L'Enigmatique Monsieur D. (1956) de Sheldon Reynolds
Créateur de la série TV "Sherlock Holmes" (1954-1955), Sheldon Reynolds signe son premier long métrage avec ce projet qui n'est autre que l'adaptation de la série TV "Foreign Intrigue" (1951-1956). Réalisateur-scénariste il retrouve pour écrire le scénario Harold Jack Bloom qui écrit aussi sur la série "Sherlock Holmes" (1954) mais qui a écrit surtout les films "L'Appât" (1953) de Anthony Mann ou "La Terre des Pharaons" (1955) de Howard Hawks, ils co-signent le scénario avec Gene Levitt qui écrira ensuite les films "Au Sud de Mombasa" (1956) de George Marshall ou "The Night Runner" (1957) de Abner Biberman. Le succès ne sera pas au rendez-vous, Sheldon Reynolds restera surtout à la télévision mais reviendra de temps à autre au cinéma avec "L'Enfer du Manitoba" (1965) ou "Les Tueurs sont Lâchés" (1968)... En villégiature sur le Côte d'Azur, le riche homme d'affaire Victor Danemore meurt subitement. Présent au moment du drame, l'agent de publicité Dave Bishop apprend que Danemore était un maître-chanteur. Intrigué il décide d'en savoir plus et suit ses traces à travers l'Europe alors en pleine Guerre Froide...
Dave Bishop est incarné par la star Robert Mitchum alors au sommet après les succès de "Rivière sans Retour" (1954) de Otto Preminger, "La Nuit du Chasseur" (1955) de Charles Laughton ou cette même année "Bandido Caballero !" (1956) de Richard Fleischer. Le futur défunt est joué par Jean Galland acteur récurrent chez Max Ophüs avec "Le Plaisir" (1951), "Madame De..." (1953) et "Lola Montès" (1955), son épouse est jouée par Geneviève Page vue dans "Fanfan la Tulipe" (1951) de Christian-Jaque, "Lettre Ouverte" (1953) de Alex Joffé ou "Michel Strogoff" (1956) de Carmine Gallone. Citons ensuite Ingrid Thulin actrice fétiche de Ingmar Bergman avec six films entre "Les Fraises Sauvages" (1957) et "L'Heure du Loup" (1967), Frédéric O'Brady vu dans "Drôle de Drame" (1937) de Marcel Carné, "Le Passe-Muraille" (1951) de Jean Boyer ou "Dossier Secret (Mr Arkadin)" (1956) de et avec Orson Welles, Eugene Deckers vu dans "La Salamandre d'Or" (1950) de Ronald Neame, "Capitaine sans Peur" (1951) de Raoul Walsh ou "De l'Or en Barre" (1951) de Charles Crichton, Inga Tidblad vue entre autre dans "Intermezzo" (1936) ou "Franskild" (1951) de Gustaf Molander, Georges Hubert vu dans "Paysans Noirs" (1949) de Georges Régnier ou "Nez de Cuir" (1952) de Yves Allégret qui retrouve après "Elena et les Hommes" (1956) de Jean Renoir son partenaire Jim Gérald vu dans "Boule de Suif" (1945) de Christian-Jaque, "Moulin Rouge" (1952) de John Huston ou "La Comtesse aux Pieds Nus" (1954) de J.L. Mankiewicz, puis enfin Robert Le Béal second rôle sur plus de 150 films entre "Les Visiteurs du Soir" (1942) de Marcel Carné et "Les Rois du Gag" (1985) de Claude Zidi... Le premier soucis du film est l'écueil du passage du petit au grand écran, soit d'un système d'épisodes de 30mn à un long métrage, par là même on passe d'un couple à un homme seul devenant espion malgré lui. Le réalisateur avoue ses références et celle qui est la plus flagrante est bel et bien Alfred Hitchcock, on pense de loin par exemple à "L'Homme qui en savait Trop" (1956). Malheureusement, il y a deux différences notables, la première est que Sheldon Reynolds n'a nullement le génie de Hitchcock, et Mitchum semble s'ennuyer et offre un minimum syndical qui s'en ressent.
Le réalisateur use trop systématiquement du fondu au noir, ça devient un tic qui se remarque grossièrement, surtout que le reste de la mise en scène est très statique, sans imagination ; résultat on a l'impression que le réalisateur a trouvé le concept du fondu au noir pour compenser une mise en scène télévisuelle dont il ne peut se défaire. L'autre soucis reste le départ de l'intrigue qui ne tient pas franchement la route. En effet, chez Hitchcock par exemple les événements forcent le héros à réagir à l'insu de leur plein gré, ici on se demande pourquoi Bishop/Mitchum se lance autant dans cette affaire, surtout que le départ repose sur une requête qui n'a rien d'extraordinaire (en effet demander une preuve de décès est presque logique pour bon nombre d'organisme). Plus prosaïquement on notera aussi une idylle mal amenée à laquelle on ne croit pas une seconde, visiblement ni les acteurs d'ailleurs. Pourtant, le scénario est doté des paramètres habituels du genre avec agent double, suspense, femme fatale et seconds rôles intrigants (le meilleur atout du film) avec en prime un voyage international qui ne manque pas d'exotisme ou du moins de l'effet carte postale pour un ensemble qui n'est pas dénué d'une certaine élégance. Néanmoins c'est un peu juste pour devenir ou être un grand film. Techniquement, le film a a priori subi les affres du temps, mais une fois encore nous vous conseillons le coffret BluRay-DVD de Rimini Editions qui ont fait un travail impeccable atténuant les petits défauts. Le film reste une curiosité cinéphile intéressante, ne serait-ce que pour Mitchum alors au sommet.
Note :
Merci à notre partenaire RIMINI Editions pour leur travail avec en bonus un interview passionnant