Emma (2020) de Autumn De Wilde
Après les films "Emma" (1948) de Michael Barry, "Emma l'Entremetteuse" (1996) de Douglas McGrath et quelques transposition plus ou moins évidentes comme "Clueless" (1995) de Amy Herckerling voici une nouvelle adaptation du roman "Emma" (1815) de Jane Austen, ce qui peut paraître étonnant puisque ce roman est souvent cité comme l'oeuvre la plus aboutie de son auteure. Une nouvelle adaptation pour un premier long métrage de la réalisatrice Autumn De Wilde (son site ICI !), photographe réputée née à Woodstock (ça ne s'invente pas !) connue pour ses photos de Jimi Hendrix ou Willie Nelson et ayant signée plusieurs clips musicaux et/ou documentaires notamment pour les groupes Spoon et Arcade Fire. Premier film également pour sa scénariste Eleanor Catton, romancière qui passe également au petit écran avec l'adaptation en série TV (2020) de son propre roman "Les Luminaires" (2013). Un premier film produit par la célèbre maison de productions britanniques Working Title, producteurs des frères Coen comme "The Big Lebowski" (1998) et des films écrits par Richard Curtis comme "Coup de Foudre à Notting Hill" (1999) de Roger Michell et "Love Actually" (2003) de lui-même, sans compter que ces producteurs ont déjà produit une adaptation de Jane Austen avec le film "Orgueil et Préjugés" (2005) de Joe Wright...
Début du 19ème, Emma est une jeune femme riche et séduisante qui jure ne pas être intéressé par le mariage n'en ayant nul besoin. Malgré tout, son passe-temps favori est de jouer les entremetteuses en étant persuadée d'avoirle nez fin sur le sujet au grand désarroi de son meilleur ami, M. Knightley... Emma Woudhouse l'entremetteuse est incarnée par la magnétique Anya Taylor-Joy révélée dans l'excellent "The Witch" (2015) de Robert Eggers et vue dans "Split" (2017) et "Glass" (2019) de M. Night Shyamalan. Son père est interprété par Bill Nighy acteur récurrent chez Working Girl et notamment dans les films de Richard Curtis. La demoiselle de compagnie de Emma est jouée par Mia Goth révélée dans "Nymphomaniac II" (2013) de Lars Von Trier et vue dans "Suspiria" (2018) de Luca Guadagnino, elle retrouve sa partenaire Anya Taylor-Joy après "Le Secret des Marrowbone" (2017) de Sergio G. Sanchez. Et enfin, les différents prétendants sont joués par Johnny Flynn vu dans "Sils Maria" (2014) de Olivier Assayas, "Jersey Affair" (2018) de Michael Pearce et bientôt dans le rôle de David Bowie dans "Stardust" (2020) de Gabriel Range, Josh O'Connor révélé dans "The Riot Club" (2014) de Lone Scherfig et vu dernièrement dans "Seule la Terre" (2017) de Francis Lee, puis Callum Turner révélé dans "Queen and Country" (2014) de John Boorman et vu récemment en frère de Norbert Dragonneau dans "Les Animaux Fantastiques : les Crimes de Grindelwald" (2018) de David Yates... Le matériau d'origine est une base solide mais d'un classicisme qui peut rebuter. Et pourtant, Autumn De Wilde a su faire un choix à la fois logique et audacieux à savoir rester fidèle au roman tout en instillant une pointe de fantaisie. Le scénario est fidèle au roman, où une jeune femme, riche et oisive, passe son temps à jouer l'agent matrimonial pour parfaire son égo d'engant gâtée. Mais l'écrin de cette fable sur les moeurs aristocrates est enveloppé d'une fantaisie acidulée pleine d'élégance et de délicatesse, ce qui n'empêche pas quelques joutes verbales savoureuses. Par contre, la première partie est un peu étouffée par une musique trop forte (signée des compositeurs Isobel Waller-Bridge et David Schweitzer pour leur premier film outres des courts, des séries TV et des documentaires).
Une musique un peu trop envahissante au style qui appuie le fait qu'ils 'agit d'une comédie satirique qui, heureusement, s'atténue au fil du récit. La cinéaste-photographe soigne forcément l'esthétique de son film, des couleurs acidulées qui ajoute encore à la fantaisie ambiante mais sans pour autant omettre les petites tragédies comme l'égoïsme qui tient des convenances de l'époque, mais aussi de quelques saillies verbales qui prouvent qu'un personnage comme "Brice de Nice" est le niveau zéro de la casse. Les dialogues sont aussi succulent que vénéneux, passant du plus charmant au plus cinglant même si on reste constamment dans le plus délectable des marivaudages. Les personnages sont tous attachants à divers niveaux et à certains moments, de Emma/Taylor-Joy en meneuse des coeurs plus maladroites qu'elle pense le coire à M. Woodhouse/Nighy en père hypocondriaque en passant par Harriet/Goth en amie dévouée et ingénue et les prétendants tous des prototypes des jeunes aristos. Les décors sont superbes mais un peu trop propres, sans doute pour assumer le côté fable, tandis que les costumes sont tout aussi sublimement beau, qu'on doit d'ailleurs à la costumière Alexandra Byrne qui avait déjà travaillé sur le dyptique "Elizabeth" (1998) et "Elizabeth : l'Âge d'Or" (2007) tous deux de Shekhar Kapur (produits par Working Title) ainsi que plusieurs films du Marvel. Autumn De Wilde signe un film fidèle et divertissant qui a reçu un très joli succès puisque sortit en salle le 17 mars dernier dans peu de pays et en pleine crise du Covid-19, et qui a tout de même eu le temps de rentrer largement dans ses frais engrangeant plus de 25 millions de dollars en seulement quelques jours ce qui est assez exceptionnel pour ce genre de film. Autumn De Wilde signe un film magnifiquement écrit, à la mise en scène en parfaite adéquation avec ce qu'on peut imaginer de cet univers de convenances et des apparences, un film qu'on peut mettre sur la même lignée qu'une autre excellente adaptation de Jane Austen, "Love and Friendship" (2016) de Whit Stillman même si on aura une préférence pour ce dernier qui use un peu moins d'effets de manche (musique appuyée au début surtout). En tous cas un premier film inspiré qui se déguste comme une gourmandise. A conseiller.
Note :