Les Choses Humaines (2021) de Yvan Attal

par Selenie  -  2 Décembre 2021, 08:54  -  #Critiques de films

7ème long métrage en tant que réalisateur pour Yvan Attal mais seulement le 2ème dans lequel il n'apparaît pas après "Le Brio" (2017). Pour son nouveau projet après "Mon Chien Stupide" (2019) il avait avant tout envie d'aborder un autre genre que la comédie : "Me retrouver dans un genre de cinéma qui m'a donné envie de faire du cinéma avec des éléments que je n'avais jamais eu l'occasion de filmer - un commissariat de police, un Palais de Justice, une perquisition, etc." Le cinéaste a choisi d'adapter le roman éponyme (2019) de Karine Tuil dont Yvan Attal dit : "J'étais ému par l'accusé - en qui je pouvais voir mon fils -, ému par la victime - en qui je pouvais voir ma fille -, je me suis totalement identifié aux parents des deux jeunes impliqués dans ce fait divers. J'ai modifié la structure de l'histoire - il y a "lui" puis "elle" et enfin le procès - pour que le spectateur prenne le temps de s'attacher à eux. J'avais envie de savoir d'où ils venaient, qui ils étaient, comment chacun avait perçu la soirée qui précède le drame, pourquoi elle estimait qu'il y avait eu viol et lui considérait qu'elle avait donné son consentement." Attal précise s'être beaucoup documenté auprès de magistrats, avocats et policiers pour écrire : "La salle du procès est ce qui m'a le plus marqué : il y règne un silence, une tension très forte. Ce n'est pas une salle de spectacle. Les avocats se livrent évidement à des "performances", parfois théâtrales, mais leur objectif est de frapper fort et de convaincre parce que l'enjeu est immense. J'ai assisté à un procès pour viol." ... Une jeune homme est accusé d'avoir violé une jeune femme, une amie. Les deux n'ont pas la même version qui tourne autour de la notion de consentement. Mais si les deux jeunes sont brisés, leurs proches ne sont pas moins abasourdis. Leurs vies, les certitudes, tout semble voler en éclat...

La victime est interprétée par Suzanne Jouannet (rien à voir avec Chloé Jouannet, autre actrice fille de Alexandra Lamy), dont c'est le premier rôle au cinéma après quelques courts métrages comme "H le Reste est Silence" (2020) de Jean-Pierre Garnier et "Une Drôle de Vie" (2020) de Jean-Paul Civeyrac. L'auteur présumé est incarné par Ben Attal, fils de dont l'expérience se résume à jouer dans tous les films de son père à l'exception notable de "Do Not Disturb" (2012), il retrouve donc logiquement sa maman Charlotte Gainsbourg qui elle aussi à jouer dans les films de son conjoint Yvan Attal, sauf dans "Le Brio". Rappelons donc que la famille était réunie pour les films "Ma femme est une Actrice" (2001), "Ils se Marièrent et eurent beaucoup d'enfants" (2003), "Ils sont Partout" (2016) et "Mon Chien Stupide". Le grand-père du jeune est joué par Pierre Arditi vu récemment entre autre dans les films "Monsieur et Madame Adelman" (2017) et "La Belle Epoque" (2019) tous deux de et avec Nicolas Bedos, le père de la demoiselle est interprété par Mathieu Kassovitz vu dernièrement dans "Les Méchants" (2021) de Mouloud Achour-Dominique Baumard et dans "Lui" (2021) de et avec Guillaume Canet. Citons ensuite Audrey Dana vue récemment dans "Profession du Père" (2021) de Jean-Pierre Améris, Camille Razat révélée dans "Rock'n Roll" (2017) de et avec Guillaume Canet et vue depuis dans "Ami-Ami" (2018) de Victor Saint-Macary ou "L'Amour est une Fête" (2018) de Cédric Anger, Puis Judith Chemla vue dans "Une Vie" (2016) de Stephane Brizé et "À Coeur Battant" (2020) de Keren Ben Rafael et qui retrouve après "Le Sens de la Fête" (2017) du duo toledano-Nakache l'acteur Benjamin Lavernhe qui est omniprésent cette année avec "Le Discours" (2021) de Laurent Tirard, "Délicieux" (2021) de Eric Besnard et "The French Dispatch" (2021) de Wes Anderson... Comme le réalisateur-scénariste l'a annoncé le récit est donc découpé en plusieurs parties, et comme il l'a annoncé c'est avant tout pour qu'on s'attache aux deux protagonistes. Malheureusement, le premier soucis est qu'on ne s'attache pas à ceux qu'il croit ni pour les raisons qu'il espérait. On constate d'emblée que Yvan Attal use et abuse une nouvelle fois de l'écueil des grand bourgeois comme personnages principaux, et pas qu'un peu, des hommes et femmes de pouvoirs, nantis et privilégiés. Les deux premières parties, "Lui" et "Elle", suivent les deux protagonistes principaux mais finalement sans grand intérêt puisque le cinéaste en profite pour aborder plusieurs sujets épineux en filigrane qui polluent le propos principal.

