Marcello Mio (2024) de Christophe Honoré
15ème long métrage pour Christophe Honoré depuis "17 Fois Cécile Cassard" (2002) et après son dernier film "Le Lycéen" (2022) et surtout il retrouve son actrice fétiche Chiara Mastoianni à qui il offre ce projet singulier pour leur 7ème collaboration depuis "Les Chansons d'Amour" (2007). Un film de fiction qui reprend pourtant des éléments réels et familiaux de l'actrice notamment et surtout sa filiation puisque, rappelons-le, elle est la fille de deux immenses stars, Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni. Les rôles principaux sont tenus par des acteurs proches de l'actrice qui jouent pour la plupart leur propre rôle. Une sorte d'introspection identitaire vis à vis de son père, dont on fête cette année le centenaire de la naissance. Le film a connu plusieurs titres, d'abord "O Sole Mio", puis "Près des Yeux, Près du Coeur" avant de devenir définitivement et judicieusement "Marcello Mio"... Chiara, fille des stars Catherine Deneuve et Marcello Mastroianni, se retrouve en proie à une crise d'identité lors d'un été tumultueux. Elle finit par se convaincre qu'elle devrait se rapprocher de son père physiquement. Elle commence alors à se vêtir comme il le faisait, reprendre sa manière de parler et même sa gestuelle. Son entourage est évidemment dans l'incompréhension mais au fil du temps, devant sa détermination Chiara devient de plus en plus Marcello...
Au casting, la plupart des acteurs sont donc des proches de l'actrice dans leur propre rôle. Chiara Mastroianni entre donc dans la peau de son père avec qui elle a joué petite dans "La Cité des Femmes" (1980) de Federico Fellini mais coupée au montage, puis dans "Les Yeux Noirs" (1987) de Nikita Mikhalkov, "Prêt-à-Porter" (1994) de Robert Altman et "Trois Vies et une Seule Mort" (1996) de Raoul Ruiz. Elle retrouve sa mère Catherine Deneuve pour leur 12ème collaboration depuis "A Nous Deux" (1979) de Claude Lelouch, et rappelons qu'elle a joué avec son conjoint Marcello Mastroianni dans "Liza" (1972) de Marco Ferreri, "L'Evénement le Plus Important depuis que l'Homme a marché sur la Lune" (1973) de Jacques Demy et "Touche pas à la Femme Blanche" (1974) de Marco Ferreri. Citons ensuite deux ex de Chiara, Melvil Poupaud (ensemble en 1990-1992 et rester très proches) se retrouvant pour leur 11ème film depuis "A la Belle Etoile" (1994) de Antoine Desrosières, il a eu la chance de jouer avec Marcello dans "Trois Vies et une Seule Mort" (1996) et retrouve Catherine Deneuve pour la 5ème fois depuis "Généalogie d'un Crime" (1997) de Raoul Ruiz, puis Benjamin Biolay (en couple en 2002-2009) qui retrouve Chiara et son réalisateur après "Chambre 212" (2019) et retrouve après "Pourquoi tu Pleures ?" (2011) de Katia Lewkowicz sa partenaire Nicole Garcia qui retrouve Catherine Deneuve après avoir été devant la caméra dans "Bancs Publics (Versailles Rive-Droite)" (2009) de Bruno Podalydès et derrière la caméra pour son propre film "Place Vendôme" (1998). Citons encore Fabrice Luchini vu tout récemment dans l'OFNI "L'Empire" (2024) de Bruno Dumont et qui retrouve Deneuve après "Potiche" (2010) de François Ozon, Stefania Sandrelli star italienne partenaire de Marcello Mastroianni dans "Divorce à l'Italienne" (1961) de Pietro Germi, "Nous nous sommes Tant aimés" (1974) et "La Terrasse" (1980) tous deux de Ettore Scola puis "Le Grand Embouteillage" (1979) de Luigi Comencini et qui tourne encore vue récemment entre autre dans "Seconde Jeunesse" (2022) de Gianni Di Gregorio, puis enfin citons un nouveau venu dans l'univers de la famille Mastroianni, le britannique Hugh Skinner qui lui joue un personnage fictif, aperçu dans "Les Misérables" (2012) de Tom Hooper ou "Scandaleusement Votre" (2023) de Thea Sharrock mais plus connu pour des séries TV comme "The Windsors" (2016-2023) ou "Les Filles de Joie" (2017-2019)... Alors disons-le de suite, le film est multi-référencé, les néophytes du cinéma de la famille Mastroianni vont forcément passer à côté des très nombreuses références et clins d'oeil à la carrière de Marcello, mais n'oublions pas toutefois la mise en scène de Christophe Honoré qui reste inspirée et une fantaisie constante qui ne peut que faire aimer le cinéma. Notons que le film frôle sans doute un certain nombrilisme, assez logiquement puisqu'au auto-centré mais pas plus que n'importe quel biopic. La réussite du film repose aussi sur le fait que s'ils 'agit d'un bel hommage à Marcello Mastroianni le réalisateur en profite surtout pour un merveilleux hommage au cinéma dans toute sa richesse sur le fond comme sur la forme. Le film emprunte à l'histoire familial Deneuve-Mastroianni, une grande partie de ce qui est racontée reste véridique, jusque dans les parties intimes et/ou conjugales, mais la dérision constante et le paramètre de la crise existentielle permet autant de distancier les choses que de s'amuser à lire entre les lignes et à percevoir toutes les références autour de Marcello et de sa fille.
Le tournage sous la direction de Nicole Garcia ajoute une mise en abyme intéressante, permet la participation toujours aussi réjouissante d'un Fabrice Luchini en acteur certe, mais surtout fan passionné et bienveillant. Evidemment on retrouve Catherine Deneuve d'abord mère compréhensive puis mère ébranlée, les amours de Chiara avec Melvil Poupaud et Benjamin Biolay sans oublier le caméo touchant de Stefania Sandrelli, mais c'est surtout l'incroyable ressemblance de Chiara avec Marcello, même en étant la fille de son père, qui reste troublante et participe évidemment à l'immersion dans l'histoire, mais c'est surtout le naturel avec lequel l'actrice s'approprie son modèle qui laisse sans voix. Alors qu'on suit les tergiversations de Chiara et son "trouble de personnalité" on apprécie aussi la réalisation de Christophe Honoré, offrant des petits plans-séquences, des alternances entre rêve et réalité, jouant avec la dualité Chiara-Marcello sans jamais accentué le mimétisme très judicieusement évitant ainsi une dimension de folie psychologique qui n'a nullement lieu d'être. La belle réussite aussi est ce mix parfait entre rire et larme, le récit est toujours aussi drôle qu'émouvant avec une certaine mélancolie mais toujours saupoudrée de fantaisie ce qui donne autant de larmes (pour les plus sensibles ou les plus amoureux du cinéma de Mastroianni) que de rires. Il y a bien une petite baisse de régime après l'émission TV italienne, on devine que la chercher la bonne fin n'a pas été facile mais finalement la fin est assez légère, joliment amenée. Christophe Honoré signe un magnifique film de pur cinéma, qui transpire l'amour du Septième Art dans toutes ses strates et qui est aujourd'hui certainement son meilleur film. Merci Christophe Honoré, mais aussi merci Catherine, merci Chiara et finalement merci Marcello !
Note :