Un Homme qui me Plaît (1969) de Claude Lelouch

par Selenie  -  28 Décembre 2020, 09:26  -  #Critiques de films

Claude Lelouch est à son apogée, la période 1966-1972 réunie pas moins de 4 des six plus gros succès avec "Un Homme et une Femme" (1966), évidemment, "Vivre pour Vivre" (1967), "Le Voyou" (1970) et "L'Aventure c'est l'Aventure" (1972). Ce nouveau projet est marquant pour deux raisons, d'abord parce qu'il est un des rares films pour lequel Lelouch n'est pas scénariste, ensuite parce qu'il marque une collaboration marquante avec une de ses compagnes dont on reparlera plus loin. Ainsi cette histoire est co-signée de Pierre Uytterhoeven fidèle parmi les fidèles de Lelouch, de la plupart de ses films depuis "L'Amour avec des Si" (1963) jusqu'à "Chacun sa Vie" (2017), puis avec Claude Pinoteau pour son premier scénario, assistant-réalisateur depuis des années notamment de Lelouch sur "La Vie, l'Amour, la Mort" (1969) et qui se lancera à la réalisation avec son premier film "Le Silencieux" (1973)... Pour un tournage aux Etats-Unis, deux français se croise sur le plateau, l'actrice vedette et le compositeur du film. Elle vient tourner, lui est un cavaleur qui profite de son travail pour séduire, tous les deux laissant leur conjoint respectif en Europe durant le tournage. Les deux exilés français se rapprochent, d'abord pour une simple nuit d'aventure, mais ils se revoient et décident de continuer leur liaison encore quelques jours en visitant l'Ouest américain... Le compositeur est joué par la star Jean-Paul Belmondo alors en plein éclectisme niveau filmo dont cette même année "Le Cerveau" (1969) de Gérard Oury et "La Sirène du Mississippi" (1969) de François Truffaut. Belmondo retrouvera Lelouch bien des années après avec "Itinéraire d'un Enfant Gâté" (1988), "Les Misérables" (1995) et "D'un Film à l'Autre" (2011). La vedette est incarnée par Annie Girardot qui était alors en couple avec le réalisateur pour qui elle avait déjà joué dans "Vivre pour Vivre". L'actrice retrouvera Lelouch même après leur séparation dans plusieurs films dont "Les Misérables" où elle retrouvera aussi son partenaire Jean-Paul Belmondo. L'actrice tournera aussi pour Pinoteau dans son second long métrage "La Gifle" (1974).

Le casting est assez hétéroclite, allant d'acteurs américains inconnus ou méconnus en 1969 et quelques seconds rôles voir caméos d'acteurs français connus. Par exemple Kaz Garas alors en pleine popularité naissante avec la série TV "Strange Report" (1968-1969), et qui est assez rare au cinéma à l'exception de "Le Dernier Safari" (1967) de Henry Hathaway et son dernier rôle dans le film d'horreur "Mean Creek" (2004) de Jacob Aaron Estes. Le personnage du réalisateur est joué par Peter Bergman, peu connu sauf pour les fans de la soap "Les Feux de l'Amour" (1989-...), et surtout on reconnaîtra une toute jeune Farrah Fawcett future sex-symbol popularisée par les séries TV cultes "L'Homme qui Valait Trois Milliards" (1974-1976) et "Drôles de Dames" (1976-1977). Chez les français citons Marcel Bozzuffi, célèbre seconds couteaux de "Razzia sur la Chnouf" (1955) de Henri Decoin à "Savannah" (1988) de Marco Pico en passant par "Le Deuxième Souffle" (1966) de Jean-Pierre Melville et "French Connection" (1971) de William Friedkin et qui retrouve Lelouch aussi après "La Vie, l'Amour, la Mort", puis enfin, une visite de Simone Renant dont les deux rôles les plus fameux sont la photographe dans "Quai des Orfèvres" (1947) de Henri-Georges Clouzot et la chanteuse de cabaret dans "L'Homme de Rio" (1964) de Philippe de Broca avec un certain Jean-Paul Belmondo. Ce dernier incarne un compositeur, et comment ne pas citer celui du film, Francis Lai qui a composé toutes les musiques de film de Lelouch à partir de "Un Homme et une Femme" et ce jusqu'à l'ultime "Les Plus Belles Années d'une Vie" (2021) qui demeure malheureusement la dernière oeuvre du musicien avant sa mort survenue en 2018... Lelouch parle d'abord de ce qu'il connaît, le tournage, le film, le cinéma et son environnement, mais aussi et surtout des femmes. Son film "Un Homme et une Femme" a été un succès oscarisé outre-Atlantique, alors pourquoi pas aller tourner en prime aux Etats-Unis ! le début du film présente les protagonistes, les coulisses du tournage, mais surtout montre une actrice un peu seule et un compositeur qui cherche aussi une aventure. Là-dessus, Lelouch s'amuse un moment à jouer l'ambiguité grâce à un montage judicieux où se mêle l'actrice en tournage et la vedette et son amant.

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Belmondo est lui montré en séducteur opportuniste, finalement très homme à femme et machiste. Si les deux passent une nuit ensemble, unique et avec respect mutuel la solitude va les amener à poursuivre tranquillement dans une sorte d'accord mutuel de vacances libertines. Evidemment, les sentiments vont s'éveiller tandis qu'ils vont gérer leur conjoint respectif par téléphone. Le road-movie est touchant, parfois amusant, le couple offre une jolie alchimie mais sans qu'on sache jamais si l'amour est vraiment de la partie. Ils profitent ni plus ni moins sachant qu'il faudra bien retourner à la réalité, et Lelouch en profite aussi pour visiter quelques lieux emblématiques du cinéma comme Monument Valley et en intégrant quelques séquences aussi onirique et fantasmé qu'une charge d'indiens après la voiture de nos tourtereaux ! Mais malgré cet idylle charnelle et romanesque on constate quelques étrangeté concernant le personnage de l'actrice. En effet, actrice, amante elle semble souvent très prude avec une Annie Girardot qui semble parfois peu à même de jouer les libertines ; est-ce dû à des conditions de l'actrice et/ou à une direction d'acteur ?! On est d'autant plus perplexe ou attentif que son amant la taquine fortement sur son côté "bourgeoise" et donc un tantinet "coincé". Et si, de surcroît, on sait que le couple Girardot/Lelouch périclite durant cette année 1969 on peut se demander si le réalisateur ne fait pas passer quelques messages subliminaux ?! Outre les décors, cet innocence omniprésente dans les faits, le libertinage simple et tendre on apprécie encore plus les dialogues justes et parfois ciselés jusqu'aux intermèdes sourds-muets, les numéros de charme d'un Bébel face à une "bourgeoise" qui ne semble pas avoir connu un tel bonheur avant. On croit jusqu'au bout à cet amour naissant jusqu'à cet ultime séquence déchirant et sincère d'autant plus que le couple parle au "commun" des mortels, les deux stars n'étant pas considérés comme des canons de beauté malgré leur talent et leur charisme. Lelouch signe là un de ses plus beaux films sans doute, même si les clichés ont encore la vie dure (femme énamourée et naïve, homme séducteur et macho).

 

Note :     

16/20

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