L'Associé du Diable (1997) de Taylor Hackford

par Selenie  -  18 Janvier 2022, 10:04  -  #Critiques de films

Le projet est lancé par l'auteur même du roman, Andrew Neiderman qui assure lui-même la promo de son roman "The Devil's Advocate" (1990). Il envoie ainsi à la Warner son roman avec comme accroche une seule phrase : "C'est à propos d'un cabinet d'avocats de New-York qui défend uniquement des coupables et qui ne perd jamais." Le projet est lancé avec à la réalisation Joel Schumacher et Brad Pitt mais n'aboutira pas. Il faut attendre le célèbre procès de O.J. Simpson en 1994 pour que le projet soit relancé car la médiatisation du procès transforme le tribunal en salle de spectacle nouveau genre ! Un nouveau réalisateur est choisi, Taylor Hackford, qui a notamment signé à ses débuts "Officier et Gentleman" (1983) et et qui signera son chef d'oeuvre avec le biopic "Ray" (2005), qui a bien compris son sujet : "Les tribunaux sont devenus des arènes de gladiateurs de la fin du XXème siècle et suivre le déroulement d'un procès à sensation est comme assister à une rencontre sportive." Le scénario est remanié, et sont donc engagé Jonathan Lemkin scénariste non crédité de "Dans les Griffes de Dragon Rouge" (1991) de Mark L. Lester, et surtout qui a travaillé sur le projet de "Superman Lives" (1996-1998) serpent de mer sur lequel a travaillé son confrère Tony Gilroy qui retrouve et retrouvera Hackford après "Dolores Claiborne" (1995) et "L'Echange" (2000), mais qui sera connu en signant la trilogie "Jason Bourne" (2002-2007) de Paul Greengrass. Le film a engrangé 153 millions de dollars au box-office mondial mais ça reste seulement honorable au vu de l'ambition du projet et de son casting, le film entrera à la postérité surtout grâce à son succès en vidéo et plus tard en streaming... Kevin Lomax est la nouvelle coqueluche des prétoires, étant un jeune avocat invaincu en Floride et malgré un dernier procès au goût amer il est approché par un grand cabinet de New-York. Soudain il entre dans la cour des grands et devient riche aussi vite qu'il est engagé. Il devient aussi vite le nouveau poulain du patron John Milton, et si ce nouveau monde séduit Kevin son épouse Mary Ann perd peu à peu pied psychologiquement...

Lomax est interprété par Keanu Reeves star qui refusa judicieusement la suite de "Speed" (1994) de Jan de Bont pour ce rôle qui se fera donc sans lui, "Speed 2 : Cap sur le Danger" (1997) qui sera un échec cuisant. Son épouse est interprétée par Charlize Theron qui trouve là son premier rôle conséquent depuis son premier long métrage "Les Démons du Maïs 3" (1995) de James D.R. Hickox mais qui passera réellement un cap avec son Oscar pour "Monster" (2003) de Patty Jenkins. Les deux acteurs mariés ici se retrouveront amants dans la comédie sentimentale "Sweet November" (2001) de Pat O'Connor. Le patron John Milton est incarné par Al Pacino qui cartonne à la même période dans "Donnie Brasco" (1997) de Mike Newell et qui avait plutôt conseillé de prendre pour le rôle un certain Robert de Niro, qui lui avait déjà incarné le diable dans "Angel Heart" (1987) de Alan Parker. La maman Lomax est jouée par Judith Ivey vue la même période dans "Washington Square" (1997) de Agnieszka Holland et "Une Vie moins Ordinaire" (1997) de Danny Boyle. Parmi les collègues citons les acteurs Jeffrey Jones vu entre autre chez Tim Burton dans "Beetlejuice" (1988), "Ed Wood" (1994) et "Sleepy Hollow" (1999), Connie Nielsen actrice danoise dans son premier film hollywwodien après avoir débuté dans la comédie française "Par où t'es rentré ? On t'a pas Vu Sortir" (1984) de Philippe Clair et qui deviendra une star avec "Gladiator" (2000) de Ridley Scott, Ruben Santiago-Hudson vu plus tard dans "American Gangster" (2007) de Ridley Scott et "Selma" (2014) de Ava DuVernay, Tamara Tunie qui retrouve Al Pacino après "City Hall" (1996) de Harold Becker mais qui deviendra surtout populaire grâce à la série TV "New-York, Unité Spéciale" (2000-2021), Debra Monk aperçue dans "Sur la Route de Madison" (1995) de et avec Clint Eastwood et "In and Out" (1997) de Frank Oz. Puis citons les clients joués par Craig T. Nelson vu notamment dans "La Déchirure" (1984) de Roland Joffé et "Des Hommes d'Influence" (1997) de Barry Levinson, Chris Bauer habitué des rôles déviants comme dans "Volte/Face" (1997) de John Woo, "8mm" (1999) de Joel Schumacher ou "Animal Factory" (2001) de Steve Buscemi, Delroy Lindo qui retrouve le réalisateur Taylor Hackford après "Les Princes de la Ville" (1993) et qui retrouve son partenaire Vyto Ruginis après "Broken Arrow" (1996) de John Woo, et qui retrouvera avec "Roméo doit Mourir" (2000) Andrzej Bartkowiak réalisateur mais Directeur Photo sur "L'Associé du Diable". Ce dernier a été aussi Directeur Photo sur le film "L'Avocat du Diable" (1993) de Sydnet Lumet, et donc à ne pas confondre. Pour l'anecdote, Keanu Reeves accepté une baisse substancielle de son cachet afin que Al Pacino puisse obtenir le sien... Les trois acteurs principaux se sont particulièrement investis, Reeves a suivi un cabinet d'avocats, Theron s'est entretenue avec une psychiatre durent trois mois, et surtout, Pacino a lu "Le Paradis Perdu" et "La Divine Comédie". Ca tombe bien car l'histoire est clairement inspirée de trois oeuvres majeures, la légende de Faust, "La Divine Comédie" (1303-1321) de Dante Alighieri et le poème épique "Le Paradis Perdu" (1667) de John Milton, poète qui donne donc logiquement son nom au personnage joué par Al Pacino.

