Some Voices (2000) de Simon Cellan Jones
Ce film est une adaptation de la pièce de théâtre éponyme (1994) de Joe Penhall, ce dernier signe par ailleurs le scénario adapté pour ce qui est son premier travail pour le cinéma. Notons que ce premier pas sera transformé puisque Joe Penhall signera par la suite les scénarios de "Délire d'Amour" (2004) de Roger Michell, "La Route" (2009) de John Hillcoat et "Gentlemen Cambrioleurs" (2019) de James Marsh tandis qu'il est également créateur-scénariste de la série TV "Midhunter" (2017). Par là même, le réalisateur du film, Simon Cellan Jones signe là également son premier long métrage mais, plus étonnament, il travaillera ensuite surtout pour des séries TV diverses et variées à l'exception notable du film "La Revanche de Sherlock Holmes" (2004). D'autant plus étonnant que "Some Voices" est bien reçu avec des sélections aux Festivals de Cannes et Dinard ainsi qu'une nomination pour les BAFA, une année où le vainqueur sera un certain "Billy Elliott" de Stephen Daldry...
Ray est schizophrène et sort tout juste de l'hôpital psychiatrique. Il est aidé par son frère Pete qui a repris le restaurant de leur défunt père. Pete est protecteur et insiste pour que Ray n'oublie pas ses médicaments et ce malgré son travail qui semble le mener vers le burn-out. Mais Ray rencontre Laura, l'amour s'installe aussi pour Pete. Ray décide de ne plus prendre ses médicaments pensant que l'amour sera suffisant et salvateur... Ray est incarné par un certain Daniel Craig déjà remarqué dans "La Tranchée" (1999) de William Boyd, qui retrouvera le scénariste Joe Penhall pour "Délires d'Amour" (2004) de Roger Michell, qui tournera encore d'excellent film plus ou moins remarqué avant d'exploser aux yeux du grand public en incarnant 007 dans "Casino Royale" (2006) de Martin Campbell. Son frère est joué par David Morrissey dont la carrière sera moins prestigieuse, ses rôles principaux au cinéma se résumant à "Basic Instinct 2" (2006) de Michael Caton-Jones et "Les Châtiments" (2007) de Stephen Hopkins, récemment il incarne un général romain dans la série TV "Britannia" (2018-...). Les deux femmes sont jouées par Kelly MacDonald révélation de "Trainspotting" (1996) de Danny Boyle qui retrouve Daniel Craig après "Elizabeth" (1998) de Shekhar Kapur avant de jouer dans quelques excellents films comme "Gosford Park" (2001) de Robert Altman ou "Anna Karenine" (2012) de Joe Wright, puis Julie Graham qui travaillera essentiellement pour la télévision à l'exception de "Tower Block" (2012) de James Nunn et Ronnie Thompson puis "Jupiter : le Destin de l'Univers" (2015) des Wachowski. Le cinquième personnage est enu par Peter MacDonald (rien à voir avec Kelly) révélé par le très bon "Irish Crime" (1998) de Paddy Breathnach et "Le Voyage de Felicia" (2000) de Etom Egoyan...
Premier bon point, l'histoire débute rapidement, Ray arrive chez son frère et les bases de leur relation s'imposent d'emblée sans être trop explicatifs, sans tergiversations. Direct on entre dans leur quotidien, leur intimité sans prendre le spectateur pour un néophyte ou un élève à qui il faut tout expliquer. Idem pour l'évolution du récit, le scénario s'attache à aller vers des scènes nécessaires à la compréhension sans pour autant se précipiter. Ainsi très vite après l'arrivée de Ray les deux hommes trouvent l'amour, les crises arrivent ensuite dans une très belle fluidité, tout s'imbrique comme du papier à musique. Plus le récit avance et plus on plonge dans la détresse psychologique de Ray. D'abord le réalisateur filme Londres par ses rues, routes, voies express qu'on ne comprend pas au premier abord mais qui sont comme les méandres matérialisés de la schizophrénie de Ray, avant que cette matérialisation se fasse plus complexe au fur et à mesure que la démence de Ray s'aggrave. Ray entend des voix, des bruits, qui le hantent de plus en plus et qui empêchent au bonheur, lui comme son frère qui ne peut faire autrement que d'aider son frère. Plus que deux histoires d'amour, le film est avant tout une histoire de fraternité, littéralement, l'histoire compliquée de deux frères liés malgré eux, malgré tout même si il apparaît que le bonheur ne semble pas fait pour eux. Simon Cellan Jones pense à quelques détails qui ajoutent au réalisme de l'ensemble avec les accents typiques (écossais vs cockney, brume british, B.O. dont "La Maison où j'ai Grandi" de Françoise Hardy...). Une histoire de réinsertion entre amour et folie particulièrement touchant mais avec un pessimisme qui ajoute encore à la mélancolie de l'ensemble. Les acteurs sont impeccables de justesse, et en prime une séquence sous tension dans la cuisine qui paraît comme la menace qui sera toujours comme une épée de Damoclès. Un très beau film, trop méconnu mais à voir et à conseiller.
Note :