Heroico (2024) de David Zonana

par Selenie  -  30 Mai 2024, 07:37  -  #Critiques de films

Second long métrage après "Mano de Obra" (2019) pour le réalisateur-scénariste mexicain David Zonana qui voulait cette fois explorer la violence qui gangrène son pays : "Le rôle de ses institutions, de ses structures sociales, de la pauvreté, du colonialisme, de l'identité indigène, du manque d'opportunités et de la marginalisation. Tout cela joue un rôle et je crois qu'Heroico saisit ces idées. Ces questions sont celles de toute personne vivant dans le Mexique moderne." Le sujet n'est pas nouveau en soi mais quand il est inhérent au Mexique la tagline "Le film qui dérange le gouvernement mexicain" est annonciateur du scandale qui secoué le pays du cinéaste : "Le film a suscité une vive controverse en raison de son sujet. Beaucoup de personnes y ont vu une attaque virulente contre l'institution la plus puissante du pays, une institution qui, pour beaucoup, tire les ficelles du gouvernement, et une institution qui n'avait jamais été dénoncée de la sorte." La thématique reste une valeur sûre et le public veut en savoir plus, la preuve le film est un énorme succès au Mexique et a même pris la place de n°1 sur Amazon Prime... 

Mexique. Luis jeune indigène de 18 ans espère un meilleur avenir en s'enrôlant comme cadet d'infanterie au Heroic Military College. Il a l'ambition d'atteindre le grade d'officier ce qui lui permettrait de subvenir aux besoins de sa famille. L'école militaire est située dans les montagnes au milieu de monuments aztèques mais Luis va vite comprendre que les symboles ne veulent rien dire. Les codes sont stricts et amènent aux abus de toutes sortes, mais le pire arrive quand Luis attire l'attention du sadique sergent Sierra... Luis est incarné par Santiago Sandoval Carbajal dans son premier rôle au cinéma. Citons ensuite Esteban Caicedo vu dans "I carry you with Me" (2020) de Heidi Ewing, "La Déesse de l'Asphalte" (2020) de Julian Hernandez ou "La Cocina" (2024) de Alonso Ruizpalacios, Fernando Cuautle vu dans "Nebaj" (2019) et "Gol de PLata" (2020) tous deux de Kenneth Muller ou "No Man's Land" (2021) de Conor Allyn et retrouve après "New Order" (2021) de Michel Franco sa partenaire Monica Del Carmen révélation de "Année Bissextile" (2010) de Michael Rowe et va devenir l'actrice fétiche de Michel Franco avec aussi "Despuès de Lucia" (2012) et "Sundown" (2022), Isabel Yudice surtout aperçue dans des séries TV et dans le film "Canela" (2012) de Jordi Mariscal, Ivan Florès remarqué dans "Ernie & Cerbie" (2018) de Tammy A. Williams... Un jeune soldat arrive à l'école d'officier, dès les premières minutes on constate deux choses. La première est qu'on s'interroge sur la véracité de l'admission où comment un jeune de 18 ans peut entrer en école d'officier sans bagage au lieu d'être plus logiquement soldat du rang ?! La seconde est que la visite médicale est étrange, une première humilitiation ou est-ce une véritable méthode médicale ?! On pense fortement aux premiers moments d'entrée en formation de "Le Maître de Guerre" (1986) de et avec Clint Eastwood ou "Full Metal Jacket" (1987) de Stanley Kubrick. Néanmoins, au casting le cinéaste a fait appel à d'anciens vrais cadets : "A mon sens, cela confère au film une authenticité nécessaire. Je voulais prendre le moins de liberté possible. Je ressentais une responsabilité particulière en choisissant de parler d'un monde aussi secret, sur lequel très peu d'informations sont disponibles." Le début du film est assez classique mais on remarque très vite les humiliations, les instructeurs qui savourent leur statut de "petits chefs", les codes plus ou moins officiels en vigueur au sein de l'institution... etc...

On s'interroge aussi sur ce groupe d'instructeurs, qui frôle le sadisme comme des lycéens de dernières années qui s'amusent à rabaisser les premières années. Mais souvent dans les films il s'agit d'un abus de pouvoir d'un homme ou deux alors que le film suppose et suggère que cet apprentissage agressif serait en fait systémique. Le pamphlet est évident sur une institution gangrénée par des méthodes institutionnalisées qui semblent reposer sur une multitude de bizutages. On a bien du mal à y croire car pourquoi et comment y voir une utilité ou un bénéfice sur la formation et le mental des futurs officiers ?! Etrange... Mais finalement le plus intéressant reste la mise en scène, une mise en scène sèche et austère tout en mêlant les songes et cauchemars du personnages, qui matérialisent ses peurs et ses doutes sous le regard silencieux et mystique d'une sculpture de dieu aztèque. Au fur et à mesure la réalité et le rêve se confondent jusqu'à cette toute fin où on se demande si elle a vraiment lieu à la manière d'une certaine toupie à la fin de "Inception" (2010) de Christopher Nolan. En conclusion un pamphlet qui tape fort où "Des Hommes d'Honneur" (1992) de Rob Reiner puissance mille sur un système vicié dont on ne comprend pas grand chose. Intéressant sans que le réalisateur puisse nous expliquer réellement les choses. 

 

Note :                 

12/20
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