Boîte Noire (2021) de Yann Gozlan
Yann Gozlan, réalisateur-scénariste des films "Captifs" (2010), "Un Homme Idéal" (2015) et "Burn Out" (2017) est passioné d'aviation, il fallait bien qu'il y vienne un jour pour un film : "Cet univers, à mes yeux formidablement cinégénique, aux enjeux financiers colossaux, où se côtoient des intérêts divergents (avionneurs, compagnies aériennes, pilotes...) me semblait être un cadre original et passionnant pour un film." C'estjustement en se documentant qu'il en a su davantage sur le B.E.A. (Bureau d'Enquêtes et d'Analyses) l'organisme qui enquête sur les accidents aériens. C'est en approfondissant le sujet et notamment avec dse membres de cet organisme que Yann Gozlan a vu se profiler son histoire : "Nourri de ces rencontres et discussions, j'ai eu le désir d'écrire une histoire qui relaterait une enquête complexe sur un crash. Même si je me suis inspiré de cas réels, je ne souhaitais pas faire un simple documentaire ni reconstituer une catastrophe aérienne qui aurait eu lieu. Mon ambition était plutôt d'évoquer les nouvelles problématiques qui sont sur le point de bouleverser l'aviation civile : à savoir l'assistance au pilotage généralisée et l'automatisation progressive des cockpits grâce à l'intelligence articficielle." Gozlan co-signe le scénario avec Simon Moutairou et Jérémie Guez, deux scénaristes qui ont la particularité d'avoir travaillé avec le réalisateur Julien Leclercq, pour Moutairou sur "L'Assaut" (2010) et "Braqueurs" (2016), pour Guez sur "Lukas" (2018) et "La Terre et le Sang" (2020) tout en passant à son tour derrière la caméra avec "Bluebird" (2018) et "Sons of Philadelphia" (2020), puis pour son premier scénario un quatrième homme, Nicolas Bouvet qui est avant tout ingénieur du son notamment sur tous les films de Gozlan ; sa spécialité ayant sans doute apporté un plus à l'histoire puisque le héros est un technicien du son, plus précisément un acousticien...
Un terrible crash dans les Alpes a eu lieu à bord du vol Dubaï-Paris faisant 300 morts. Mathieu Vasseur technicien au B.E.A. est choisit comme enquêteur sur cette catastrophe malgré le fait que sa dernière mission n'a pas été concluante. Petit à petit, à force d'analyser les boîtes noires, Mathieu commence à croire à un complot ce qui ne facilite pas l'entente au sein de son couple, sa conjointe étant une responsable du B.E.A... Cet enquêteur est incarné par Pierre Niney actuellement en salles dans "OSS 117 : Alerte Rouge en Afrique Noire" (2021) de Nicolas Bedos, et qui retrouve Jérémie Guez scénariste de "Yves Saint-Laurent" (2014) de Jalil Lespert et qui retrouve Yann Gozlan après "Un Homme Idéal" (2015), et qui retrouve aussi sa partenaire qui joue son épouse Lou De Laâge après "J'aime Regarder les Filles" (2011) de Frédéric Louf, on peut citer parmi ses derniers films le très réussi "Les Innocentes" (2016) et "Blanche comme Neige" (2019) tous deux de Anne Fontaine. Pour l'anecdote, le nom du héros incarné par Pierre Niney est Mathieu Vasseur, le même que dans "Un Homme Idéal" ! Le patron du B.E.A. est interprété par André Dussolier toujours aussi prolifique entre "Attention au Départ" (2021) de Benjamin Euvrard et "Tout s'est bien Passé" (2021) de François Ozon. Parmi les autres protagonistes citons Sébastien Pouderoux vu récemment dans "Le Discours" (2020) de Laurent Tirard, Anne Azoulay qui avait joué dans le court-métrage "La Boîte Noire" (2003) de Angela Cianci qui n'a rien à voir ici, Aurélien Recoing vu dernièrement dans "Adults in the Room" (2019) de Costa Gravas, André Marcon qui retrouve le "même héros" et le même réalisateur après "Un Homme Idéal", Olivier Rabourdin qui retrouve aussi Gozlan après "Burn Out" et actuellement en salles