Mort du réalisateur Serge Korber
Le cinéma français s'endeuille beaucoup trop en ce moment et ça continue, après Jean-jacques Beineix et Gaspard Ulliel on apprend la mort du réalisateur Serge Korber ce 23 janvier 2022 à l'âge de 85 ans.
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Né en 1936 à Paris 18 dans une modeste famille juive il passe son enfance caché au sein d'une famille protestante alors que ses parents sont réfugiés en zone libre à Montauban. Après son Certificat d'étude, à 14 ans il devient apprenti tapissier. Il entre ainsi à l'école Boulle à Paris et commence à fréquenter les cabarets et bars tels que la Contrescarpe ou le bistrot la Choppe. Il lit alors beaucoup les auteurs Ernest Hemingway, John Steinbeck ou William Faulkner ou encore Henry Miller. Les auteurs français viendront ensuite. Il entre aux Jeunesses Communistes et croisent de nombreux artistes.
En 1955, il fonde avec Léon Tcherniak et Jean-Pierre Suc le cabaret Le Cheval d'Or qui devient un haut lieu de la nuit parisienne où de nombreux artistes débutant comme Raymond Devos, Pierre Richard, Pierre Perret ou Bobby Lapointe. C'est au Cheval d'Or que le jeune Serge Korber rencontre François Truffaut, ancien critique au Cahier du Cinéma qui commence dans le cinéma. Truffaut engage d'ailleurs comme comédien des habitués du cabaret comme Charles Aznavour et Bobby Lapointe dans "Tirez sur le Pianiste" (1960) ou Henri Serre dans "Jules et Jim" (1962). Serge Korber fréquente alors assidûment la Cinémathèque et rencontre Guy Debord, fondateur de l'Internationale Situationniste, qui vient d'ouvrir un autre cabaret "La Méthode" qui sera néanmoins moins fameux que Le Cheval d'Or. Mais surtout Debord propose à Korber d'être son assistant sur son court métrage "Sur le Passage de Quelques Personnes à Travers une Assez Courte Unité de Temps" (1959). Malheureusement, pendant le montage un différend éclate entre les deux hommes et finalement Debord exclut Korber et l'efface du générique.
Néanmoins, Serge Korber est cette fois passionné par le cinéma et pense bien poursuivre dans cette voie. Le patron de l'Olympia, Jean-Michel Boris lui propose de le seconder et collabore ainsi à plusieurs spectacles dont ceux de Edith Piaf et Joséphine Baker. Il revient au cinéma devant la caméra en acceptant un petit rôle dans "Tire au Flanc 62" (1961) de Claude de Givray et François Truffaut. L'entente est telle que Korber co-signe avec Truffaut et assiste Claude de Givray sur son film "La Grosse Tête" (1962), et refait l'acteur pour Agnès Varda dans "Cléo de 5 à 7" (1962). Korber profite de cet élan, il rencontre Marin Karmitz (futur fondateur de MK2) qui produit son premier court métrage avec "Un Jour à Paris" (1962) avec Jean-Louis Trintignant, puis il rencontre grâce à Truffaut le producteur Pierre Braumberger qui va produire pas moins de 8 courts métrages signés Serge Korber, dont plusieurs succès à l'international et plusieurs primés dont "Ève sans Trêve" (1963) et surtout "Altitude 8625" (1964) Grand Prix au Festival de Cannes.
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Serge Korber a envie de passer au long métrage, il revoit Jean-Louis Trintignant dont le nom lui permet de lancer son projet et réaliser son premier long métrage avec "Le Dix-Septième Ciel" (1965 - ci-dessus). Remarqué pour son travail, le producteur Alain Poiré et le scénariste-dialoguiste Michel Audiard lui propose alors de réaliser "Un Idiot à Paris" (1966 - ci-dessous), une comédie franchouillarde avec un casting de comiques de Jean Lefebvre à Jean Carmet en passant par Bernard Blier, Paul Préboist ou encore Bernadette Lafont. Le film est un joli succès populaire avec une collection de répliques à la Audiard.
