Guerre et Paix (1966-1967) de Serguei Bondartchouk
Second long métrage de Serguei Bondartchouk après "Le Destin d'un Homme" (1959), l'homme est déjà un acteur de théâtre réputé en U.R.S.S. L'idée d'adapter le fameux roman éponyme (1865-1869) de Léon Tolstoï (Tout savoir ICI !), qui fut déjà adapté en Russie en 1915 par Vladimir Gardine, lui vient après le succès mondial de la version hollywoodienne "Guerre et Paix" (1956) de King Vidor qui fit tout de même plus de 31 millions de spectateurs au box-office soviétique ! Un succès que le cinéaste russe subit comme un affront. En 1961 il écrit à ses amis : "Nous-mêmes ne serions pas capables de l'adapter ? C'est une honte devant le monde entier !" Avec une bonne approche patriotique, le cinéaste obtient le soutien du pouvoir soviétique pour produite cette nouvelle adaptation 100% soviétique. Le réalisateur-scénariste co-écrit le scénario avec Vasiliy Solovyov. Le tournage débute le 7 septembre 1962 pour commémorer le 150ème anniversaire de la bataille de Borodino, et le tournage va durer pas moins de quatre années pour un budget de 8,2 millions de roubles, soit avec l'inflation environ 60 millions de dollars soit le film le plus cher jamais produit en U.R.S.S. ou Russie. Le film sort en quatre parties sur les années 1967-1968 pour une durée de 6h43 et en version longue 8h40. Le film est un succès critique et public ce qui est un pari réussi avec une telle longueur. Le film amasse plus de 58 millions d'entrées en U.R.S.S., et 1,2 millions d'entrées France mais le véritable bonus vient en 1969 avec l'Oscar et le Golden Globe du meilleur film étranger... On suit donc le destin de plusieurs personnes de l'aristocratie russe dans les affres des guerres napoléoniennes, de 1805 à 1820. Le récit se focalise surtout sur la période 1805 et la guerre de coalition et Austerlitz, le traité de Tilsit en 1807, puis surtout la campagne de Russie en 1812. Le film est scindé en quatre parties, avec Andrei Bolkonski, Natacha Rostova, 1812 et Pierre Bezoukhov...
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Les trois personnages principaux sont donc Natacha Rostov incarnée par Lioudmila Savelieva, qui était danseuse à Leningrad quand elle est choisie pour le rôle, qui va lancer sa carrière avec plus tard "Les Fleurs du Soleil" (1970) de Vittorio de Sica ou "Le Cavalier sans Tête" (1973) de Vladimir Weinstock, Viatcheslav Tikhonov vu dans "Aux Sept Vents" (1962) de Stanislav Rostotski ou "Tuer le Dragon" (1988) de Mark Zakharov, puis Pierre Bezoukhov joué par le réalisateur lui-même vu auparavant dans "Othello" (1955) de Serguei Ioutkevitch ou son propre film "Le Destin d'un Homme" (1959) après lequel il retrouve l'acteur Gueorgui Milliar vu dans "Nous, de l'Oural" (1943) de Alexandra Khokhlova ou "Morozko" (1964) de Alexnadre Rou. Le réalisateur-scénariste-acteur retrouve aussi après "La Jeune Garde" (1948) de Sergueï Guerassimov son actrice Nonna Mordioukova vue dans "Une Histoire Simple" (1960) de Iouri Egorov ou "Le Bras de Diamant" (1968) de Leonid Gaïdaï, puis retrouve après "Des Soldats Marchaient" (1959) de Leonid Trauberg l'acteur Oleg Efremov vu dans "Mon Petit Frère" (1962) de Alexandre Zarkhi et "Les Vivants et les Morts" (1964) de Aleksandr Stolper après lequel il retrouve également Oleg Tabakov vu plus tard dans "Partition inachevée pour Piano Mécanique" (1977), "Quelques Jours de la Vie d'Oblomov" (1981) et "Les Yeux Noirs" (1986) tous trois de Nikita Mikhalkov, puis aussi Alekseï Glazyrine vu dans "La Tragédie Optimiste" (1963) de Samson Samsonov. Citons ensuite Viktor Stanitsyne vu dans "Les Grades et les Hommes" (1929) de Yakov Protazanov ou "Les Âmes Mortes" (1960) de Leonid Trauberg et retrouve après "La Bataille de Stalingrad" (1949) de Vladimir Petrov l'acteur Boris Smirnov vu dans "Le Communiste" (1957) de Youli Raizman ou "Résurrection" (1960) de Mikhaïl Schweitzer, Anastasia Vertinskaïa qui retrouve son partenaire Vassili Lanovoï après "Les Voiles Ecarlates" (1961) de Alexandre Ptouchlo et "Anna Karénine" (1967) de Alexandre Zarkhi, Irina Skobtseva vue dans "Les Nuits Blanches" (1959) de Yvan Pyriev et retrouvera son partenaire et réaliste pour "Waterloo" (1970), Vladislav Strjelchik alias Napoléon Bonaparte vu dans le film français "la Nuit des Adieux" (1966) de Jean Dréville, ce réalisateur français est aussi celui du film "Normandie-Niemen" (1960) dans lequel jouait Nikolaï Rybnikov. Citons encore Boris Khmelnitsky vu dans "Celui qui rentrera finira d'Aimer" (1966) de Léonide Ossyka ou "Zhuravushka" (1968) de Nikolaï Moskalenko, Iya Arepina vue dans "Le Géant de la Steppe" (1956) de Alexandre Ptouchko et retrouve après "Le Lutteur et le Clown" (1957) de Boris Barnet et Konstantin Youdine son partenaire Stanislav Tchekan vu aussi dans "Entrée dans la Vie" (1963) de Igor Talankine, puis enfin Nikolaï Grinko acteur fétiche de Andrei Tarkovski de "L'Enfance d'Ivan" (1962) à "Stalker" (1979)...
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1805, on est avant tout plongé dans l'aristocratie russe alors que la guerre de coalition se comprend en filigrane mais les nobles de Saint-Petersbourg ont la tête ailleurs pour la plupart. Les décors et costumes sont sublimes, qui apparaissent comme sortis tout droit d'époque ce qui est en partie vrai puisque la production a obtenu l'aide de plusieurs musées, et même plusieurs prêts pour des tenues historiques. La mise en scène de Bondartchouk est soignée, élégante et méticuleuse mais presque trop, il ya donc aussi des longueurs et des parties contemplatives qui se mêlent créant un rythme singulier, parfois lancinant ou monotone, la faute aussi et sans aucun doute à la volonté farouche d'être le plus fidèle possible au roman. Malheureusement ce choix de mise en scène arase tout romanesque, on flirte constamment avec le docu-fiction un peu trop didactique. La fresque est immense au point où le film est doté de plus de 300 rôles parlants, les thèmes abordés sont nombreux et racontent surtout la vie en Russie au début du 19ème siècle essentiellement du point de vue des nantis.
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Malgré des passages ennuyants ou soporifiques, la faute à ce style très réaliste voir documentaire, le film n'est pas dénué de séquences spectaculaires ou impressionnantes, en premier lieu desquels deux scènes de bam qui n'ont rien à envier à la plus connue dans "Le Guépard" (1963) de Luchino Visconti, et évidemment des batailles avec Auzterlitz évidemment mais surtout celle de Borodino entrée au Guinness Book pour ces 120000 figurants/soldats ! Mais outer le nombre, c'est le soin apporté à la reconstitution qui est une claque visuelle et historique, dans la façon dont la guerre se faisait à l'époque jusque dans les stratégies avec une réalisation qui cette fois montre toute son ampleur. Bondartchouk alterne les cadrages et les techniques avec des panoramiques digne de tableaux, des caméras suspendues par des câbles pour survolés ou traversés le champ de bataille (pas de drônes en 1965). Par contre, l'authenticité a l'extrême a causé quelques accidents dont plusieurs chevaux tués sur le tournage, ce qui a d'ailleurs suscité quelques censures dans certaines villes américaines notamment. Le film est une fresque dantesque à la fois intimiste et spectaculaire, dommage que le film manque un peu de flamboyance et de passion, la chair y est triste (hélas...) et l'émotion souvent engoncée. Néanmoins, le travail sur une telle production est bluffant pour un film unique et monumental. Bondartchouk fera encore mieux en soignant justement ses premières maladresses pour ce qui pourrait être considéré comme la suite avec l'excellent "Waterloo" (1970).
Note :