Entre autre la réplique "Mieux vaut régner en Enfer que servir au paradis" est en fait un vers tiré du poème de Milton, les scultures qui s'animent sont officiellement inspirées de l'illustration des anges rebelles créée par William Blake pour le poème ; sur ce dernier point néanmoins, la production sera attaqué en justice par le sculpteur Frederick Hart pour plagiat sur cette même sculpture du film, un accord financier sera finalement trouvé. Sinon comme Faust, il est question du libre arbitre et donc du pacte avec le diable, Milton/Satan tente donc Lomax par la richesse mais aussi par la luxure. Le libre arbitre est également présent dans "La Divine Comédie", et le point de non retour où se sentir coupable amène vers le cercle vicieux du Mal. Ajouté à ces trois oeuvres il y a également de nombreuses références à la foi chrétienne (Babylone, "Marie-Anne", la tentation, les péchés capitaux...). Le film a pourtant quelques différences avec le livre qui ne sont pas négligeables, et qui donne une dimension plus philosophique et métaphysique à l'histoire plutôt que le côté fantastique plus appuyé dans le livre. Ainsi le film insiste plus sur le libre arbitre tel que décrit ci-dessus, et le film ne va pas trop loin dans les effets spéciaux dont l'accent est mis essentiellement sur l'ultime quart d'heure de face à face. Le film introduit (toujours par rapport aux trois influences décrites plus haut) l'Antéchrist. Plus commun, on constate que le client accusé de viol est un homme dans le film alors qu'ils 'agit d'une lesbienne dans le roman. Le film est semé de scènes marquantes et souvent malaisantes de la pulsion "manuelle" d'un accusé à la scène d'amour "à double visage" en passant par le meurtre du footing, la rencontre dans le métro ou la nudité dans l'église. Citons aussi la discussion au sommet du building, le match de boxe qui est en fait une véritable rencontre (Bryant Brannon contre Roy Jones Jr.  le 4 octobre 1996 au Madison Square Garden), ou encore une avenue à New-York entièrement déserte. Sur ce dernier point précisons que le film est le premier à avoir obtenu une autorisation pareille, malgré tout le film "Ouvre les Yeux" (1998) de Alejandro Amenabar copiera la scène, ou à moins que ce soit l'inverse ?! Le point culminant reste le grand final qui dure plus de 15 mn, et si elle est nécessaire elle aurait pu être un peu moins longue en palabres. Mais il n'en demeure pas moins qu'on est au summum de la lubricité et de l'ébullition. La performance de Pacino est dantesque, alors que jusqu'ici l'acteur savourait avec gourmandise en incarnant un être à la fois aussi vénéneux et charmeur, si ça frôle l'esbrouffe le cabotinage de Milton/ Satan/ Pacino va pourtant à merveille au personnage d'ailleurs judicieusement éclairé pour accentuer les traits idéals de l'acteur. Keanu Reeves fait le job mais il se fait voler la vedette par une Charlize Theron aussi instable que touchante. Taylor Hackford signe un thriller psycho-ésotérique flamboyant, magnifiquement incarné, dans un scénario implacable multi-référencé, fascinant et efficace qui vaut le coup d'oeil. Un grand film trop sous-estimé.

 

Note :            

 

17/20
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