The Power of the Dog (2021) de Jane Campion
Retour après 12 ans d'absence pour un 8ème long métrage dont le premier date de 1989, Jane Campion signe encore une fois la réalisation et l'écriture d'un scénario basé sur les méandres et la complexité des sentiments, des profondeurs de l'être humain et des rapports qu'ils ont avec eux-mêmes et envers d'autres. Power of the Dog est inspiré du roman de Thomas Savage publié en 1967.
1925, dans l'Ouest américain, deux frères diamétralement opposés tiennent un ranch. L'un est gentil et un peu benêt, l'autre est brutal et intelligent. Chacun fait sa vie, dans un univers de non-dits et de méprise sous l'égide d'une relation fraternelle. Quand le gentil frère Georges se marie avec la veuve Rose qui a un fils Peter, de nouvelles relations toxiques se mettent en place toujours sous la domination effrayante du frère brutal.
Dans une ambiance de western fissurée par l'arrivée de la modernité, dans un espace où la masculinité domine, la figure centrale de Phil incarnée par Benedict Cumberbatch impose le froid et la dureté. En parallèle de ce personnage central sombre et torturé se retrouve dans un trio malmené le frère Georges incarné par Jesse Plemons, l'épouse fragile (Rose / Kirsten Dunst) terrorisée par son nouveau beau-frère et le fils (Peter - Kodi Smith MacPhee) de celle-ci qui cherche dans une intelligence cachée sa place tout en voulant protéger sa mère. Une interprétation brillante de chacun d'eux pour mettre en lumière l'équilibre plus que fragile des relations existantes, des sourires qui se brisent et s'abandonnant à l'oubli pour effacer la peur ou encore l'incompréhension. Le ton est donné du drame excellement bien amené dans un décors de huit-clos familial, on reconnaît la patte de la réalisatrice en évoquant les thèmes des sentiments enfouis ou bien les troubles identitaires dans une atmosphère oppressante. Malgré cela, la volonté de faire danser dans différentes formes de relations soit avec Peter, soit avec son frère soit avec Rose, ne fonctionne pas au point de comprendre la brèche de sa carapace ni d'expliquer des questions qui tournent autour de ce personnage. L'émotion est oubliée quasiment à chaque séquence, oubliant le ressenti du spectateur qui reste finalement simple observateur, seules quelques scènes se détachent mais pas assez pour créer assez de matière et nous amener. La réalisation ne permet pas d'avoir toutes les clés de l'homme là où pourtant elle donne avec finesse le cheminement d'une vengeance excessivement bien menée.
Si les personnages principaux tiennent toutes leurs promesses, il n'est rien des personnages secondaires complètement inexploités et n'apportant aucune matière à l'histoire ou à son dénouement, petite faiblesse du scénario qui auraient pu se pencher sur d'autres questions plutôt que d'apporter des séquences oubliables. Une réalisation qui s'est aussi beaucoup attardée sur la présentation des paysages avec une photographie impressionnante qui fait plonger le spectateur dans ces espaces durs et bruts, une lumière qui oscille entre forte lumière et une obscurité étouffante, suivant complètement le déroulé du film ou créant de forts contrastes.
Jane Campion signe une belle odyssée dans les profondeurs du mal-être humain mais qui manque d'aboutissement pour en faire un grand film, l'émotion n'est pas assez au rendez-vous pour faire de Power of the Dog un chef-d'œuvre.
Note :