin d'espoir. Et c'est finalement ce que Shorta est pour nous, une histoire d'espoir. Il faut être prêt à traverser beaucoup de ténèbres, mais il y a de la lumière de l'autre côté." Sur ce point par contre, on n'est pas raccord avec le duo de réalisateur, leur film est au contraire d'un pessimisme et d'une fatalité effrayante ! En conclusion, ce premier film est un thriller musclé bien réalisé et prenant qui pêche par trop de passages trop invraisemblables alors même que l'immersion réaliste est le credo. Heureusement, les deux personnages principaux sont parfaitement croqués et superbement incarnés, avec un twist final comme un uppercut et finalement on se dit que ces deux réalisateurs sont prometteurs.
Note :