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Satisfait de leur collaboration Audiard lui écrit un second film, "La Petite Vertu" (1968 - ci-dessous) avec de nouveau Dany Carrel, cette fois entourée de Jacques Perrin ou Robert Hossein. Après quelques courts métrages réunis dans "Decameron 69" (1969) Serge Korber se voit l'opportunité de travailler avec la plus grande star comique de son époque, Louis De Funès. Suite au succès des comédies musicales "Les Parapluies de Cherbourg" (1964) et "Les Demoiselles de Rochefort" (1967) de Jacques Demy, et soucieux de se renouveler, de Funès voudrait porter à l'écran un scénario du hongrois Geza Von Radvanyi, et après plusieurs recherche de réalisateur la star avec son producteur Alain Poiré se rappelle tout le bien qu'ils ont du film "Un Idiot à Paris". Serge Korber dira en 2001 : "Dans l'esprit de Louis de Funès, l'Homme Orchestre était un projet très gonflé : une comédie musicale avec des mecs de trente ans sur une musique pop d'un petit virtuose aux méthodes révolutionnaires. Par rapport aux Gendarmes, c'était presque de l'avant-garde !" Serge Korber réalise donc "L'Homme Orchestre" (1970) avec Louis de Funès. Le film fait plus de 2,4 millions d'entrée France, un joli score pour une comédie musicale mais décevant quand on connaît les chiffres habituels des films avec De Funès.
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Néanmoins, Serge Korber retrouve De Funès pour "Sur un Arbre Perché" (1971 - ci-dessous), un projet d'abord intitulé "L'Accident" et qui devait se faire avec Yves Montand et Annie Girardot mais De Funès a voulu la faire après avoir lu le script et content de leur première expérience la star a porté le projet. Mais malgré l'ambition affichée, un tournage techniquement audacieux le film ne fait que 1,6 millions d'entrées France soit le plus mauvais score de la filmo de de Funès dans sa partie tête d'affiche depuis le début des années 60.
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Le réalisateur-scénariste signe ensuite un drame avec "Les Feux de la Chandeleur" (1972 - ci-dessous) avec Annie Girardot et Bernard Fresson qui se tomberont amoureux sur le tournage. Le film est bien reçu et est même sélectionné pour le Festival de Cannes 72. Il retrouve le couple juste après pour une comédie cette fois avec "Ursule et Grelu" (1973) qui passe toutefois plus inaperçue.
1975 s'annonce singulière pour le réalisateur. En effet, suite à un repas avec Claude Chabrol et François Truffaut où il est question de la censure, les trois hommes font un pari et Korber se retrouve à devoir réaliser un film pornographique dans le but de bousculer les lignes de la censure ! Il prend le pseudo de John Thomas et réalise ainsi "À Bout de Sexe" (1975). L'expérience n'étant à priori pas désagréable il poursuit en signant "Hard Love", titre alternatif "La Vie Sentimentale de Walter Petit" (1975), "Dans la Chaleur de Julie" (1975) et surtout "L'Essayeuse" (1976 - ci-dessous) qui étonnament va être celui par qui le scandale arrive. Sur ce film pas moins de 45 ligues de vertus se liguent et attaquent en justice le film dans un procès retentissant. Non pas que ce film soit plus choquant que les autres films du genre mais quand la censure apprend qu'il y a des noms célèbres venant du cinéma traditionnel derrière le but est clairement de faire un exemple. Le réalisateur et les acteurs sont condamnés en 1976 à des amendes entre 400 et 10000 francs pour outrage aux bonnes bonnes moeurs, amendes amplifiées en appel en 1977 pour des sommes allant de 3000 à 18000 francs ! Le film est interdit, la copie brûlée et l'état crée le classement X.
