Tralala (2021) de Arnaud et Jean-Marie Larrieu
Originaires de Lourdes, passionné de musique depuis l'enfance (leur ingénieur du son faisait parti de leur groupe étant ados), et inspiré par une anecdote de l'écrivain américain Jim Harrison (qui a été pris dans un bar pour une personne disparue 20 ans plus tôt), il n'en fallait pas plus pour que les frères Larrieu se lance dans une comédie musicale originale secondée de surcroît par le truculent l'acteur-auteur-compositeur-interprète Philippe Katerine qui devait au départ incarné le rôle titre mais le calendrier en décidera autrement. Les deux frères n'avaient tourné que deux fois à Lourdes avant cela, avec leurs courts métrages "Bernard ou les Apparitions" (1992) et "Madonna à Lourdes" (2001). Notons que les deux frères avaient l'habitude de sortir un film tous les 2-3 ans, et que cette fois ils ont pris leur temps depuis leur dernier film avec l'excellent "Vingt et Une Nuit avec Pattie" (2015). Comme à leur habitude les deux frères réalisent et signent le scénario de leur film... Tralala est le pseudo d'un chanteur de rue en voie de marginalisation. Un jour il voit une "fille en bleu" qui l'émeut au point de croire à une apparition mariale (apparition de la Sainte Vierge), il décide alors de faire un pèlerinage à Lourdes. Là-bas il rencontre une dame âgée qui le prend pour son fils disparu vingt ans auparavant...
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Dans le rôle titre les réalisateurs retrouvent Mathieu Amalric après déjà quatre précédents films ensemble avec le court métrage "La Brèche de Roland" (2000), "Un Homme, un Vrai" (2003), "Les Derniers Jours du Monde" (2009) et "L'Amour est un Crime Parfait" (2013). L'apparition de la "fille en bleu" est incarnée par la jeune Galatea Bellugi vue dans "Réparer les Vivants" (2016) de Katell Quillévéré et "Une Jeunesse Dorée" (2019) de Eva Ionesco. Un couple est joué par Maïwenn vue récemment dans son film "ADN" (2020) et qui retrouve ainsi les Larrieu et Amalric après "L'Amour est un Crime Parfait", puis Jalil Lespert vu dernièrement dans "La Terre des Hommes" (2020) de Naël Marandin et "L'Enfant Rêvé" (2020) de Raphaël Jacoulot. La "mère" est interprétée par Josiane Balasko qui a vécu une autre forme de vision dans "L'Esprit de Famille" (2020) de Eric Besnard. Puis citons Mélanie Thierry qui se fait rare vue dans "La Douleur" (2018) de Emmanuel Finkiel, "Le Vent Tourne" (2018) de Bettina Oberli et dans "Da 5 Bloods" (2020) de Spike Lee, Denis Lavant qui retrouve les Larrieu après "Vingt et Une Nuit avec Pattie" et vu récemment dans "La Nuit des Rois" (2021) de Philippe Lacôte et "Gagarine" (2021) de Fanny Liatard et Jérémy Trouilh, puis enfin citons Bertrand Belin, acteur de temps en temps notamment dans "Ma Vie avec James Dean" (2017) de Dominique Choisy mais surtout auteur-compositeur-interprète qui fait partie du groupe d'artistes qui ont composé les titres du film... En effet, les frères Larrieu se sont entourés de plusieurs talents pour écrire les chansons de leur film et de leurs personnages. Un choix volontaire de faire appel à plusieurs artistes afin que leurs différences soient aussi celles de leurs personnages. Ainsi Philippe Katerine signe les chansons de Tralala/Amalric, Bertrand Belin signe les chansons de son personnage, Dominique A signe celles de Josiane Balasko, Jeanne Cherhal signe celles de Mélanie Thierry, Etienne Daho avec Jean-Louis Pierrot signent les chansons de Maïwenn... etc... sans compter d'autres chansons de leurs répertoires. Précisons que les acteurs interprètent réellement leurs titres, une volonté expliquée par Arnaud Larrieu : "La seule question qui prévalait alors, c'est celle de l'émotion et de ses nuances. Rien ne peut remplacer l'émotion provoquée par le surgissement des paroles chantées en direct et en situation par les acteurs et actrices." Il est aussi amusant de voir le film comme un film qui mêle comédie musicale et burlesque, ce dernier terme renvoyant dans une autre variation au film "Tournée" (2010) de et avec Mathieu Amalric.
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Après quelques minutes parisiennes, Tralala part vite à Lourdes où jamais (où si rare) la ville n'aura été filmé aussi "vraie" et aussi simplement. Mais on constate vite que l'intrigue, ou plutôt l'intrigue est finalement bien secondaire façon macguffin hitchcockien même si la question du fantasme (la fille en bleu est un rêve ou pas ?! Est-il Pat ou pas ?!) demeure jusqu'au bout. Il y a une véritable volonté de se focaliser sur la comédie musicale, sur la fantaisie ambiante, même sur la construction narrative d'un tel genre. Mais dans un même temps on constate que la musique ou la chanson manque finalement de diversité et/ou de chant, tandis que les parties chantées qui ne durent pas plus de quelques secondes finissent par casser le rythme ou le rendre peu cohérent. Ensuite trop de chansons sont en fait pas franchement chantées, mais sont justes parlées ou du moins interprétées avec un phrasé qui est parfois frustrant. Par contre les paroles sont évidemment en adéquation avec les actions des protagonistes, les acteurs sont investis et apportent toute l'émotion dont un incroyable Mathieu Amalric. Ensuite, on remarque que les frères Larrieu ont parfaitement imbriqué leur récit dans notre époque, notamment en jouant malicieusement avec les masques sanitaires. En conclusion, les Larrieu signe une comédie musicale surprenante, originale, mais il faut aimer ou du moins accepter les musiques et chansons pour s'immerger à fond ce qui à manquer sur plusieurs parties. Voici un film joyeux et léger qu'on aurait aimé beaucoup mais on est resté un peu en marge malgré ses qualités intrinsèques évidentes, ne serait-ce que pour sa créativité, sa joie de vivre et son originalité.
Note :