Barbaque (2021) de Fabrice Eboué
Quatrième long métrage en tant que réalisateur pour l'humoriste Fabrice Eboué après "Case Départ" (2011) co-signé avec Thomas Ngijol et Lionel Steketee, "Le Crocodile du Botswanga" (2014) co-signé avec Steketee puis le très réussi "Coexister" (2017) son premier film en solo. Avec ce nouveau projet il change son fusil d'épaule deux fois, la première en évitant cette fois la question identitaire, la seconde en modifiant son scénario qui devait à l'origine prendre le point de vue vegan avant de changer d'avis comme il l'explique : "... à bien y réfléchir, j'ai pensé que les spectateurs seraient plus concernés si je me plaçais du côté de la majorité, parmi lesquels des victimes comme le boucher qui fait son métier depuis trente ans et qui apprend, par les actions et accusations des vegans, qu'il est un bourreau." Mais une chose tient à coeur le réalisateur-scénariste, c'est qu'il ne voit pas son film comme un film militant, mais comme une comédie romantique ! Le cinéaste précise : "Peut-être que j'y dénonce un certain militantisme qui va trop loin, mais c'est avant tout une comédie pour qu'on rigole de la société dans la quelle on vit avec tous ses extrêmes. Quelqu'un d'extrême est caricatural, et quand on est dans la caricature, on est dans le drôle. Je n'ai rien contre les vegans. Je trouve juste le sujet passionnant car il traduit une époque de communautarisme, de repli sur divers sujets, une époque où les gens ont besoin d'appartenir à un groupe." Sur le romantisme c'est sa partenaire à l'écran qui confirme l'orientation : "C'était même énoncé dès la note d'intention : la comédie romantique est un genre éculé, il faut le renouveler. Et Fabrice fait en mélangeant deux genres. Pour être honnête, je ne pensais pas que l'histoire du couple prendrait autant de place. Et quand j'ai vu le film, j'ai pris cela pour une très bonne nouvelle. La romance des deux qui prend son sens à travers les meurtres fonctionne parfaitement." Fabrice Eboué co-écrit son scénario avec Vincent Solignac qu'il a connu comme acteur sur "Case Départ", mais qui est aussi scénariste, essentiellement pour la télévision jusqu'ici notamment pour la série TV "Un Village Français" (2012)...
Vincent et Sophie sont bouchers. Leur commerce est en crise, leur couple également. Mais tout semble vraiment fini lorsque Vincent tue accidentellement un militant vegan qui a saccagé sa boutique. Ils décide de se taire et fait disparaître le corps en en faisant un jambon que sa femme vend par mégarde ! Le retour client est un vrai succès à tel point que le couple commence à entrevoir un avenir meilleur... Le couple boucher est donc incarné par Fabrice Eboué, et son épouse par Marina Foïs "Enorme" (2020) de Sophie Letourneur et, actuellement en salles, "La Fracture" (2021) de Catherine Corsini. À leur côté citons Roby Schinasi aperçu dans "Dalida" (2016) de Liza Azuelos et "Les Dents, Pipi et au Lit" (2018) de Emmanuel Gillibert, Virginie Hocq aperçue dans "Le Petit Spirou" (2017) de Nicolas Bary et "Mystère à Saint-Tropez" (2021) de Nicolas Benamou, Jean-François Cayrey vu dans "Chamboultout" (2019) de Eric Lavaine et "Tokyo Shaking" (2021) de Olivier Peyon, puis enfin Stephane Soo Mongo qui était dans "le Crocodile du Bostwanga"... On ne peut que citer le chef d'oeuvre "C'est Arrivé près de Chez Vous" (1992) de Rémy Belvaux, André Bonzel et avec Benoît Poelvoorde, film cité comme principal influence par Fabrice Eboué et qui parsème le film par plusieurs clins d'oeil. Mais si on pense cannibalisme et gastronomie on pense aussi et surtout à des film comme "Sweeney Todd" (1936) de George King et "Sweeney Todd" (2007) de Tim Burton, "Delicatessen" (1991) de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, "Les Bouchers Verts" (2003) de Anders Thomas Jensen, "Nouvelle Cuisine" (2004) de Fruit Chan, "Kadaver" (2020) de Jarand Breian Herdal. Et si il semble que le côté meurtre et/ou gore n'est pas souvent associé à la romance, on pourrait citer d'autres comme "Warm Bodies" (2013) de Jonathan Levine et même les "Zombieland" (2009-2019) de Ruben Fleischer. Le sujet du film va forcément raviver une guéguerre entre viandards et vegans, mais tout aussi certainement il va surtout attiser le feu chez les extrèmistes (comme toujours !) des deux côtés, on osera même pointer un peu plus ceux du côté vegans comme en témoignent d'ailleurs quelques-uns qui démontent le film, certains se permettant de descendre un film sans l'avoir vu (où une certaine idée de l'intolérance c'est ici !). Et pourtant, Fabrice Eboué réussit un sacré film ! Mine de rien, un tel film est forcément attendu au tournant, il faut une certaine audace pour ce genre de film aujourd'hui où tout est au bien-pensant, à la démagogie, à caresser tout le monde dans le sens du poil... etc... à l'exception évidemment des minorités qui ont toujours raison avec qui il faut forcément être d'accord. La bande-annonce impose un style, et montre que l'humour noir peut encore sortir la tête de l'eau (en France !).
Premier constat, le réalisateur-scénariste-acteur assure et réussit un coup de force en le démontrant dans ce qui est sans doute la meilleure comédie de l'année ! Eboué a déclaré : "Dans Barbaque, on prend un Monsieur Tout-le-monde qui est un type sympathique, mais qui a une femme machiavélique et manipulatrice qui va pousser à commettre l'irréparable. Et il passe de la difficulté à tuer à une action totalement banale, au point de parler gratin dauphinois tandis qu'il bute quelqu'un. Tout le pari était qu'on soit en empathie avec un couple qui tue des gens pour les bouffer." D'abord on remarque que Eboué tue des vegans mais tape tous les côtés, voir même il vise surtout les arnaqueurs de la mauvaise viande, du produit bas de gamme symbolisé par le "meilleur ami" (joué par un Cayrey absolument abject) qui se soucie guère de la qualité qu'il vend, et qui est de surcroît un tantinet raciste et snob. Tandis que le pauvre boucher tueur s'oblige à tuer que des vegans gentils car il faut que la viande soit "tendre et persillée". Ainsi il note bel et bien que les gens sont foncièrement bons, vegans ou non, il dénonce avant tout les extrêmes et les profiteurs du système. L'autre bon point est ce parallèle constant entre la violence brusque et brutale et l'humour noir, où comment à chaque mort il y a son pendant gag souvent par des dialogues savoureux jouant les funambules sur le fil du mauvais goût qui passent tranquilles grâce à une bonhommie sans pareil du boucher/Eboué qui tente ainsi de se convaincre que son épouse à sûrement raison. Le petit bémol (tout petit !) serait sans doute justement la femme/Foïs, que certains dénonceront facilement comme sexiste, mais qui, effectivement, peut paraître un peu trop sournoise ce qui rend leur histoire d'amour un peu bancale alors même que le réalisateur-scénariste voyait son film comme une "comédie romantique". N'aurait-il pas fallu une épouse plus "fragile" ?! Niveau second rôle on saluera en prime un gendarme qui sort du lot. Fabrice Eboué signe une comédie cynique et caustique mais hilarante, enfin une comédie française qui ne gâche pas le rire par trop de séquences émotion, Oui on veut rire de A à Z !
Note :
Pour info bonus, Note de mon fils de 12 ans :