La Nuit du 12 (2022) de Dominik Moll
7ème long métrage du réalisateur Dominik Moll depuis "Intimité" (1993), sans compter deux séries TV ("Tunnel" en 2013 et "Eden" en 2019), et il revient avec un nouveau thriller. Cette fois il adapte le livre "18.3 -une année à la PJ" (2021) de Pauline Guéna, où plutôt il adapte une trentaine de pages des 500 que contient ce livre d'investigation où l'auteur a passé une année en immersion au sein de la Police Judiciaire de Versailles. Un livre d'enquête et de témoignages très documenté donc, mais le cinéaste a voulu malgré tout vivre la même expérience, en version courte, en effectuant également un stage : "Mon immersion a était bien sûr très courte, mais elle m'a permis d'observer ce monde de près : la lourdeur de la procédure et des PVs, les relations au sein d'un groupe, le contraste entre la tension des interrogatoires et la trivialité des moments qui permettent d'évacuer la pression." Le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Gilles Marchand, lui-même réalisateur avec "Qui a tué Bambi ?" (2003), "L'Autre Monde" (2010) et "Dans la Forêt" (2016) et surtout scénariste pour d'autres, pour Dominik Moll depuis "Harry un ami qui vous veut du Bien" (2000) à l'exception notable du film "Le Moine" (2011), mais aussi scénariste des films "Main dans la Main" (2011) et "Marguerite et Julien" (2015) tous deux de et avec Valérie Donzelli ou encore "La Dame dans l'Auto avec des Lunettes et un Fusil" (2015) de Joann Sfar... À la PJ chaque enquêteur tombe un jour sur une enquête qui le hante. Pour le capitaine Yohan Vivès c'est le meurtre de Clara, victime d'une immolation par le feu. Les interrogatoires se succèdent, les suspects ne manquent pas, mais plus le crime reste impuni et incompris pet plus Yohann a des doutes... jgfc
Le capitaine est incarné par Bastien Bouillon, qui retrouve Dominik Moll après "Seules les Bêtes" (2019) où il était gendarme mais naïf et souriant, depuis il a joué dans "Jumbo" (2020) de Zoé Wittock et "À Coeur Battant" (2020) de Keren Ben Rafael. Son collègue et co-enquêteur est joué par Bouli Lanners acteur fétiche des grolandais Delépine-Kerven et de Albert Dupontel vu récemment dans "Cette Musique ne joue pour Personne" (2021) de Samuel Benchetrit et dans son propre film "L'Ombre d'un Mensonge" (2021). Ce dernier retrouve au casting trois partenaires, après "Réparer les Vivants" (2016) de Katell Quillévéré Théo Cholbi vu dans "The Smell of Us" (2015) de Larry Clark, "Coup de Chaud" (2015) de Raphaël Jacoulot et "Aurore" (2017) de Blandine Lenoir, après "Les Premiers, les Derniers" (2016) de Lanners lui-même David Murgia habitué des thrillers après notamment les excellents et sombres "Bullhead" (2010) de Michaël R. Roskam, "Alleluia" (2014) et "Inexorable" (2022) tous deux de Fabrice du Welz, puis après "Notre Dame" (2019) de et avec Valérie Donzelli la jeune Pauline Serieys aperçue dans "My Little Princess" (2011) de Eva ionesco ou "Une Famille à Louer" (2016) de Jean-Pierre Améris. Citons encore Julien Frison révélé tout jeune dans "Big City" (2007) de Djamel Bensalah, et vu entre temps dans "L'Amant d'un Jour" (2017) de Philippe Garrel ou "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan, Pierre Lottin membre de la saga "Les Tuche" (2011-2021) de Olivier Baroux mais remarqué aussi dans des films comme "Qu'un Sang Impur..." (2020) de Abdel Raouf Dafri, "Playlist" (2021) de Nine Antico ou "Présidents" (2021) de Anne Fontaine, Camille Rutherford vue dans "Felicita" (2020) de Bruno Merle et "After Blue (Paradis Sale)" (2021) de Bertrand Mandico, puis Anouk Grinberg vu récemment dans "Money" (2017) de Gela Babluani et "Tromperie" (2022) de Arnaud Desplechin... Le film débute sur un vélodrome où un flic se défonce sur un vélo comme pour se vider la tête, évacuer le stress. Un lieu épuré de toute beauté, terne, impersonnel qui annonce d'emblée un film clinique, précis, immersif. Le film débute vraiment après le meurtre odieux de la jeune femme et l'arrivée des enquêteurs sur le secteur. L'enquête démarre de façon méthodique et réaliste, on se surprend à remarquer qu'il existe rarement mais encore quelques films très réalistes sur le travail policier (voir ICI !) et Dominik Moll peut se targuer de pouvoir justement entrer avec ce film dans le classement.
Les grands films s'affirment dans les détails, et c'est justement dans ces détails policiers qui indiquent un réel travail de documentation, un réel soucis du détail justement, un réel respect du travail et du monde policier. Du pot de départ (oui les flics sont comme les autres) à la polyvalence du policier (réparateur d'imprimante !) en passant par les bugs du LRP (logiciel de rédaction des procès-verbaux) ou les rapports internes... etc... Ca change des clichés et des raccourcis de 99% des films. Mais ce qu'on aime aussi c'est cette immersion à la fois simple et primaire au sein d'une enquête qui tourne en rond (vélodrome !), qui mène nulle part et qui par conséquent crée des tensions, des crises, à la fois personnelles et professionnelles. Une sobriété judicieusement marquée par la musique, quasi absente sur une grande partie du récit, mais subtilement placée quand elle est là, une musique mélancolique signée d'ailleurs Olivier Marguerit remarqué aussi récemment pour la musique du magnifique film "Onoda, 10000 Nuits dans la Jungle" (2021) de Arthur Harari. L'enquête montre aussi la routine, les heures de rédactions ("on se bat contre le mal en rédigeant des rapports"), les moments conviviaux et complices aussi, puis en parallèle du monde policier le propos de fond repose pourtant et surtout sur les rapports hommes-femmes sans jamais jouer la morale même si le capitaine semble évoluer après que la meilleure amie de la victime s'auto-flagelle en constatant que son témoignage pousse à juger les moeurs de la défunte. Puis arrive la fin, le vélodrome laisse place aux grands espaces, ça ne tourne toujours pas rond on tente de boucler la boucle autrement, on pousse, on avance, on évolue... Dominik Moll signe un polar réaliste et "vrai" dans le sens noble du terme, où le monde n'est ni noir ni blanc. A voir et à conseiller.
Note :