Demolition (2016) de Jean-Marc Vallée
Le réalisateur canadien Jean-Marc Vallée, auteur du superbe "Dallas Buyers Club" (2013) semble avoir suivi les conseils de son ami Denis Villeneuve qui a tourné "Prisoners" (2013) et "Enemy" (2014) avec Jake Gyllenhaal. Voici que ce dernier quitte le second pour le premier pour un film un peu plus heureux que chez Villeneuve. L'histoire est très librement inspirée du propre vécu du scénariste Bryan Sipe qui repose sur le point essentiel d'un homme qui ne ressent plus grand chose et qui a besoin de tout "démolir" pour pouvoir se reconstruire. Le film démarre d'emblée par une tragédie, un accident de voiture dans lequel Davis (Gyllenhaal) perd son épouse et suite auquel il s'aperçoit qu'il ne ressent rien, ni tristesse ni amour... De là il s'aperçoit aussi qu'il devient plus attentif au monde qui l'entoure, il décide mine de rien d'être un homme plus "vrai", plus franc (et trop direct), tandis qu'il met en action ce que son beau-père lui dit sans s'en rendre compte, "il faut démolir pour reconstruire" !
Le scénario fourmille d'idées fabuleuses qui vont construire effectivement un chemin de rédemption avec lui même. Il écoute sans vraiment faire attention un conseil d'un beau-père avec qui il ne s'entend pas forcément, il s'épanche dans un courrier avec une inconnue, il démonte tout ce qui passe s'il a le moindre besoin viscéral... etc... Un parcours comme un retour aux sources, un retour égoïste sur soi mais un retour à lui-même nécessaire, comme une question de survie. Davis est interprété par un Jake Gyllenhaal époustouflant, décidément le cinéma canadien l'inspire au mieux. Il est entouré d'une Naomi Watts sublime, d'un Chris Cooper toujours impeccable dans sa virilité touchante, et un petit bonus avec le jeune Judas Lewis. Jean-Marc Vallée joue avec de courts flash-backs et des visions de la défunte pour bien matérialiser la perte de contrôle de Davis, qui voudrait souffrir, ressentir le deuil. Au final le réalisateur signe un drame magnifique, d'une acuité insolente sur le travail de deuil mais aussi sur des sujets sous-jacents comme la solitude et la tolérance qui ne viennent pas parasiter la trame principale. Malheureusement un seul petit moment empêche le film d'atteindre les plus hauts sommets. 10mn où le film prend un virage important avec plusieurs twists et rebondissements, dont un seul parait de trop, qui enraille l'apathie "naturelle" de Davis, et qui ajoute un peu trop à la succesion d'annonces en si peu de temps. Néanmoins le réalisateur ne s'attarde pas, il ne tombe pas dans l'écueil du pathos facile, bien au contraire. Son film est avant tout un appel à la vie, un vrai optimisme malgré la dépression de fond de Davis. Jean-Marc Vallée signe un film qui frôle le pur chef d'oeuvre. On y pleure de joie, on y pleure de tristesse, on y rit et sourit et parfois il nous donne une pêche d'enfer grâce notamment à une BO judicieusement placée. Un grand film, très susceptible de voir une 4ème étoile se rajouter d'ici la fin de l'année, à voir et à conseiller !
Note :