Inexorable (2022) de Fabrice Du Welz

par Selenie  -  8 Avril 2022, 14:17  -  #Critiques de films

Fabrice Du Welz, un des meilleurs français dans le cinéma de genre voir le meilleur, avec des films comme "Vinyan" (2008), "Colt 45" (2014), "Alleluia" (2014) ou "Message from the King" (2017) revient avec un thriller psychologique que le cinéaste voulait dans la lignée des "home invasion" : "Ces films pleins de tensions sexuelles que j'adorais. Je voulais que l'on soit happé, que le spectateur plonge dans ce vortex, qu'il se noie dans les mensonges de Benoît Poelvoorde." Le cinéaste avoue s'être inspiré du Giallo et du gothique et surtout s'être inspiré entre autre du film "Voici le Temps des Assassins" (1956) de Julien Duvivier. Le cinéaste co-signe le scénario avec deux nouveaux collaborateurs, Joséphine Hopkins remarquée pour ses courts-métrages "Döber" (2012), "Justines" (2016) ou "15h43" (2016), puis Aurélien Molas créateur-scénariste de plusieurs séries TV comme "Maroni" (2018), "Trauma" (2019) ou "Une Île" (2020)... À la mort de son père, éditeur célèbre, Jeanne emménage dans la demeure familiale avec sa fille et son époux, Marcel Bellmer écrivain à succès. Mais petit à petit, une jeune femme, Gloria, va s'immiscer dans la famille et tenter de séduire Marcel qui semble cacher de son côté un secret... 

La fille de l'éditeur est interprétée par Mélanie Doutey en salles actuellement aussi dans "Le Temps des Secrets" (2022) de Christophe Barratier, et qui retrouve après "Narco" (2003) de Tristan Allouet et "Le Grand Bain" (2018) tous deux de Gilles Lellouche son partenaire Benoît Poelvoorde dans le rôle de l'époux, qui retrouve de son côté le réalisateur Fabrice Du Welz après "Adoration" (2019) et vu récemment dans "Adieu Paris" (2022) de et avec Edouard Baer. L'intruse est incarnée par Alba Gaïa Bellugi peu vue au cinéma mais citons "Aimer, Boire et Chanter" (2014) de Alain Resnais et "La Stoffa dei Sogni" (2016) de Gianfranco Cabiddu, surtout remarquée dans la série TV "Le Bureau des Légendes" (2015-2020). Citons ensuite Jackie Berroyer qui retrouve le cinéaste après "Calvaire" (2004) et Poelvoorde juste après "Adieu Paris", Catherine Salée vue notamment dans "La Tête Haute" (2015) de Emmanuelle Bercot et "Ils sont Vivants" (2021) de Jérémie Elkaïm, puis enfin Anaël Snoek remarquée dans "Les Garçons Sauvages" (2017) de Bertrand Mandico et qui retrouve Poelvoorde et Du Welz après "Adoration"... D'emblée on ne peut que remarquer le générique stylé, et précisons donc que les deux génériques de début et fin son t signés de l'artiste Tom Kan qui a déjà collaboré plusieurs fois avec les réalisateurs Gaspard Noé ou les Wachowski... Le "Home Invasion" est un sous-genre en soi bien connu de "La Servante" (1960) de Kim Ki-Young à "Dans la Maison" (2012) de François Ozon en passant par  "Theoreme" (1969) de Pier Paolo Pasolini ou "La Main sur le Berceau" (1992) de Curtis Hanson le thème de l'intrus qui s'immisce au sein d'un foyer pour une raison plus ou moins précise est une source riche et efficace pour un thriller psychologique. Fabrice Du Welz le sait et veut enrichir son film d'autres ingrédients avec le Giallo et le gothique symbolisé par un grain appuyé et des tons délavés, puis par un décor façon manoir mystérieux presque anachronique. Ainsi se façonne un climax austère et froid, presque idéal pour un huis clos étouffant attendu. L'intrigue se met en place avec deux parallèles, un père et mari qui cache un secret qu'on nous dévoile forcément intime, puis une jeune femme qu'on nous montre seule et paumée qui n'est forcément pas là par hasard.

Le cinéaste nous dévoile donc très et trop vite ce qui aurait dû attiser un suspense insoutenable. On devine dès la première demi-heure le gros de l'intrigue autour du roman "Inexorable". C'est le gros défaut du film. Tout repose donc sur les rebondissements et/ou sur un éventuel twist, l'atmosphère sans compter un casting réussi. Les rebondissements sont logiques mais sans réelles surprises, pas de twist, par contre l'atmosphère est très bien rendue, l'ambiance angoissante et la montée en tension restent prenantes. Mais surtout le film surnage grâce à un quator d'acteurs épatants ; Poelvoorde est impeccable en auteur tourmenté même si parfois on se dit que son personnage ne peut avoir été ainsi durant 25 ans (?!), Doutey est impressionnante bien qu'un peu trop antipathique, une belle ambiguité de Alba Gaïa Bellugi qui se situe entre une Noé Abita dans "Ava" (2017) de Léa Mysius et Charlotte Gainsbourg dans "La Petite Voleuse" (1988) de Claude Miller, sans compter une étonnante et jeune Janaina Halloy Fokan qui joue la fille du couple qui assure un rôle difficile pour son premier rôle. Malgré un récit trop cousu de fil blanc le réalisateur instaure un semblant de suspense qui fait étonnamment son effet, une mise en abyme réussie donc avec des acteurs investit, une direction d'acteur indéniablement inspirée font que le film surnage jusqu'à cette fin grandiloquente un peu râtée alors qu'on sent justement la volonté d'un final Giallo marquant mais dont le côté graphique et les choix chorégraphiques ne convainc pas franchement. En conclusion, Fabrice Du Welz signe un thriller psycho-érotique qui manque d'un suspense franc, qui manque de chair aussi et d'un final moins maladroit. On aimerait aimer plus mais il fait avouer qu'il s'agit sans doute d'un des films les moins aboutis du réalisateur malgré l'ambition. Note indulgente.

 

Note :                

12/20
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