Ali & Ava (2022) de Clio Barnard

par Selenie  -  4 Mars 2022, 11:58  -  #Critiques de films

Après le drame déchirant "Dark River" (2017) la réalisatrice Clio Barnard revient avec son total contraire, une comédie rafraichissante et optimiste qui lui a été inspiré par deux personnes rencontrées lors de ses deux premiers films, Moey Hassan un acteur et DJ, logeur sur la ville de Bradford rencontré sur le documentaire "The Arbor" (2010), puis Rio un mère et assistante pédagogique rencontrée lors du tournage de "Le Géant Egoïste" (2013). Le réalisateur-scénariste précise : "Tout a commencé avec les personnages d'Ali et Ava et une question. Que se passerait-il si l'on prenait le genre du mélodrame et qu'on l'appliquait à une version sociale-réaliste de Bradford basée sur de vraies personnes ?" La réalisatrice-scénariste a aussi impliqué Kamal Kaan, consultant scénariste (non crédité) de Bradford, qui a apporté sa connaissance de la ville et qui en pofite pour assurer un rôle secondaire devant la caméra... Ali et Ava n'auraient jamais dû se rencontrer. Tout les oppose, mais Ava, assistante scolaire, croise Ali grâce à Sofia une jeune fille dont elle s'occupe. Ils se revoient et petit à petit un lien se crée autour de la musique comme loisirs mutuel. Leur relation devient une amitié profonde au-delà de leurs différences sociales et culturelles...

Ava est incarnée par Claire Rushbrook révélée dans "Secrets et Mensonges" (1996) de Mike Leigh et vue depuis notamment dans "Guns 1748" (1999) de Jake Scott, "Spider-Man : Far From Home" (2019) de Jon Watts, "Ammonite" (2021) de Francis Lee et qui après "Enola Holmes" (2021) de Harry Bradbeer retrouve son partenaire Adeel Akhtar alias Ali, acteur vu dans des films comme "We Are Four Lions" (2010) de Chris Morris, "Pan" (2015) de Joe Wright, "Confident Royal" (2017) de Stephen Frears ou "Murder Mystery" (2019) de Kyle Newacheck. À leurs côtés citons deux acteurs qui retrouvent la réalisatrice, Natalie Gavin après "The Arbor", Shaun Thomas après "Le Géant Egoïste" vu ensuite dans "Miss Peregrine et les Enfants Particuliers" (2016) de Tim Burton, puis sinon Mona Goodwin aperçue dans "Brighton Rock" (2011) de Rowan Joffe et "Marvellous" (2014) de Julian Farino, et enfin Ellora Torchia aperçue dans "Les Cowboys" (2015) de Thomas Bidegain et "Midsommar" (2019) de Ari Aster... Cette immersion dans les quartiers modestes d'une petite ville sur fond social n'est évidemment pas sans rappeler la tradition du genre très britannique avec les films de Mike Leigh, Stephen Frears et surtout Ken Loach dont Clio Barnard reprend les codes avec une pensée entre autre pour "Just a Kiss" (2004) pour l'histoire d'amour entre deux individus de communautés différentes. Ici l'atout serait en plus la musique, ciment d'une relation compliquée, car on le sait tous la musique adoucit les moeurs. Le film débute comme une amitié homme-femme, déjà un paramètre compliqué car beaucoup ne croit pas à cette possibilité et ce encore moins envisageable quand on est une irlandaise blanche et blonde cinquantenaire et un homme d'origine pakistanaise plus jeune. Ainsi le couple est de communauté diamétralement opposé sans compter la différence d'âge.

On devine que tout ça ne va pas être simple. Puis, forcément ils n'aiment pas la même musique, mais c'est un détail. Leur tolérance les amène à écouter la musique de l'autre, et par la même occasion le spectateur a droit à une B.O. très éclectique plutôt réjouissante à défaut d'être toujours très bon, du rap stupide à la folk classe de Bob Dylan en passant par la country, le tradi hindi ou du bon rock british. Mais comme si tout ça n'était pas suffisant, la réalisatrice-scénariste tombe dans l'écueil du too much, du malheur en cascade, du populo-social à outrance à faire pleure dans les chaumières. Comme si le communautarisme et le racisme n'étaient pas suffisants, voici que toutes les cases se cochent au fur et à mesure, la fille mère, la femme battue, et la fille battue, la séparation taboue au sein d'un couple, la fille bipolaire... etc... TOUT y passe ! La cahier des charges aura été rarement aussi bien suivi, à la lettre à un point si scolaire que ça nous gâche un peu l'ensemble. Jusqu'à ces petites séquences peu réalistes (les petits caillassent mas sans soucis un petit tour de bagnole ?!) mais dont l'optimisme fait du bien au moral. Heureusement il y a aussi cette musique qui donne du peps, et surtout un couple épatant de justesse, en osmose, aux petites étincelles de folies et d'espoir auquel on croit fort. En conclusion, un joli film avec ses instants de grâce et de magie (la première fois, la danse de la chaise à bascule, le regard de Ava...) qui ne pêche que par un manque de spontanéité et de fil conducteur plus ténu. Un bon moment néanmoins à conseiller.

 

Note :                  

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13/20
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