Bullitt (1968) de Peter Yates.
Ce film est un projet de Solar Productions, boîte fondée par Steve McQueen notamment, qui a déjà produit ses films comme "Le Kid de Cincinnati" (1965) et "L'Affaire Thomas Crown" (1968) tous deux de Norman Jewison. Ce projet est une adaptation du roman "Mute Witness" (1963) de Robert L. Pike ("Un Silence de Mort" en VF) et c'est la star Steve McQueen lui-même qui choisit comme réalisateur Peter Yates dont le premier long métrage, "Trois Milliards d'un coup" (1967) lui avait beaucoup plu. Mais Solar Productions est en association avec Warner et il va falloir que Steve McQueen s'impose, ce qui aura des conséquences inédites. En effet, Peter Yates accepte à deux conditions: tourner en décor naturel et remanier le scénario. Steve McQueen soutint son cinéaste devant Warner et, par la suite, força la Warner à offrir une piscine municipale à San Francisco pour remercier le Maire de son aide ! Ce qui, cette fois, poussa la Warner à résilier le contrat qui la liait à Steve McQueen, supposant que la star allait devenir ingérable sur les 5 films suivants qui étaient prévus...
Néanmoins le projet est lancé et Peter Yates a les coudées franches. Evidemment McQueen, alors au sommet de sa gloire (il sera l'acteur le mieux payé au monde en 1974) est Bullitt, flic intègre et taciturne (l'acteur s'est inspiré de l'inspecteur Dave Toschi célèbre pour son enquête sur le serial killer "Zodiac", poussant même à reprendre les mêmes costumes, holster et arme compris) qui va enquêter sur le meurtre d'un témoin dont son équipe avait la garde et la surveillance sur la demande d'un politique ambitieux. Ce dernier est joué par Robert Vaughn, acteur que McQueen retrouve après "Les 7 Mercenaires" (1960) de John Sturges et qui se retrouveront une dernière fois sur "La Tour Infernale" (1976) de John Guillermin. Sinon on reconnait Robert Duvall dans un énième petit rôle (il est encore méconnu) et bien sûr, on remarque la beauté de l'actrice britannique Jacqueline Bisset. Vaughn est impeccable en politique aux dents longues qui se croit maître du monde, McQueen offre une belle performance où son visage impassible fait pourtant passer bien des émotions, par contre on reste sur la seule beauté de Bisset dont le rôle reste très anecdotique voire superflu. On salue la musique signée Lalo Schiffrin (qui sera particulièrement fidèle aux Eastwood et Don Siegel) qui impose une BO Jazz magnifique et qui reste joliment discrète.
Evidemment l'iconographie cinéphile est encore marquée par la mythique scène de course poursuite à travers les rues de San Francisco entre le Ford Mustan de Bullit et les sbires dans une Dodge Charger. Précisons donc que Steve McQueen conduit lui-même le bolide (effectuant aussi les autres cascades du film) et que les bolides ont été poussés jusqu'à plus de 180 km/h ! Cette scène dure 10mn sans un dialogue et dans un montage dantesque qui font passer ces 10mn sans sourciller. Un montage d'ailleurs primé d'un Oscar pour Frank P. Keller... Mais il ne faut pas oublier l'intrigue à proprement dire. Le scénario est prenant, démarrant sur un meurtre violent qui n'aurait pas dû se produire et qui va pousser l'incorruptible Bullitt à risquer son job pour trouver le fin mot de l'histoire. La force du film est aussi de ne pas abuser des scènes d'action (peu de gun fight) pour se focaliser sur l'enquête qui offre un petit suspense particulièrement efficace. Un scénario primé également du Prix Allan Edgar Poe. De façon plus anecdotique, "Bullitt" est le première grosse production hollywoodienne où est prononcé le mot "Bullshit". En tous cas ce film reste un chef d'oeuvre du genre, qui inspirera bons nombres de films futurs, par sa course poursuite surtout de "French Connection" (1971) de William Friedkin à "Drive" (2011) de Nicolas Winding Refn en passant même par "Le Marginal" (1983) de Jacques Deray. Mais aussi le final, on pense ensuite forcément à "Heat" (1995) de Michael Mann. Un grand film, culte et efficace.
Note :