Lettres Siciliennes (2025) de Fabio Grassadonia et Antonio Piazza
Le duo italien Fabio Grassadonia et Antonio Piazza revient après avoir été remarqué avec leurs films "Salvo" (2013) et "Sicilian Ghost Story" (2017). Ce nouveau projet est prévu comme partie intégrante de ce que les deux réalisateurs-scénaristes voient comme leur trilogie mafieuse, et pour cette dernière partie ils s'inspirent directement de Matteo Messina Denaro (Tout savoir ICI !), considéré comme le dernier grand Parrain de la Cosa Nostra. Cependant les cinéastes insistent et affirment que leur film n'est pas un biopic et que l'histoire est tiré d'un fait divers réel à partir de la correspondance du mafieux entre 2004 et 2006, Antonio Piazza précise : "C'est la page la plus sombre de l'histoire de l'Italie car Messina Denaro a été recherché pendant trente ans. Même s'il était très intelligent, différent des autres types de chefs mafieux, une personne activement recherchée ne peut pas l'être aussi longtemps sans bénéficier de protections, notamment de ceux qu'on pourrait appeler les loyaux serviteurs de la nation, en particulier la police et les services secrets." Précisons que le titre en V.O. est "Iddu", terme sicilien qui veut dire "Lui" et se refère à l'origine à dieu mais aussi au volcan, terme qui servit de code à la mafia pour désigner Matteo Messina Denaro durant sa cavale. Le personnage est encore assez emblématique pour que la production reçoive des pressions, par exemple le film n'a pu être diffusé dans les salles en Sicile...
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Sicile au début des années 2000, après plusieurs années de prison pour collusion avec la mafia, Catello ex-politique aguerri a tout perdu. Lorsque les services secrets sollicitent son aide pour capturer son filleul Matteo, dernier chef de la Cosa Nostra en cavale depuis des années. Catello saisit l'occasion y voyant le moyen de se remettre en selle. Homme expérimenté et rusé Catello débute alors une correspondance avec son filleul fugitif... L'ex-politique engagé par les services secrets Catello est interprété par Toni Servillo, déjà connu pour avoir abordé le milieu mafieux avec "Gomorra" (2008) de Matteo Garrone ou "Il Divo" (2008) de Paolo Sorrentino et vu plus récemment dans "Adagio" (2023) de Stefano Sollima et "Caracas" (2024) de Marco D'Amore. Le Parrain en cavale Matteo Messina Denaro est incarné par Elio Germano également aboné au Milieu avec entre autre "Romanzo Criminale" (2005) de Michele Placido ou "Suburra" (2015) de Stefano Sollima et vu dernièrement dans "Confidenza" (2024) de Daniele Luchetti. Citons ensuite Barbora Bobulova vue dans "Libero" (2006) de Kim Rossi Stuart, "Après la Guerre" (2017) de Annarita Zambrano ou "Vers un Avenir Radieux" (2023) de et avec Nanni Moretti, Tommaso Ragno vu dernièrement dans "Tre Piani" (2021) de et avec Nanni Moretti ou "Vermiglio ou la Mariée des Montagnes" (2025) de Maura Delpero et qui retrouve après "Le Poète et le Dictateur" (2020) de Gianluca Jodice son partenaire Fausto Russo Alesi vu surtout chez Marco Bellochio avec "Vincere" (2009), "Le Traître" (2019) et "L'Enlèvement" (2023)... Le début est excellent, impose en quelques minutes tout ce qui fait le code du film de mafieux avec la violence, l'honneur ou la loyauté. On constate vite que la construction narrative va évidemment alterner entre les deux protagonistes principaux, le Parrain en fuite et filleul du second, ex-condamné faussement loyal et surtout aussi opportuniste que pragmatique, puis plusieurs passages en flash-backs qui soulignent quelques moments plus ou moins importants qui auront formé et façonné la personnalité du Parrain Matteo Messina Denaro/Germano. Si ça peut paraître un concept narratif parfois lourd ou superflu ces flash-backs s'avèrent plutôt judicieux et surtout bien intégré au récit.
La ligne narrative est symbolisé aussi par le puzzle (passion du Parrain et une pièce manquante qui est tiré d'un fait réel) qui est comme une ligne directrice, symbole des méandres de la corruption et de la violence qui entoure le Parrain et son parrain (!). La force du film est aussi ce qui peut gêner certains, à savoir un scénario complexe au mélange des genres qui peut paraître parfois confus. Ainsi, si le film reste un polar mafieux avec ces codes inhérent au genre, on perçoit aussi une petite pincée de comédie à l'italienne (voiturette du début, gendre), thriller psychologique (les desideratas des deux personnages), le mix polar et espionnage, le drame familial (liens avec les proches)... mais le tout fonctionne plutôt bien grâce aussi à une certaine dérision et surtout à une forte ironie (de l'histoire). Pour l'intrigue le processus et le plan des lettres restent passionnants et ne pêche que par une fliquette qui soudainement n'a plus de compte à rendre à son équipe et son supérieur (bizarre). Niveau acting, une fois de plus déçu par un Tino Servillo alias Catello qui joue une fois encore sa gamme de confort quitte à s'autocaricaturer, par contre Elio Germano alias Matteo est impeccable de sobriété et de nuances. En conclusion, un très bon thriller dramatique mafieux qui manque d'un peu de panache et/ou d'action pour passer un cap mais ça reste passionnant.
Note :