True Romance (1993) de Tony Scott
L'histoire de ce film peut-être considéré comme le premier projet écrit par un certain Quentin Tarantino, ou plutôt initié et co-écrit par lui avec son ami et colocataire Roger Avary. C'est ce dernier qui a écrit un premier scénario de 80 pages intitulé "The Open Road" en 1985 alors qu'il vivait avec son acolyte. Il s'agissait d'un vendeur de comics Clarence qui rencontre Mallory, et deviennent tueurs en série. Durant des années Avary tente de vendre son scénario sans succès. Finalement Avary délaisse son projet pour tenter une adaptation sur le Surfer d'Argent de chez Marvel (qui ne verra jamais le jour), alors Tarantino lui demande si il peut retravailler "The Open Road". Ainsi Tarantino réécrit le projet durant un an pour un scénario qui devient 500 pages dont la complexité amènera le scénariste à imaginer plusieurs films qui seraient liés pas des éléments communs. Ainsi naît d'abord "True Romance", puis "Reservoir Dogs", tandis que d'autres parties seront dans les scénarios des futurs "Pulp Fiction" et "Tueurs Nés". Le tournant se fait en 1990, quand Tarantino rencontre le producteur français Samuel Hadida qui est enthousiasmé par le projet et achète les droits pour 30000 dollars, le minimum légale pour un scénario à Hollywood. Alors qu'au départ la réalisation doit être confiée à William Lustig, connu pour "Maniac Cop" (1988), une nouvelle rencontre relance tout, à savoir la réalisateur de "Top Gun" (1986) Tony Scott qui adore le script, et surtout qui a une vision commune avec Hadida et Tarantino. Tony Scott permet aussi de faciliter la production et d'avoir un budget plus important qui laisse l'opportunité d'un casting prestigieux. Donc Tony Scott assure donc la réalisation, Hadida futur réalisateur de "Crying Freeman" (1994) assure la production, Tarantino signe le scénario et obtient de réaliser son premier long métrage qui sera "Reservoir Dogs" (1992) qu'il réalise un peu tôt puisque Tony Scott voudra réécrire la fin, et ce sera donc Roger Avary qui reviendra pour écrire la fin modifiée avec l'accord de Tarantino. Roger Avary quant à lui passera aussi derrière la caméra avec "Killing Zoe" (1994). Les deux co-scénaristes auront plus tard des désaccords sur les crédits vis à vis des scénarios des films, mais les 80 pages initiaux de Avary ne lui laisseront finalement pas grand chose revendiquer. Le film est plutôt bien accueilli par les critiques malgré sa violence qui lui coûtera quelques censures dans plusieurs pays (et donc plusieurs versions plus ou moins modifiées), mais le public aura du mal à se rendre au cinéma, rentrant dans ses frais aux Etats-Unis en récupérant son budget de 12 millions de dollars. En France il fera environ 390000 entrées. Une petite déception mais qui sera vite comblée puisque le film va vite devenir culte, au fur et à mesure que l'oeuvre de Tarantino se façonnera. Film souvent interdit au moins de 16 ans... Le jour de son anniversaire, Clarence, un vendeur de VHS, rencontre Alabama avec qui c'est le coup de foudre. Après une nuit d'amour et une révélation, le couple en sort plus fort mais va aussi vite s'enfoncer dans une spirale de violence...