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Alors que la mort de Jean Gabin survient au même moment que le jugement Charlie Hebdo titre : "Cinéma français deux morts : Jean Gabin - l'Essayeuse" ! Serge Korber affirmera plus tard : "Je ne regrette rien, c'était très amusant à faire, il n'y avait aucun vice."
Un pari qui coûte cher, mais le cinéaste insiste et retrouve plusieurs de ses acteurs "X" comme Alain Saury, Emmanuelle Parèze ou Sylvia Bourdon et signe encore plusieurs films pornographiques avec "Excès" (1976), "Hurlements de Plaisir" (1976), "L'Odyssée de l'Extase" (1977), "Cailles sur Canapé" (1977) et "Pornotissimo" (1977).
Le réalisateur revient au traditionnel avec une comédie siglée de la troupe comique des Charlots avec "Et Vive la Liberté !" (1977 - ci-dessous) qui reçoit un petit succès public. Il réalise ensuite un drame, "Je vous Ferai aimer la Vie" (1979) avec Marie Dubois et Julien Guiomar sur le sujet nouveau du don d'organe.
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Il enchaîne ensuite avec "Un Jour, un Tueur" (1979) qui ne connaît malheureusement pas de sortie en salles. Il signe après une nouvelle comédie farfelue avec "Cherchez l'Erreur" (1980) où Roland Magdane est un chercheur dont le chien va lui faire comprendre que le nucléaire est dangereux. Il enchaîne aussitôt avec une comédie grivoise (dirons-nous !), "Ta Gueule, je t'Aime !" (1980 - ci-dessous) où le réalisateur retrouve quelques acteurs spécialistes du genre érotique ou X qu'il avait déjà fait tourner. Au générique citons donc Michèle Perello, Pierre Danny, Anne Libert ou encore Brigitte Lahaye.
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Il quitte un temps le grand écran et commence à travailler pour la télévision notamment pour la série TV "Cinéma 16" (1981-1983). Entre temps il co-écrit le film "Canicule" (1984) de Yves Boisset mais poursuit surtout à la télévision entre série TV et téléfilms. Il faut attendre plusieurs années avant que Serge Korber revienne avec la comédie policière "À notre Regrettable Epoux" (1988 - ci-dessous) avec Jacqueline Vaillant, Jacques Dufilho et Alida Valli.
Malgré tout il revient à la télévision, essentiellement pour des téléfilms entre 1991 et 1997. Il signe néanmoins un ultime long métrage de fiction en adaptant "Les Bidochons" (1996 - ci-dessous) avec un casting particulièrement riche avec entre autre Anémone, Jean-François Stévenin, Elie Semoun, Annie Girardot ou encore Jean-Pierre Cassel. Un film qui ne fera pas date...
Après avoir fait l'acteur une troisième et ultime fois depuis le début des années 60 dans "Le Coeur sur la Main" (2001) de Marie-Anne Chazel, Serge Korber quitte le cinéma de fiction et la télévision pour se focaliser sur le documentaire. Il produit et signe donc essentiellement des documentaires dont on peut citer les titres "Gabin Intime, Aristocrate et Paysan" (2006), "Louis de Funès intime" (2007), "Boris Vian, Swing à Saint-Germain des Prés" (2010), "Jean-Louis Trintignant, Pourquoi que je Vis" (2012) et sa dernière oeuvre tout genre confondu avec "Francis Blanche et Pierre Dac" (2014).
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Serge Korber s'est marié en 1962 avec Marie-Claire Korber, qui sera sa chef-monteuse sur tous ses films et avec qui il aura un fils, Thomas Korber qui travaillera surtout avec son père.
Serge Korber aura donc eu une carrière aussi prolifique qu'hétéroclyte. Outre avoir tenter autre chose avec Louis de Funès, il aura aussi tenter d'autres expériences et passer d'un genre à l'autre avec la même gourmandise sans pour autant avoir pu inscrire un titre au Panthéon du Septième Art.
Serge Korber est mort ce dimanche 23 janvier 2022 à l'âge de 85 ans.