Convoi de Femmes (1952) de William A. Wellman.

par Selenie  -  1 Mai 2018, 08:45  -  #Critiques de films

Western presque typique où on suit une caravane de colon à travers l'Ouest comme les films "La Piste des Géants" (1930) de Raoul Walsh, "Cimarron" (1931) de Wesley Ruggles et "Le Convoi des Braves" (1950) de John Ford... Presque typique car il y a deux paramètres inédits dans le genre, d'abord il s'agit d'un convoi composé uniquement de femmes et ensuite il s'agit d'une histoire écrite à l'origine par Frank Capra, cinéaste majeur de Hollywood plus habitué aux comédies dites "screwball comedy" comme "New-York-Miami" (1935) ou "Arsenic et Vielles Dentelles" (1944)... L'histoire de Capra fut réécrite par le scénariste Charles Schnee connu pour des succès tels que "Les Amants de la Nuit" (1948) de Nicholas Ray, "La Rivière Rouge" (1948) de Howard Hawks et bientôt "Les Ensorcelés" (1952) de Vincente Minnelli. Si on peut lire par ci par là que ce film s'inspire d'une histoire vraie, on n'en trouve trace nulle part (si jamais faites signe !) mais on ne saurait être surpris du contraire tant ce projet fou semble tout à fait plausible au vu de l'époque.

137 femmes en périple donc, héroïnes de leur propre destin si ce n'est qu'elles sont chaperonnées par une dizaine d'hommes dont le chef d'expédition est beau, courageux, viril et a les traits de Robert Taylor. L'acteur retrouve ici son réalisateur de "La Petite Provinciale" (1936) alors qu'il n'était qu'un débutant, lors du tournage Taylor est une grande star qui tourne ce film entre "Quo Vadis" (1950) de Mervyn LeRoy et "Ivanhoé" (1952) de Richard Thorpe, A ses côtés on reconnait l'expérimenté John McIntire vu dans plusieurs westerns majeurs dont "Winchester 73" (1950) de Anthony Mann et "Les Deux Cavaliers" (1961) de John Ford. Côté féminin nombreuses elles sont mais sans stars, on retiendra pourtant Denise Darcel chanteuse de cabaret française exilée aux Etats-Unis et qu'on reverra dans "Vera Cruz" (1954) de Robert Aldrich, ainsi que Hope Emerson, 1m88 pour 109kg tout de même, oscarisée pour "Femmes en Cage" (1950) de John Cromwell. On suit donc le périple d'un convoi de 137 femmes venues de Chicago et qui doivent parcourir les 3000 kms qui les séparent d'une vallée de Californie où les attendent des hommes partis à l'aventure et qui n'ont  vu de femmes que dans les bordels sordides du coin. Le petit prologue impose une mise au point où on expose les besoins de ces hommes qui veulent aujourd'hui fonder une famille avec une femme qui soit aussi épouse, cuisinière et bonne procréatrice évidemment tout en insistant sur le fait qu'ils devront être gentils et honnêtes pour ces femmes qui auront endurer mille souffrances pour venir jusqu'à eux. D'un point de vue féministe actuel, nul doute que cette histoire est scandaleuse et par-dessus tout d'un machisme rétrograde... Mais rappelons que le film date de 1950 et, surtout, que c'est une histoire qui se déroule à une autre époque en 1851...

Dans ce contexte, ce western fait figure de pionnier dans son domaine et reste un western bel et bien féministe, où les femmes sont courageuses, battantes et combattantes sans pour autant oublier ce qu'elles sont. Même si le premier rôle reste une star masculine, les femmes ne sont pas oubliées et plusieurs ont l'honneur de tenir la dragée haute durant le voyage, se transformant en cow-boy quand il le faut et se pomponnant dès que le voyage le permet (pas souvent !). On est touché par ces femmes qui osent une odyssée dont certaines ne reviendront pas, ces femmes au passé parfois tragique, ces femmes qui égalent les hommes qui sont passés avant elles sur ce même trajet, ces femmes qui, au final, décident bel et bien de leur avenir... Même si cet avenir ne sera sans doute pas si rose pour la plupart d'entre elles une fois les mariages consommés, mais c'est une autre histoire !... Outre ce voyage semé des embûches habituelles du genre (indiens, hommes, désert, ...) le scénario est assez bien troussé pour ne pas nous en faire un catalogue exhaustif, et s'attarde un peu sur ces femmes pour qui on reste ému et admiratif. En prime surtout, c'est la mise en image de Wellman qui offre quelques beaux moments, parfois particulièrement difficiles (le plan sur les femmes soutenant un chariot où une d'elle accouche en plein désert) parfois sublime (la chevauchée au milieu du canyon). Ce film aurait mérité un cadre moins restrictif qu'un 35mm 4/3 mais l'aventure vaut tout de même le détour. Un beau et bon western.

 

Note :              

14/20

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