dans "Benedetta" (2021) de Paul Verhoeven, puis enfin Grégori Derangère qui était dans "L'Assaut" de Julien Leclercq cité plus haut et qu'on avait pas vu depuis "L'Aventure des Marguerite" (2020) de Pierre Coré... Quand on pense aux films sur des enquêtes sur des accidents aériens on pense évidemment aux classiques "Flight" (2013) de Robert Zemeckis et "Sully" (2016) de Clint Eastwood, mais avec ce film Yann Gozlan nous immerge beaucoup plus frontalement et plus précisément dans les méandres d'une enquête du BEA avec un thriller psycho-paranoïaque de belle tenue genre mix entre "Conversation Secrète" (1974) de Francis Ford Coppola et "Le Chant du Loup" (2019) de Antonin Baudry. Le film s'inspire évidemment du terrorisme, mais aussi et surtout sur l'affaire des crashs du Boeing 737 MAX (Tout savoir ICI !) qui permet d'offrir un scénario à la fois actuel et d'anticipation en plaçant une réflexion judicieuse sur la limite éventuelle des Intelligences Artificielles.
L'enquête (et donc avec quelques détails disséminés) débute dès les premières secondes avec un travelling malin qui nous fait découvrir l'intérieur de l'avion quelques secondes avant le crash. Ensuite on découvre une enquête par un acousticien à l'instar de celui qui scrute le moindre son sous l'océan de "Le Chant du Loup", ici l'océan étant les retranscriptions des boîtes noires. Ces dernières ont une importance capitale, pour l'enquête mais pour le film aussi, et c'est Yann Gozlan qui en parle le mieux : "Souvent placées à l'arrière de l'avion (partie généralement la mieux conservée lors d'un impact avec le sol), il en existe deux types : le FDR (Flight Data Recorder) qui comptabilise les paramètres techniques du vol et le CVR (Cockpit Voice Recorder) qui enregistre tous les bruits et échanges des pilotes dans le cockpit. Les premiers enregistreurs de vol datent des années 30. À l'époque, ils contenaient une pellicule photographique sur laquelle les indications des instruments de vo étaient projetées. Cette pellicule photosensible était enfermée dans une chambre noire appelée "boîte noire", car elle était étanche à la lumière. Ce nom est resté alors que les enregistreurs de vol aujourd'hui sont de couleur orange avec des bandes réfléchissantes pour faciliter leur repérage parmi les débris." Ainsi les raisons du crash sont multiples dans leurs détails et leurs précisions mais finalement assez restreintes : erreur du pilote ?! Défaillance technique de l'avion ?! Acte terroriste ?! Très vite pourtant on devine vers quoi tend l'enquête mais le scénario est assez complexe pour tenir un suspense efficace qui repose sur la parano évolutive de Mathieu/Niney. L'acteur a passé plusieurs semaines au BEA afin de se familiariser avec ce métier singulier. On salue un scénario qui maintient une tension tout en décrivant avec minutie mais non élitiste les protocoles d'enquête du BEA et le jeu ambigu entre les différentes parties prenantes (société aviation, entreprise de conception sécurité, pilotes, agence de surveillance...). La seule partie un peu décevante est finalement le dénouement où un GPS un peu ridicule et tiré par les cheveux qui vient un peu gâché un film qui était jusque là d'un réalisme paranoïaque ténu. Malgré tout, Yann Gozlan maintient une vraie tension, un sentiment parano qui tient la route tant les indices et incohérences sèment le doute, sans compter l'idée centrale (le style de "piratage") du film qui reste passionnante. En prime des acteurs excellents, une mention spéciale à Lou De Lâage qui assure en nana aux dents longues aveuglée par son ambition. En conclusion un excellent thriller, cohérent et bien construit qui pêche finalement juste pour une histoire de "GPS". Un bon moment.
Note :