L'Ile aux Chiens (2018) de Wes Anderson.
Presque 5 ans après "The Grand Budapest Hotel" (2013), soit sa plus longue pause entre deux films, le réalisateur Wes Anderson revient avec son 9ème long métrage et surtout son 2nd film d'animation après l'excellent "Fantastic Mr. Fox" (2009). Wes Anderson a fait appel à deux de ses fidèles collaborateurs pour écrire le scénario, Roman Coppola et jason Schwartzman, ainsi que Kunichi Nomura, qu'il avait dirigé dans son précédent film pour l'aspect nippon nécessaire à l'histoire. Pour son film Anderson multiplie les références et les inspirations japonaises, il avoue s'être notamment beaucoup inspiré des films "urbains" de Akira Kurosawa comme "Entre le Ciel et l'Enfer" et "Les Salauds dorment en Paix". On notera par ailleurs que le visage du maire ressemble étrangement à Toshiro Mifune, acteur fétiche de Kurosawa. Mais l'équipe s'est également inspirée des films typiques japonais comme les tokusatsu (film à effets spéciaux) et les kaïjus (films de monstres comme "Godzilla"). Et enfin, le cinéaste a également puisé dans les estampes de l'époque d'Edo (19ème siècle).
Le film se doit d'être japonisant, jusque dans la musique signée du français Alexandre Desplat (4ème collaboration entre lui et Anderson depuis "Fantastic Mr. Fox") qui a utilisé le tambour Taiko. Si on connait le style Anderson, de ses couleurs vives et pastels, son côté kitsch on notera son goût pour la symétrie qu'on retrouve chez Kubrick à qui il fait référence également avec le laboratoire blanc qui renvoie à "2001 l'Odyssée de l'Espace" (1968) et la salle des commandes qui renvoie à "Docteur Folamour" (1964). Dans un futur dystopique, suite à une épidémie les chiens sont exilés sur une île en quarantaine. Un jeune garçon va tenter de retrouver son chien aidé par un commando de 5 chiens intrépides... Ce qu'on apprécie chez Anderson c'est que ce soit un film en prise de vue réelle ou en animation, le cinéaste garde son style et impose son originalité jusque dans la stop motion. Le cinéaste a refait appel à Tristan Oliver, spécialiste du concept ayant déjà oeuvré sur "Fantastic Mr. Fox" mais aussi sur "Wallace et Gromit" et "Chicken Run".
Le film use de la 2D comme de la 3D (chiens robots créés par imprimante 3D par exemple) mais ce qu'on aime surtout c'est le choix de Anderson pour une stop motion différente. En effet, dans la grande majorité des cas, la stop motion est dite "par unités" soit 24 postures de marionnettes pour une seconde de film. Mais Anderson opte pour une stop motion "par paires" qui donne un aspect plus saccadé, plus maladroit qui accentue ainsi le côté artisanal de l'entreprise. Wes Anderson, sous couvert d'une aventure canine à première vue inoffensive, signe surtout un pamphlet anti-impérialisme teinté d'un manifeste pour la tolérance. Il fustige ainsi la caste politicienne corrompue et se joue de la couleur des poils canins. En prime, une réflexion sur la condition féminine placée judicieusement. Par contre, l'humour se fait plus discret, moins mordant et le rythme est un peu plus monotone que dans "Fantastic Mr. Fox" mais offre, dans le même temps, un récit plus dense et sans doute plus ambitieux.
Note :