Le Monde d'Hier (2022) de Diastème

par Selenie  -  31 Mars 2022, 10:56  -  #Critiques de films

Après sa petite comédie estivale "Juillet Août" (2016) le réalisateur Diastème revient à une thématique beaucoup plus sérieuse sur la montée de l'extrême droite et fait donc écho à son film "Un Français" (2015) dans une variation diamétralement plus politique. Le cinéaste précise : "Le problème n'a malheureusement fait qu'empirer depuis 2015, non seulement en France mais partout dans le monde. C'est évidemment un sujet qui me préoccupe. (...) Dans le même temps, il y a eu Trump, Bolsonaro, la Turquie, la Hongrie, la Pologne, Salvini en Italie. Je ne me voyais pas écrire sur autre chose..." Pour ce projet le cinéaste travaille avec Fabrice Lhomme, scénariste, et surtout reporter au Monde ayant écrit plusieurs enquêtes comme "Sarko m'a Tuer" (2011) ou "Un Président ne devrait pas Dire ça" (2016), la plupart signés avec son collègue Gérard Davet qui collabore également au scénario, ainsi que Christophe Honoré, réalisateur de films comme "La Belle personne" (2008) ou "Chambre 212" (2019), qui a déjà écrit pour Diastème avec le téléfilm "Tout Contre Léo" (2002) et le long métrage "Le Bruit des Gens Autour" (2008)... Elizabeth de Raincy est Présidente de la République et a choisi de ne pas se représenter. Mais à trois jours du premier tour de l'élection présidentielle elle apprend que son successeur désigné va être victime d'un scandale provenant apparemment de l'étranger et qui risque fort de faire gagner le candidat de l'extrême droite. Avec son Secrétaire Général elle va devoir prendre des décisions pour tenter de changer les choses in extremis...

La Présidente est incarnée par Léa Drucker qu'on est très heureux de voir enfin à un statut digne de son talent depuis sa performance dans le déchirant "Jusqu'à la Garde" (2017) de Xavier Legrand, et vue depuis notamment dans "Chère Léa" (2021) de Jérôme Bonnell, "Adieu paris" (2022) de et avec Edouard Baer et "Petite Solange" (2022) de Axelle Ropert. Son secrétaire général est joué par Denis Podalydès également e salle simultanément dans "En Corps" (2022) de Cédric Klapisch, et qui retrouve les coulisses présidentielles après avoir été lui-même président dans "La Conquête" (2011) de Xavier Durringer et coach de présidents dans le très sous-estimé "Présidents" (2021) de Anne Fontaine. Dans leur entourage citons Benjamin Biolay qui était dans "Chambre 212",vu récemment dans "Madame Claude" (2021) de Sylvie Verheyde et "France" (2021) de Bruno Dumont, Jacques Weber plutôt rare au ciné avec "Mort à Sarajevo" (2016) de Danis Tanovic et "Andy" (2019) de Julien Weill, Emma De Caunes qui retrouve Christophe Honoré après "Ma Mère" (2004) et qui retrouve Diastème après "Le Bruit des gens Autour", elle a un lien amusant avec son partenaire Alban Lenoir puisque celui-ci a débuté dans "Monsieur N" (2003) de Antoine De Caunes, avant de retrouver aussi Diastème après "Un Français", vu également récemment dans "Selon la Police" (2022) de Frédéric Videau, Alban Lenoir retrouve aussi après la série TV "Engrenage" (2006) l'acteur Thierry Godard, acteur emblématique de cette série (2005-2020) et qui retrouve aussi le réalisateur après "juillet Août". Puis enfin citons Jeanne Rosa et Frédéric Andrau acteurs fétiches de Diastème... Donc Diastème veut surtout dénoncer la montée de l'extrême droite, ni plus ni moins, une sorte de sacerdoce mais qui s'avère en fait très secondaire. En effet, si l'adversaire était d'un autre parti le scénario serait le même soit un thriller politique qui passionne de fait par l'attrait des coulisses du pouvoir. On pense parfois à l'excellent "L'Exercice de l'Etat" (2011) de Pierre Schoeller, à la différence près que Diastème appuie le côté pessimiste, le climax de fin du monde, la dimension thriller psychologique jusqu'à parfois frôler la caricature. Car finalement, on se moque que l'adversaire soit d'extrême droite, ça ne change en rien une intrigue qui reste très bien écrite et construite, et qui devient très prenante.

Les décors sont des couloirs et bureaux solennels et froids que le réalisateur explique : "Le palais est un lieu de solitude. Elizabeth n'a pas de conjoint. C'est aussi un château hanté et il y a sans doute quelque chose de cet ordre-là dans le vrai palais de l'Elysée... La Belle et la Bête est cité dans le film, j'avais en tête des images de Cocteau ou Man Ray. Le palais est un théâtre. Un décor qui écrase les personnages, un lieu d'où toute spontanéité est bannie, où les regards sont partout, où l'Histoire vous en impose." Sur ces points Diastème a fait des choix plutôt judicieux, exposant là la théâtralité des lieux, comme on peut le dire d'une salle de tribunal. Si on reste sur l'intrigue et la ligne directrice principale, le film est solide, dense et fascinant où les rapports humains sont aussi venimeux qu'émouvants. Trahison, confiance, secret, promesse, il en est question à chaque rencontre mais c'est toujours sous le sceau du doute ou de la suspision que ce soit pour les protagonistes ou pour nous. Malheureusement, Diastème ajoute des passages qui nous sortent du récit, des scènes inutiles ou superflues mais qui sont aussi souvent très maladroites comme, pour les pires, la scène du PC Jupiter avec de surcroît le "coup" pour bien insister sur la pseudo-humiliation ou la Présidente qui affirme sans sourciller que la fiche S est défini par le Code Civil (?!). Niveau acting, Léa Drucker est parfaite et bien entourée à l'exception d'un Benjamin Biolay toujours aussi inerte et je-m'en-foutiste. Sur la forme on peut rester hermétique à une mise en scène aussi froide et clinique, mais qui démontre aussi un choix qui mêle théâtre des lieux et poids des enjeux. Sur le fond et pour en revenir à la dénonciation de l'extrême droite, on peut rester très perplexe sur la morale et/ou le propos tenu par Diastème, à savoir qu'il va vers un objectif aussi réactionnaire et fou que ce qu'il veut dénoncer. Diastème se tire presque une balle dans le pied. En conclusion, Diastème signe un thriller psycho-politique audacieux, qui pêche par un côté réac du cinéaste symptomatique des maladresses qui parsèment le film, mais qui reste assez fascinant dans le style et les partis pris. A voir.

 

Note :                

12/20
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