Freaks Out (2022) de Gabriele Mainetti

par Selenie  -  1 Avril 2022, 05:41  -  #Critiques de films

Remarqué avec son court métrage "Tiger Boy" (2012), le réalisateur italien Gabriele Mainetti montre toute son audace en réinventant le film de super-héros avec l'excellent et singulier "On l'Appelle Jeeg Robot" (2015). Il revient donc avec son second long métrage avec de nouveaux super-héros, cette fois pas un mais plusieurs, un projet comme un défi : "Raconter une aventure, une histoire de passage à l'âge adulte, tout en menant une réflexion sur la diversité, avec pour fond l'une des périodes les plus sombres du XXe siècle. Nous avons abordé la Rome occupée de 1943 avec émotion et respect, mais aussi en recourant à une fantaisie sans limites." Pour ce projet le cinéaste co-signe le scénario avec Nicola Guaglianone qu'il retrouve donc après "On l'Appelle Jeeg Robot". Au départ l'idée était une histoire de monstres, un sujet déjà aborder par Guaglianone en signant l'histoire de soeurs siamoises dans "Indivisibili" (2016) de Edoardo de  Angelis, tandis que Mainetti voulait aborder la Première Guerre Mondiale. Les deux compères ont fini par s'entendre et mixer leurs idées... 1943, sous occupation nazie Rome accueille le cirque dans lequel travaille Matilde, Cencio, Fulvio et Mario qui sont ce qu'on nomme des phénomènes de foire. Dans le même temps, Israel, le propriétaire du cirque et figure paternelle, tente d'organiser leur fuite à tous vers l'Amérique mais Israel Disparaît mystérieusement. Les quatre "freaks" se retrouvent livrés à eux-mêmes dans un monde en guerre et dans un monde où leur différence n'est alors pas considérée comme une force. Ils vont devoir survivre, comprendre er assumer qui ils sont... 

Les quatre phénomènes du cirque sont incarnés par Pietro Castellitto vu entre autre chez son frère avec "Venir au Monde" (2012) de  Sergio Castellitto et dans son propre film "I Predatori" (2020), Giancarlo Martini de retour après "Abbi Fede" (2020) de de Giorgio Pasotti suite à une douzaine d'années sans film, Claudio Santamaria surtout remarqué dans "Romanzo Criminale" (2005) de Michele Placido puis vu depuis dans "Casino Royale" (2006) de Martin Campbell ou "Pauline Detective" (2012) de Marc Fitoussi et qui retrouve son réalisateur de "... Jeeg Robot", puis la demoiselle du quator Aurora Giovinazzo surtout vue à la télévision italienne et récemment dans le film "Anni Da cane" (2021) de Fabio Mollo. Le patron du cirque est interprété par l'expérimenté Giorgio Tirabassi vu dans des films comme "Il Branco" (1994) de Marco Risi, "Le Dîner" (1998) de Ettore Scola ou son propre film "Il Grande Salto" (2019). Citons encore l'acteur allemand Franz Rogowski vu récemment dans "Une Vie Cachée" (2019) de Terrence Malick, "Transit" (2018) et "Ondine" (2020) tous deux de Christian Petzold, puis l'acteur belge Eric Godon vu notamment dans "Bons Baisers de Bruges" (2008) de Martin McDonagh, "La Meute" (2010) de Franck Richard, "Les Ardennes" (2015) de Robin Pront ou "Rebelles" (2019) de Allan Mauduit... Super-héros, guerre, cirque et phénomènes de foire, on peut d'ores et déjà y voir un mix entre les "X-Men" + "Freaks la Monstreuse Parade" (1932) de Tod Browning, et plus récemment on peut sans risque penser à des inspirations venus de chez Alex de La Iglesia et Guillermo Del Toro. Des références qu'on adore et avec son précédent film Gabriele Mainetti séduit déjà forcément. Le réalisateur mêle habilement ses ingrédients (super-héros + 39-45 + monstres de foire) dans un style baroque de toute beauté. Les "monstres de foire" forment un quator touchant qui nous sont présentés sans être trop explicatif (Marvel par exemple aime à désigner du doigt), et surtout on apprécie que leurs super-pouvoirs soient dans des nuances un peu plus originaux et/ou innovants comparés à la pléthore habituelle ; ainsi il y a une "fille électrique", l'"homme insecte", l'homme poilu et l'homme aimant, sans compter Israel qui cache un peu son jeu et sans oublier Frantz, nazi au pouvoir plus "cérébral". Par contre on est plus déçu par d'autres, par exemple la "fille électrique" lors d'une séquence paraît surtout une "fille-torche" ou "fille-bombe", on reste perplexe avec la particularité sous ceinture de l'"homme aimant", on est un peu déçu par un "homme-loup" sous-exploité, tandis que, (beaucoup plus subjectif avouons-le) l'idylle repose sur un couple très mal assorti auquel on ne croit pas.

Les effets spéciaux ne sont pas tous impeccables mais pour une production européenne et donc  avec un budget raisonnable face à Hollywood, on reste dans du haut de gamme à l'exception de quelques passages qui sont, souvent, plus un soucis de choix et/ou d'idée comme (justement !) la scène ultime de la "fille-électrique-bombe". L'intrigue reste basique (un nazi hors norme veut retrouver d'autres "monstres" pour sauver le IIIème Reich), mais les personnages sont bien mieux écrits que des superproductions similaires hollywoodiennes, et notamment sur la question psychologique. Le méchant est en cela presque touchant, il n'est pas montré comme un monstre mais comme une victime embrigadée à l'insu de son plein gré. L'autre idée judicieuse est d'intégrer au récit plusieurs idées différentes autour des "monstres" et donc des différences ouvrant ainsi sur la tolérance (ou non !) sans pour autant s'obliger à insister, par des dialogues par exemple. On pense aux artistes du cirque Frantz, mais surtout aux résistants "estropiés". Mais, même si c'est parfois maladroit, ce qu'on aime surtout est que le réalisateur ose, autant dans l'outrance de quelques détails (le membre de l'homme-aimant", le pistolet-canne de Frantz...) que dans la violence non feinte, directe et logique car inhérente à la guerre. Gabriele Mainetti signe un film multi-genre, baroque et moderne, loufoque parfois, fantastique toujours, mais dont l'audace mérite un détour certain. Un très bon moment cinéma à voir, à revoir et à conseiller.

 

Note :                

15/20
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