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Le couple est incarné par deux acteurs qui vont devenir des stars justement avec ce film, Christian Slater remarqué dans "Le Nom de la Rose" (1986) de Jean-Jacques Annaud et "Robin des Bois, Prince des Voleurs" (1991) de Kevin Reynolds, puis Patricia Arquette qui retrouve après "The Indian Runner" (1991) de Sean Penn son partenaire Dennis Hopper vu la même année dans "Red Rock West" (1993) de John Dahl et qui retrouve de son côté après "Chattahoochee" (1989) de Mick Jackson l'acteur Gary Oldman tout juste auréolé du mythique "Dracula" (1992) de Francis Ford Coppola et qui retrouvera dans "Manipulations" (2000) de Rod Lurie Christian Salter ainsi que Saul Rubinek vu dans "Wall Street" (1986) de Oliver Stone ou "Impitoyable" (1992) de et avec Clint Estwood après lequel il retrouve aussi Anna Thompson future vedette des films de Amos Kollek. Citons ensuite Chris Penn également à l'affiche de "Reservoir Dogs" (1992) et qui retrouvera dans "Nos Funérailles" (1996) la star Christopher Walken qui lui-même retrouvera Tony Scoot pour "Man on Fire" (2004) et Tarantino dans "Pulp Fiction" (1994) à l'instar de Samuel L. Jackson qui jouera en tout dans pas moins de sept films de Tarantino. Citons encore Val Kilmer qui retrouve pour ce qui est surtout un caméo en Elvis mentor Tony Scott entre "Top Gun" (1986) et "Déjà Vu" (2006), et retrouvera dans le chef d'oeuvre "Heat" (1995) de Michael Mann son partenaire Tom Sizemore qui poursuivra l'aventure tarantinesque avec "Tueurs Nés" (1994) de Oliver Stone. N'oublions pas Brad Pitt remarqué dans "Thelma et Louise" (1991) de Ridley Scott et "Et au Milieu coule une Rivière" (1992) de Robert Redford, Michael Rapaport aperçu la même année dans "Nom de Code : Nina" (1993) de John Badham et "Poetic Justice" (1993) de John Singleton, James Gandolfini qui retrouvera son réalisateur pour "USS Alabama" (1995) et "L'Attaque du Métro 123" (2009) avec entre temps la reconnaisnce mondiale avec la série TV "Les Soprano" (1999-2007), Michael Beach apparu dans "Abyss" (1989) de James Cameron ou "Short Cuts" (1993) de Robert Altman, puis enfin Frank Adonis et Victor Argo, deux gueules abonnées aux rôles de mafieux qui se sont entre croisés sur "The King of New-York" (1990 - avec Christopher Walken) et "Bad Lieutenant" (1992) tous deux de Abel Ferrara ou "Ghost Dog" (1999) de Jim Jarmush. Précisons que le jeune qui joue le fils de Clarence n'est autre que le vrai fils de Patricia Arquette... Le film débute donc logiquement comme le dit la tagline de l'affiche, comme une "Bonnie and Clyde des années 90", avec le coup de foudre, la révélation qui au lieu de briser le couple va le renforcer, les prémices de la violence qui annonce l'engrenage, puis surtout on remarque très vite ce qui va marquer les films siglés Tarantino. Avant tout la qualité des dialogues où se mêlent répliques ciselées et monologues plus ou moins philosophiques, une gourmandise pour les scènes d'action aussi flamboyantes que sanglantes et évidemment les références nombreuses qui démontrent déjà un amour de cinéma.
Entre citons le monologue de Elvis/Kilmer qui est issue de premier projet avorté de Tarantino "My Best Friend's Birthday" (1987), les films vus au cinéma sont avec Sonny Chiba idole de Tarantino qu'il fera tourné plus tard dans "Kill Bill" (2003-2004), Clarence/Slater regarde aussi à la télé "Le Syndicat du Crime 2" (1987) de John Woo, on aperçoit aussi des clins d'oeil au film de blaxploitation "The Mack" (1973) de Michael Campus et "Voyage au Bout de l'Enfer" (1978) de Michael Cimino. Le plus amusant est sans doute la présence d'un personnage nommé Lee Donowitz, que Tarantino citera des années plus tard comme le fils de Donny Horowitz dans "Inglourious Basterds" (2009), anecdote parmi tant d'autres qui seront révélés au fil des films de Tarantino créant ainsi un canevas dynastique entre ses films. Un caviar de cinéphile à venir... Mais le film reste bel et bien réalisé par Tony Scott, qui est un réalisateur plus nerveux, aujourd'hui on se dit qu'il aurait pu prendre un peu plus son temps, donner un peu plus d'ampleur, d'attention ou de mesure à certaines scènes. Mais le scénario est d'une efficacité effarante et Tony Scott réussit tout de même à rendre l'histoire diablement jouissive et ténébreuse avec des personnages attachants, des séquences marquantes et/ou mythiques comme le tabassage de Alabama/Arquette par un monstre bestial (Gandolfini) ou, évidemment, la fusillade finale. Un film devenu logiquement culte, bien aidé par un casting quatre étoiles et des faces à faces d'anthologie.
Note :