Adieu Paris (2022) de Edouard Baer
Quatrième film en tant que réalisateur pour Edouard Baer après "La Bostella" (1999), "Akoibon" (2005) et "Ouvert la Nuit" (2017). Le cinéaste explique son idée : "Souvent, les générations d'acteurs admirent celle d'avant, pour le travail des acteurs mais aussi pour leur personnalité. Il y a cette impression qu'il sont aussi fascinants à la ville que sur scène, des types qui peuvent tenir le coup dans des dîners face à des buveurs. Il y a eu la bande Belmondo-Rochefort-Marielle, puis Poiret-Serrault, Piéplu, Galabru... J'ai beaucoup aimé tous ces gens-là. Quand j'ai commencé ce métier, je voulais les rencontrer, être avec eux. J'aimais ce qui allait avec la vie, l'idée de dîner ensemble... Et puis j'avais envie aussi peut-être de filmer une bascule de temps, la fin d'une époque. Pas seulement sur les acteurs mais sur certains personnages de la vie sociale parisienne, la vie de café. Car ce type de figues des nuits parisiennes n'existent plu beaucoup." Le réalisateur-scénariste a écrit son histoire avec Marcia Romano, scénariste qui a récemment signé "Suprêmes" (2021) de Audrey Estrougo, "De son Vivant" (2021) de Emmanuelle Bercot et "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan. Baer dit de sa collaboratrice : "Elle ne s'est pas projetée dans ce milieu par rapport à son vécu mais par rapport au cinéma qu'elle a aimé comme par exemple les comédies italiennes des années 60/70, avec ces hommes de mauvais foi qui se gueulent dessus. Pour une femme, il était amusant de regarder des vieux messieurs indignes."... Huit messieurs, huit grandes figures de Paris se retrouvent pour leur dîner rituel. Sens de l'humour et autodérisions intacts, huit amis dont l'adage pourrait être "qui aime bien châtie bien" pour une soirée qui s'annonce sous les meilleurs hospices jusqu'à ce qu'un intrus arrive...
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Les huits amis sont incarnés par Pierre Arditi vu dans "Le Trésor du Petit Nicolas" (2021) de Julien Rappeneau et "Les Choses Humaines" (2021) de Yvan Attal, Bernard Le Coq vu dans "Qui m'Aime me Suive !" (2019) de José Alcala et "Riquet, le Songe de Maurouze" (2019) de Jean Périssé, Bernard Murat surtout connu comme metteur en scène pour le théâtre vu dans deux seuls films au cinéma ces 10 dernières années avec "Le Prénom" (2012) de Delaporte-de La Patellière et "Rose" (2021) de Aurélie Saada, Daniel Prévost vu dans "Lucky" (2020) de Olivier Van Hoofstadt et "Les Blagues de Toto" (2020) de Pascal Bourdiaux, Gérard Depardieu vu dans "Des Hommes" (2021) de Lucas Belvaux et retrouve après "Illusions Perdues" son partenaire Jean-François Stévenin dans un énième film posthume avec aussi "Tendre et Saignant" (2022) de Christopher Thompson, Jackie Berroyer, François Damiens vu dans "8 rue de l'Humanité" (2021) de Dany Boon et "Cette Musique ne Joue pour Personne" (2021) de Samuel Benchetrit, Jackie Berroyer qui avait justement débuté dans "Double Messieurs" (1986) de Jean-François Stévenin et qui retrouve après "Effacer l'Historique" (2020) du duo grolandais Kervern-Delépine son partenaire Benoît Poelvoorde qui lui-même retrouve Depardieu après "Mystère à Saint-Tropez" (2021) de Nicolas Benamou, puis l'acteur japonais Yoshi Oida qui retrouve Edouard Baer après "Ouvert la Nuit" (2015), acteur vu entre autre dans "Le Concile de Pierre" (2006) de Guillaume Nicloux et "Silence" (2016) de Martin Scorcese. Dans ce milieu très masculin dixit le réalisateur-scénariste, citons tout de même les quelques femmes avec Léa Drucker vue récemment dans "C'est la Vie" (2020) de Julien Rambaldi et "Chère Léa" (2021) de Jérôme Bonnell, Isabelle Nanty vue dans "Miss" (2020) de Ruben Alves et "Les Tuche 4" (2021) de Olivier Baroux, et enfin Ludivine Sagnier qui retrouve Jackie Berroyer après "La Vérité" (2019) de Hirokazu Kore-Eda et vvue dernièrement dans "La Forêt de mon Père" (2020) de Vero Cratzborn et "Les Méchants" (2021) de Mouloud Achour et Dominique Baumard... A la fois film hommage d'une certaine époque déjà lointaine ou du moins qui semble disparaître, et film nostalgique qui fantasme sur un passé idéalisé, Edouard Baer réunit une jolie troupe d'acteurs avec une petite ironie dont on peut deviner l'idée, soit placer Depardieu, peut-être le dernier des artistes gargantuesques, hors du repas. Un pied de nez (de cochon !) judicieux.
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Si le film débute avec un certain entrain on décèle aussitôt une mélancolie et même un certain cynisme mais sans jamais se départir d'empathie et de lucidité qui se confirmera au fil du récit. Les amis de 30 ou 40 se font vieux, et surtout on constate forcément que l'âge n'a pas le même effet sur tous, tous égaux sauf vis à vis du temps qui passe, ce qui se précise d'autant plus que les anciens s'obligent à inviter désormais la "jeune" génération eux-mêmes subissant la pression plus ou moins assumée d'être enfin adoubé par les aînés. D'un point de vue général Baer avoue s'être inspiré du film "Husbands" (1972) de John Cassavetes, mais on est surtout agréablement surpris de la mise en scène de Edouard Baer. En effet, histoire quasi à huis clos on aurait pu s'attendre à un film peut-être trop théâtral ce qui n'est pas du tout le cas. Le réalisateur utilise intelligemment la caméra à l'épaule, donne du mouvement et de la fluidité à sa caméra qui accentue le rythme et donne un peu de vie à l'ensemble, et donc à la Closerie des Lilas. Le scénariste quant à lui soigne les personnages qui se dévoilent finalement avec un peu de secret, juste assez et au fur et à mesure, puis nous savourons des dialogues inspirés, des joutes verbales qui sonnent vraies, c'est-à-dire que Edouard Baer est aussi lucide sur le fond, chaque grand homme n'a pas toujours le mot juste, la réplique qui fait mouche d'autant plus quand l'âge fait son effet. Ainsi, même dans les mots un peu faiblards de certains protagonistes, dans le verbe pas si haut, il y a une vérité et une authenticité qui donne une vraie texture à l'ensemble. Néanmoins, sur le fond les discours ou autres dialogues sont sur le fond bien pauvre, Baer ne raconte rien ou pas grand chose. Un autre gros défaut réside dans les rôles féminins qui paraissent ajoutés parce que sans femmes le film aurait pu être taxé de sexisme. L'épouse (Nanty) qui veut s'incrustée est sous-exploitée en témoigne sa pseudo-attaque furtive, la femme de ménage (Drucker) meuble un peu, la fille (Sagnier) ne sert absolument à rien. Il aurait fallu assumé la réunion entre mâles, ou carrément donner un peu d'épaisseur aux femmes plutôt que ces apparitions bien pensantes. Néanmoins, Edouard Baer signe un film aussi réjouissant sur la forme que triste sur le fond, comme un constat d'échec malgré les quelques étincelles où l'optimisme se dispute au pessimisme. Un film à voir.
Note :