D'abord Alexandre/Ben Attal n'est pas franchement un jeune homme qui amène à l'empathie, brillant étudiant, assurément un enfant aimant etc... mais il est aussi narcissique, hautain, exemplaire idéal du bobo issu du 16ème avec sa cuillère en argent dans la bouche. Non pas qu'il n'existe pas de bourgeois vertueux et sympa, mais il faut avouer que pour traiter d'un sujet aussi tendancieux et universel on est ici plutôt dans l'élitisme. Ensuite, malgré la neutralité désirée et clairement esquissée par le réalisateur-scénariste, le funambulisme est ici un manque de courage car la balle au centre ne poussera pas les spectateurs à réfléchir, non ils seront chacun de leur côté confirmés dans leurs certitudes. Puis derrière ses deux "victime/coupable" il y a beaucoup trop de sujets plus ou moins abordés, plus ou moins exploités mais assurément martelés ! Lutte des classes, différences sociales, culturelles, raciales... etc... Tout y passe sans que ce soit franchement nécessaire et, surtout, efficace car cela fait too much, embouteillage thématique, et surtout didactique et démago. Le plus gros soucis est qu'on sent qu'on veut forcer le spectateur à se pencher sur toutes ses décalages sociétaux alors même que cela parasitent le sujet principal, à savoir le viol et la question du consentement. Et donc il faut attendre le procès pour que le film prenne toute sa dimension car c'est là que tout est disséqué dans le grand théâtre du tribunal. C'est là aussi que Yvan Attal fait montre d'un talent d'écriture certain, certe très écrit mais ça passe car le tribunal n'est assurément pas un lieu de débauche littéraire. Enfin on entre dans le vif du sujet. Qui est-il vraiment cet Alexandre ?! Est-ce que la différence sociale est assez flagrant pour être un paramètre à prendre en compte ?! - sûr que ce point est plus facile à explorer que la question culturo-raciale ! - A quel niveau et à quel point doit-on prendre en compte certaines preuves ou présomption de preuves ?! Et surtout Yvan Attal arrive de façon exemplaire à exposer trois points essentiels : la perception personnelle d'un même moment, le fait que même sans viol flagrant une femme peut être réellement blessée et que la morale n'est pas la justice et vice versa. Notons que par contre, jamais on arrive à s'attacher ni à Alexandre ni à Milla, et cela est sans doute dû à une trop forte différence sociale entre les deux, mais surtout la neutralité absolu pousse au doute sur l'un comme sur l'autre. On s'interroge sur le traitement du papa présentateur télé coureur de jupon qui est à l'image des deux premières parties : un capharnaüm de pensées, d'idées et de réflexions éventuels. Puis finalement, l'émotion ne vient que de deux personnages, le couple collatéral du père de Milla/Kassovitz et de la mère de Alexandre/ Gainsbourg, qui sont brisés, mais qui s'aiment tout en ne le pouvant pas. En conclusion Yvan Attal part trop dans tous les sens et perd un peu l'essence même de son sujet principal, on frôle le hors sujet au début mais rebondit plutôt judicieusement dans le seconde moitié de film. Un film qui reste audacieux vu la thématique, mais le courage n'empêche pas les maladresses. Un film ludique et nécessaire, à conseiller malgré tout.

 

 

Note :            

 

14/20
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :