L'Île Rouge (2023) de Robin Campillo
Nouveau et quatrième long métrage de Robin Campillo après "Les Revenants" (2004), "Eastern Boys" (2013) et surtout "120 Battements par Minute" (2017) qui s'intéresse à un sujet inédit, la décolonisation vu par une enfant française à Madagascar. Un sujet qui touche de près le cinéaste puisque son père était sous-officier dans l'armée de l'Air, sa famille a donc voyagé justement jusqu'à la base 181 à Madagascar : "Mon enfance aura été en quelque sorte conditionnée par les considérations géo-politiques de la France. Une fois rentré en France, encore enfant, je gardais une véritable nostalgie de Madagascar. (...) Pourtant, sans que je sache trop pourquoi, je ne voulais pas retourner dans ce pays. Comme si en quittant Madagascar, quelque chose s'était brisé, et qu'il fallait se contenter de souvenirs." Malgré plusieurs faits et souvenirs retranscrits dans son histoire le réalisateur précise que le film reste une fiction et non une autobiographie. Le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Gilles Marchand réalisateur de "Qui a tué Bambi ?" (2003), "L'Autre Monde" (2010) et "Dans la Forêt" (2016) mais également scénariste fidèle de Dominik Moll notamment sur le récent et excellent "La Nuit du 12" (2022), puis avec Jean-Luc Raharimanana, romancier et poète malgache auteur entre autre du recueil "Rêves sous le Linceul" (1998), du roman "Za" (2008) ou encore du conte "Trois Tresses" (2018)... Début des années 70, sur une base de l'armée française à Madagascar, des militaires et leurs familles vivent les dernières illusions du colonialisme alors que l'île est désormais indépendante. Thomas, 10 ans, se forge petit à petit un regard sur le monde influencé par ses lectures de Fantômette...
Le couple principal est incarné par Nadia Tereszkiewicz vue récemment dans "Les Amandiers" (2022) de Valeria Bruni-Tedeschi, "Mon Crime" (2023) de François Ozon et "La Dernière Reine" (2023) de Damien Ounouri et Adila Bendimerad, puis Quim Gutierrez vu dans "Jungle Cruise" (2021) de Jaume Collet-Serra et "Madeleine Collins" (2021) de Antoine Barraud. Un autre couple est interprété par Sophie Guillemin qui retrouve son scénariste Gilles Marchand après "Harry un Ami qui vous veut du Bien" (2000) de Dominik Moll et vue entre autre dans "La Tête en Friche" (2010) de Jean Becker, "Malgré la Nuit" (2014) de Philippe Grandrieux ou "Sans Toi" (2022) son premier film en tant que réalisatrice, et David Serero chanteur lyrique vu déjà acteur dans "L"Echappée Belle" (2015) de Emilie Cherpitel ou "Nous Trous ou Rien" (2015) de Kheiron. Citons plusieurs non-professionnels ou débutant avec Charlie Vauselle, Amely Rakotoarimalala, Cathy Pham, Mitia Ralaivita également Luna Carpiaux aperçue dans le moyen métrage "Des Jeunes Filles enterrent leur Vie" (2022) de Maïté Sonnet présenté à Cannes 2022 à la section Un Certain Regard, puis enfin n"oublions pas François-Dominique Blin vu notamment de "La Prochaine Fois je viserai le Coeur" (2014) de Cédric Anger, "La Dame dans l'Auto avec des Lunettes et un Fusil" (2015) de Joan Sfar écrit aussi par Gilles Marchand puis vu dans "Un Homme à la Hauteur" (2016) de Laurent Tirard... Si le cinéaste réfute l terme d'autobiographie il est pourtant évident qu'il puise dans ses souvenirs pour son récit et que l'importance de ses souvenirs dans cette histoire ne font pas l'ombre d'un doute jusqu'à l'imagination des jeux et/ou rêves de l'enfant. Ainsi Robin Campillo avoue par exemple que les éléments comme les crocodiles, la bague de la mère, tout ce qui entoure le personnage fictif de Fantômette sont véridiques. Mais surtout on ne peut qu'acquiescer et comprendre tous les non-dits et l'atmosphère particulière qui entoure les français de Madagascar. Le film est un peu construit sur deux lignes de lecture, d'abord avec les adultes qui apprécient plus ou moins leur vie sur l'île Rouge, vu comme une île paradisiaque où les militaires français n'ont plus d'importance réellement actif depuis l'indépendance, puis l'enfant, Thomas passionné par ses lectures de Fantômette qui observe les adultes et leur mode de vie sans vraiment tout comprendre et sans réellement être conscient des effets post-colonialisme.
La partie des adultes repose sur une réalité du quotidien, avec les conditions professionnelles forcément et l'intimité des couples comme de la caserne. La partie Thomas repose sur une innocence matérialisée par une fantasmagorie créative et fantaisiste qui contraste un peu avec l'ambiance joyeuse apparente mais qui n'est pas dénuée d'un peu de théâtre ou jeu de dupes plus ou moins nécessaire au sein d'une communauté quasi autarcique. Malheureusement on s'attend à un raccord ou à un lien entre Thomas et la réalité mais cela n'arrivera pas ce qui crée deux films en un, l'un étant trop détaché de l'autre. On se demande alors où veut nous mener le réalisateur-scénariste dans cette chronique douce-amère un peu redondante. Mais il y a une mise en scène inventive, fluide qui film Madagascar de sublime façon, subtilement où on visite l'île rouge dans toutes splendeurs ocres et ses nuances, avec plusieurs séquences ou plans sont de toute beauté du crocodile au sable sur la bague en passant par la danse ou la table en aragonite et le rappel avec les paysages de Madagascar vus du ciel et la fête à travers la fenêtre alvéolée. Notons le magnifique casting, des acteurs au diapason. On suit donc une communauté de soldats et leur famille qui vivent de façon plutôt dilettante, la paix est de rigueur et les plaisirs se prennent de façon simple et presque oisive. On remarque alors que les militaires vivent en vase clos, toujours dans la base militaire ou les relations avec les malgaches restent très limitées. Mais sur le fond où va-t-on ?! On constate qu'il manque une réelle histoire, sans intrigue ni enjeu avant la toute fin qui arrive un peu soudainement, et là on comprend le but politique du cinéaste. Pourquoi pas ?! Mais alors on se dit pourquoi s'être attardé plus de 1h30 sur des militaires français lambda, leur famille, Madagascar elle-même pour qu'il n'y ait au final pas franchement de lien tangible avec cette conclusion ?! On serait presque tenté de dire "tout ça pour ça"... La fin du film crée un décalage brutal peu agréable, voir une sorte de hors sujet ou de frustration tant les 3/4 du film nous promettait autre chose... Note indulgente.
Note :