Madres Paralelas (2021) de Pedro Almodovar
Nouveau film du plus célèbre des réalisateurs espagnols après "Douleur et Gloire" (2019) pour un projet que le cinéaste a en tête depuis plus de 20 ans. En effet Almodovar en avait déjà parlé à son actrice Penelope Cruz lors de la tournée promotionnelle du film "Tout sur ma Mère" (1999). Le film a été présenté à la Mostra de Venise 2021, avec ne prime la Coupe Volpi de la meilleure actrice pour Penelope Cruz. Néanmoins, le début de la promo a connu une petite polémique à cause de son affiche originale censurée notamment par Instagram. En effet, cette affiche présente un mamelon d'où coule une goutte de lait. Plus tard le réseau social s'excusera et le remettra en ligne en jugeant la qualité du "design artistique". Etonnament pourtant, on peut que constater que l'affiche la plus utilisée est pourtant une autre, où on voit une simple accolade. Pedro Almodovar est réalisateur et scénariste de son film comme à son habitude... Deux futures mamans se rencontrent dans une chambre d'hôpital. Janis et Ana ont en commun d'être officiellement célibataire et d'être tombées enceintes par accident. Par contre Janis est une femme d'âge mûre qui est heureuse d'attendre un bébé alors que Ana est une ado effrayée et pleine de doutes. Janis tente de remonter le moral de Ana, tandis qu'un lien d'amitié commence à les lier le hasard va compliquer leur relation de façon inattendue...
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Janis est incarnée par Penelope Cruz qui tourne là son 7ème film avec Almodovar pour qui elle a pratiquement toujours été maman ou future maman, si on excepte "Etreintes Brisées" (2009) et une simple apparition dans "Les Amants Passagers" (2013), la star a déjà été enceinte dans "En Chair et en Os" (1997) et "Tout sur ma Mère" (1999), puis maman dans "Volver" (2006) et "Douleur et Gloire". Sur ces choix de rôles le réalisateur précise à propos de son actrice : "Pénélope est l'image parfaite que j'ai de la maternité. Mais elle n'est pas issue de la tradition espagnole de la maternité. En Espagne, les mères sont généralement représentées en train de cuisiner et de faire le ménage, et elles sont souvent considérées comme un peu rondes. Pénélope est issue de la tradition italienne de la maternité. Elle est sensuelle et fougueuse comme Anna Magnani ou Sophia Loren." La seconde maman est interprétée par Milena Smit, moins connue que sa partenaire et révélée dans son premier film "Cross the Line" (2020) de David Victori. Almodovar fait appel à d'autres de ses actrices fétiches avec l'inénarrable Rossy De Palma pour son 8ème film avec son mentor et Julieta Serrano pour son 7ème film, ces deux actrices s'étaient donc déjà croisées sur les films "Femmes au Bord de la Crise de Nerfs" (1988) et "Attache-Moi !" (1990), De Palma retrouve aussi Pénélope Cruz après "Etreintes Brisées", tandis que cette dernière retrouve Serrano après "Douleur et Gloire". Citons ensuite de nouvelles arrivées avec Aitana Sanchez-Gijon vue entre autre dans "La Femme de Chambre du Titanic" (1997) et "Volvérunt" (1999) tous deux de Bigas Luna, puis Adelfa Calvo vue notamment dans les excellents "Groupe d'Elite" (2012) et surtout "La Isla Minima" (2014) tous deux de Alberto Rodriguez... Avec ce film Almodovar poursuit son exploration du monde féminin, son hommage aux femmes et aux mères avec un mélodrame sur le sujet déjà vu des bébés inversés ; en France on se souvient surtout de la comédie "La Vie est un Long Fleuve Tranquille" (1988) de Etienne Chatiliez. Mais si deux mamans se retrouvent liées par un destin à la fois d'amour et de tristesse le cinéaste espagnol y ajoute une couche de tragédie historique particulièrement pesante, particulièrement lorsqu'on connaît l'Histoire de l'Espagne. A savoir la guerre d'Espagne, ses conséquences à long terme en ce qui concerne les fosses communes.
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En fait le gros soucis du film réside justement dans cette double lecture du film car on ne saisit pas vraiment le rapport entre les deux maternités accidentelles et les fosses communes franquistes. Qu'a voulu raconter Almodovar ?! On a l'impression qu'il a relié deux idées de films en un, en tentant un montage qui s'avère peu concluant. On a la sensation assez désagréable qu'il y avait de quoi faire deux beaux drames bien distincts. La partie des maternités prend presque 3/4 du film, avec deux femmes finalement assez seules et le parallèle entre les deux est subtilement décrit (au contraire de "Les Choses Humaines" de Attal sortit simultanément en salles) ; la femme d'âge mûre, Janis/Cruz, est célibataire, pas riche et ne semble avoir comme proche qu'une seule amie, tandis que le jeune maman, Ana/Smit, est d'une famille aisée, partagée au sein de parents séparés et qui semble sans amis. L'échange des bébés est traité avec une petite ironie mais dans un mélo plutôt sérieux. Almodovar "colle" cette partie à la tragédie des fosses communes via un stratagème un peu gros mais assez malin... ATTENTION SPOILER !... La famille de Janis est victime de la dictature franquiste, et elle est investie dans la reconnaissance des faits et des victimes, alors que la famille de Ana est plus ou moins dénoncée comme une famille qui aurait été franquiste... FIN SPOILER !... Le lien entre les deux mamans avec la guerre est à la fois trop mince et trop peu exploité pour convaincre pleinement. Vraiment une déception quand on voit le potentiel de ces deux histoires qui seraient imbriquées dans la grande. Almodovar s'est donc un peu pris les pieds dans le tapis de sa propre ambition. Ainsi, le film n'est solide et intéressant, construit et prenant sur les 90mn consacrées aux deux mamans, mais les 30mn plus basées sur les fosses communes sont trop peu traitées pour être franchement utiles et/ou même touchantes. Les personnages sur la partie franquiste ne sont pas explorés, les travaux sur la fosse sont expédiés, le lien générationnel bâclé. On notera tout de même un joli casting, au diapason et une performance de Penelope Cruz qui confirme qu'elle n'est jamais aussi inspirée que chez Almodovar. Ce film est donc un mélo bancal et aurait dû plutôt assumer de réaliser deux films bien dstincts... Dommage...
Note :