Mon Légionnaire (2021) de Rachel Lang

par Selenie  -  8 Octobre 2021, 08:43  -  #Critiques de films

Second long métrage après "Baden Baden" (2016) pour Rachel Lang qui s'était auparavant fait remarquer dans divers festivals et lauréate de plusieurs pour ses courts métrages "Pour Toi je Ferai Bataille" (2010) Léopard d'Argent au festival de Locarno, et "Les Navets Blancs empêchent de Dormir" (2011) Prix Ingmar Bergman à Uppsala et Swann d'Or au festival de Cabourg. Pour son projet la cinéaste s'est inspirée avant tout de son vécu car elle s'est engagé comme réserviste alors qu'elle avait 19 ans : "J'ai découvert pendant deux semaines un monde très différent du mien. Quelque chose de fort, et je me suis donc retrouvée réserviste pendant deux ans. J'ai quitté l'armée le temps de ma formation à l'IAD en Belgique. A l'issue de mes études, j'ai décidé de me réengager et de me former pour être officier. Là, un autre monde s'est ouvert encore. (...) Pour être concret, j'ai géré pendant plusieurs années au quotidien 40 soldats de réserve affectés à différentes missions. Lorsque l'on est soldat on a en quelque sorte un "corps docile" pour reprendre l'expression de Foucault. Être officier c'est autre chose, il y a une lourde responsabilité dans le commandement. (...) Cela m'a aussi questionné plus intimement sur l'absence, le couple, l'amour. Dès ce premier stage, à l'âge de 19 ans je me suis demandée : "Comment font les soldats de retour de mission pour retrouver l'intensité et la cohésion que l'on ressent là-bas ?, Comment font-ils pour retrouver leurs compagnes ou compagnons après des mois d'absence ?" Et puis plus tard je me suis interrogée sur ceux et celles qui attendent le retour, comment supporter cette absence, la potentialité de la mort ou de la blessure ?" Rachel Lang réalise et écrit son scénario...

Le film suit deux couples dont les hommes intègrent la Légion Etrangère. les français Maxime et Céline, puis les russes Vlad et Nika... Le premier couple est incarné par Camille Cottin dans une année faste pour elle après "Stillwater" (2021) de Thomas McCarthy et avant "House of Gucci" (2021) de Ridley Scott, puis Louis Garrel qui retrouve l'uniforme dans un autre contexte après "J'Accuse" (2019) de Roman Polanski, vu depuis notamment dans "ADN" (2020) de et avec Maïwenn. Le second couple est interprété par Ina Marija Bartaité vue dans "Peace to Us in our Dreams" (2015) de Sharunas Bartas et "Le Jour de Sébèque" (2016) de Kristijonas Vildziunas, puis Alexnader Kuznetsov vu dans "Spitak" (2018) de Alexander Kott et surtout dans "Leto" (2018) de Kirill Serebrennikov. Notons que malheureusement, la jeune actrice Ina Marija Bartaité, fille de l'actrice Yekaterina Golubeva ex-muse de Leos Carax, est morte dans un accident de la route à seulement 25 ans début de l'année, peu de temps après la fin du tournage... La première chose qui interroge c'est le cas Louis Garrel, excellent acteur au demeurant mais marqué du sceau "Saint-Germain-des-Prés", parisien bobo voir de dandy qui colle plutôt mal avec un militaire, légionnaire de surcroît. L'acteur y a cru en tous cas assez fort pour subir et assumer un entraînement de six mois auprès d'un coach sportif et d'un coach militaire. Résultat, on a du mal à l'y voir, surtout lors de sa première apparition où son uniforme semble même trop grand ! Mais au fur et à mesure il passe à l'image et sa présence s'intègre tranquillement même si il est parfois pas assez "rugueux". Les autres acteurs sont parfaits, assez sobres et émouvants ; évidemment, l'actrice Ina Marija Bartaité touche d'autant plus qu'elle joue le personnage le plus touchant. On constate aussi que les scènes d'ouverture et de fin renvoie à un autre film de légionnaires, "Beau Travail" (1999) de Claire Denis.

La réalisatrice-scénariste s'attache à ne pas se focaliser sur les soldats en mission, mais montre et démontre que les soldats ne sont pas les seuls à subir et à donner leur vie, les femmes, épouses et mères et leurs enfants sont pour ainsi dire les "dommages collatéraux". Patience et absence pèsent lourds, les sacrifices sont comme des échos, parallèle souvent psychologique avant d'être corporel qui joue le funambule dans l'équilibre des familles. Le titre renvoie forcément à la célèbre chanson de Marie Dubas et reprise en suite par Edith Piaf, mais loin d'y reprendre le romanesque la cinéaste se focalise sur le réalisme des faits. Trop peut-être. En effet, la mise en scène de la cinéaste est beaucoup trop académique, statique quand c'est la famille et les femmes, caméra à l'épaule quand on est en opération avec les légionnaires. Les deux points de vue sont constamment en alternance parfaite avec pas de clichés parfois non exempts de maladresses, par exemple en quoi sommes-nous intéressé dans ce récit par un gros plan d'une épilation intime effectuée devant un parterre de jeunes enfants (?!), mais aussi le passage obligé d'un repas où des "amis gauchistes" s'en prennent au soldat et comment comprendre une femme qui a tout comparé à une jeune épouse en mal d'enfant qui lui dit juste "au moins tu sais pourquoi tu es là !" juste parce qu'elle est amoureuse, alors qu'elle aussi à priori (?!)... Néanmoins, malgré ce côté figé, le film reste intéressant, de par son point de vue très humain et pas du tout guerrier, et jamais dénué d'émotion et même de délicatesse. 

 

Note :            

 

12/20
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