Ma Vie avec John F. Donovan (2019) de Xavier Dolan

par Selenie  -  14 Mars 2019, 17:40  -  #Critiques de films

7ème long métrage en 10 ans depuis "J'ai tué ma Mère" (2009) pour le petit génie québecois Xavier Dolan, producteur-scénariste-réalisateur-monteur il se lance pourtant cette fois dans un projet plus ambitieux, à savoir son premier film hollywoodien avec un casting prestigieux et un budget inédit pour lui, mais aussi son premier film tourné en anglais et le premier qu'il n'écrit pas seul. Le jeune cinéaste aurait eu l'idée de cette histoire dès 2011 alors qu'il est au montage de son film "Tom à la Ferme", et il ressent le besoin d'obtenir l'aide de son ami Jacob Tierney, auquel on doit les films "Twist" (2005) et "The Trotsky" (2009). Dolan précise : "Je voulais que la dramaturgie de ce nouveau film soit la plus aboutie, et la plus professionnelle possible. Il avait vécu un deuil très éprouvant et après le 25 décembre, j'avais l'habitude de passer les vacances seul, alors même que ma famille mettait le cap sur une destination ensoleillée. Tandis que Noël approchait, il nous semblait plus judicieux de nous jeter à corps perdu dans le travail que de nous complaire dans la solitude. C'est à ce moment là qu'on a entamé le travail d'écriture de Ma vie avec John F. Donovan. J'ai rêvé de faire un film ambitieux sur la notoriété et l'identité. Je m'étais dit que ce projet allait tourner en dérision la tendance (voir l'instinct) d'Hollywood à l'uniformisation et à la standardisation."...

Dix ans après la mort d'une vedette de la télévision, un acteur se remémore l'époque où, enfant, il entretenait une correspondance épistolaire avec cette vedette... La star défunte est incarnée par Kit Harrington désormais célèbre Jon Snow de la série TV "Game of Thrones" (2011-2019), l'enfant acteur est interprété par le jeune Jacob Tremblay révélé par "Room" (2016) de Lenny Abrahamson et vu dans "Wonder" (2017) de Stephen Chbosky, adulte il est incarné par le plus méconnu mais très bon Ben Schnetzer révélation du film "The Riot Club" (2014) de Lone Scherfig, sa maman jeune est jouée par Natalie Portman après la SF de "Annihilation" (2018) de Alex Garland, la maman plus âgée est jouée par Susan Sarandon qui retrouve ainsi Portman après "Ma Mère, Moi et ma Mère" (1999) de Wayne Wang, Kathy Bates, Thandie Newton, Sarah Gadon, Michael Gamblon qu'on verra bientôt dans "Gentlemen Cambrioleurs" (2019) de James Marsh. On notera que la musique est signée de Gabriel Yared qui retrouve donc Xavier Dolan après "Juste la Fin du Monde" (2016)... D'emblée on constate avant tout que Xavier Dolan a mis beaucoup de lui-même dans ce film, dans cette histoire, à tel point qu'on serait pas loin d'une autobiographie. Outre les liens évidents à son propre destin, le cinéaste aborde des thèmes récurrents comme l'homosexualité, la relation mère-fils, les difficultés de l'enfance... Mais malheureusement, malgré que ce soit un film très personnel il faut avouer que ce film sera aussi le premier où le jeune réalisateur trébuche. Trop d'incohérences et/ou d'invraisemblances parasitent le récit ; par exemple comment croire qu'un enfant de seulement 6 ans débute une correspondance avec une star sans que personne ne l'apprenne, même pas sa mère ?! Et ce, d'ailleurs même si à 11 ans cet enfant parle plus comme un conférencier que comme un enfant ! Ensuite, si on passe ce cap (peut-être est-ce un génie !?) pourquoi tout ce charivari autour de ces lettres ?! En effet, vrai ou pas il est facile de vérifier puisqu'il a gardé les lettres ! Et, sur le fond, en quoi serait-ce honteux pour la star de dire qu'il correspond avec un jeune fan ?! Du même coup le soit disant suspens autour de la véracité de l'histoire de ce jeune fan tombe de fait automatiquement à l'eau.

 

 

 

 

 

 

 

 

Sur ce dernier point c'est justement le plus gros râté de Dolan, on voit bien que son montage réside justement sur cet effet suspens. Un montage malin qui fonctionne pas mal dans  la première partie mais qui ne peut être efficace devant la logique des preuves. Bref, Dolan s'est tiré une balle dans le pied... On peut aussi noter une insistance qui paraît presque anachronique sur une star qui cacherait maladivement son homosexualité en 2017 alors que c'est depuis quelque temps déjà ce n'est plus le tabou d'il y a 40 ou 60 ans. Pour asseoir un tel propos il aurait été judicieux de situer cette histoire un peu plus loin dans le temps, et avec un fan plus âgé de 2-3 ans et le film gagnait obligatoirement sur tous les points. Et quel dommage pourtant ! Le casting est impeccable, Harington nous fait oublier sans sourciller Jon Snow, la paire Portman-Sarandon offre une filiation inspirée, le jeune Tremblay est une fois de plus bluffant. Dolan offre une mise en scène marquée par des moments de grâce inouïe où il insère entre autre des moments musicaux et des monologues qui sont dorénavant des instants qu'on retrouve régulièrement dans ses oeuvres. La plupart des sujets sont abordés avec justesse et, surtout, avec une émotion toujours aussi bien sentie. C'est en constatant ces coups de génie qu'on se dit que c'est un peu de gâchis  tant il y avait matière à... Ce film est d'une vraie richesse, plein d'acuité mais il manque un fil conducteur bien plus solide à son départ. Première vraie déception signée Dolan, et c'est une évidence qu'il s'agit là du film le moins abouti du cinéaste, et de loin. Note un chouïa indulgente.

 

Note :                    

 

13/20

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
L
"qui cacherait maladivement son homosexualité en 2017 alors que c'est depuis quelque temps déjà ce n'est plus le tabou d'il y a 40 ou 60 ans" <br /> Attention, ce n'est pas parce que la société a évolué depuis quelques années sur l'homosexualité que celle-ci est accepté. Il est encore très difficile aujourd'hui d'afficher son homosexualité dans sa vie professionnelle, d'autant plus lorsqu'il s'agit de métiers publics/d'images/médiatiques comme celui du comédien/de la comédienne. <br /> Hormis cela, je suis tout à fait d'accord avec ta critique du film.
Répondre
S
Merci pour ton commentaire :) néanmoins, l'homosexualité est largement plus accepté qu'avant, et je dirais même que c'est justement dans le milieu artistique qu'elle est le mieux accepté ce qui fait que ce paramètre dans le film est trop peu cohérent... A mon humble avis.