Junk Head (2022) de Takahide Hori

par Selenie  -  19 Mai 2022, 08:17  -  #Critiques de films

1er long métrage du japonais Takahide Hori dont la réputation a traversé les frontières depuis quelque temps déjà puisque son film date déjà de 2017. Evidemment les années Covid ont retardé la plupart des sorties cinéma dans le monde mais depuis plusieurs mois déjà son oeuvre fait le tour des Festivals. Avec ce titre qui signifie en V.F. "Tête de Pacotille", le cinéaste pourrait avoir droit à une place dans le Guiness des Records puisqu'il assure et assume tous les postes ! De producteur-réalisateur il est aussi scénariste, compositeur, monteur, animateur... etc... et acteur qui incarne tous les personnages ! Malgré une formation artistique le cinéaste se lance à un âge qu'on pourrait qualifier de tardif comme il l'explique : "à 40 ans, j'ai voulu me lancer un nouveau défi artistique. C'est une époque où je développais une véritable addiction au cinéma, je voyais jusqu'à 10 films par jour, et ma première formation a consisté à décrypter les séquences, à imaginer comme elles étaient faites, et parfois ce que j'aurais aimé faire à la place." Après quelques années il achève son court métrage "Junk Head 1" (2013), durant 30mn et posté sur Youtube il fait le buzz et fait déjà le bonheur des festivaliers notamment à Clermont-Ferrand où il  obtient le Prix du meilleur film d'animation. Comme il l'avoue, il a choisi le stop-motion par soucis pratique et non pas artistique, car étant seul c'était le système le plus simple et efficace pour pouvoir tout gérer seul en auto-didacte. La stop-motion a déjà offert quelques bijoux au cinéma avec notamment "Les Noces Funèbres" (2005) de Tim Burton, "Mary et Max" (2009) de Adam Elliot, "Kubo et l'Armure Magique" (2016) de Travis knight ou "L'Île aux Chiens" (2018) de Wes Anderson, mais il s'agit de grandes productions avec d'énormes moyens alors que Takahide Hori est seul avec des moyens limités...

L'humanité a réussi à atteindre une quasi-immortalité mais à force de manipulations génétiques elle a perdu la faculté de procréer et décline donc inexorablement. Parton est envoyé en mission dans le monde souterrain pour tenter de percer les secrets de la reproduction. Mais le monde souterrain est le monde des clones mutants qui sont prêts à se rebeller contre les créateurs du monde d'en-haut... Choses rares voir inédites, un générique d'une simplicité unique puisque Takahide Hori est seul maître à bord de A à Z. Il faut le voir pour le croire (conseillons de regarder la vidéo making-of ICI !), Takahide Hori a donc mis plus de 7 ans pour pouvoir tout faire, de la réalisation des décors au bruitage, de jouer les personnages au cadrage etc... allant jusqu'à emmagasiner plus de 140 000 vues ! L'artiste précise : "L'utilisation du stop-motion m'a semblé la bonne voie à suivre pour me lancer seul dans un projet de film de science-fiction dynamique et ludique, qui ne soit pas qu'une imitation du cinéma d'action hollywoodien. Je sais faire des décors, je dirige une société qui a par exemple dessiné les murs du Disneyland de Tokyo, avec un aspect usé réaliste. Et de par ma formation artistique, où j'ai appris le dessin et la sculpture, j'avais déjà fabriqué des figurines." Tout le travail accompli est d'ores et déjà assez inouï et mérite le respect le plus total et le résultat est impressionnant d'autant plus lorsqu'on pense aux sept années de fou vécues par cet artiste accompli. Dès les premières minutes on se retrouve avec une multitude de références, qui ne vont cesser de nous titiller notre cinéphilie de la saga "Alien" (1979-1997) à "Blade Runner" (1982) de Ridley Scott en passant par le cinéma de David Cronenberg, Guillermo Del Toro ou de Alex Proyas voir même le film d'animation "Numéro 9" (2009) de Shane Acker. Esthétiquement on est dans la SF sale, de bouts de ficelles, de dystopie post-apocalyptique avec des effets visuels bluffant comme cet ersatz de Groot dans "Les Gardiens de la Galaxie" (2014) de James Gunn qui se métamorphose en arbre.

Puis on constate vite deux choses qui agressent un peu les oreilles : la voix des personnages et la musique. Les voix sont du charabia plus ou moins mécanique, du bruitage style bug informatique pas des plus inspiré faut bien l'avouer. Le pire est peut-être la musique, reposant sur du boucan électronique redondant assez irritant à force. Dommage car le reste est tout le contraire, sous influences digérées et inspirées, aux effets spéciaux certes artisanaux mais impressionnants à l'image, ce qui reste le plus important, jusque dans de toutes petites choses comme la buée sortant de la bouche, les lueurs qui reflètent... etc... Le scénario est malin (la très bonne idée du changement d'enveloppe corporelle) et surtout est parsemé de petites touches d'humour non négligeables aussi bien via les dialogues (pas toujours très bons) que par des détails physiques comme des "bourreaux" avec des seins, ou l'"anus à visage". Le cinéaste n'oublient pas les centaines de films vus et offre un panel exhaustif de la mise en scène avec tout le cahier des charges avec force ralentis, caméra subjective, flou, flitre de couleurs, travellings,... etc... Le cinéaste, complet, autodidacte et créatif signe un premier film remarquable, ne serait-ce que par sa générosité de fond, sa gourmandise à tous les instants, fun et inventif, il a su faire un travail de pro sans se prendre au sérieux. Une pépite culte en devenir, et surtout une promesse énorme pour un second film, à suivre... Attention déconseillé au moins de 12 ans ! A voir et à conseiller !

 

Note :      

 

15/20
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