Selon la Police (2022) de Frédéric Videau

par Selenie  -  24 Février 2022, 10:12  -  #Critiques de films

3ème long métrage après "Variété Française" (2003) et au remarqué "À Moi Seule" (2012), et cette fois le réalisateur-scénariste s'attaque à un monde souvent abordé en large et en travers mais rarement traité sur le fond : la Police Nationale (voir ICI les peu de films réalistes sur le sujet), et surtout le flic de terrain, le flic de base si absent du cinéma, si méprisé comparé aux services spécialisés souvent mis en avant comme la BAC ou les Stups. Le cinéaste précise : "J'ai lu et annoté méthodiquement, et j'ai vu et revu des documentaires ou des fictions, français ou étrangers, sans oublier les reportages en immersion dont nous abreuvent les chaînes de la TNT. Et surtout, je suis allé au contact de flics dans la rue, au hasard, des flics en patrouille ou entrant et sortant des commissariats. J'ai tenté d'établir le contact sans rien leur dissimuler de mon projet. J'ai parfois été mal reçu (les jeunes flics étaient les plus méfiants), mais tous ou presque finissaient par me parler. Ils en avaient envie. Ensuite, je me suis posé et j'ai noté ce qu'ils avaient lâché. Certaines répliques du film en sont la transcription au mot près. Ce sont ces flics-là qui m'intéressaisent, celles et ceux qui battent le pavé, qui sont là pour patrouiller, pour venir en aide aux gens ; celles et ceux qui forment la police de voie publique, la VP, comme ils disent, qu'on désignait autrefois par cette expression : Police Secours, ou 17." Frédéric Videau réalise et écrit son scénario en solo... À Toulouse, un matin, un flic de terrain expérimenté mais usé surnommé Ping-Pong par ses collègues, brûle sa carte de réquisition et disparaît sans prévenir. Ses collègues partent à sa recherche, le croisent puis le reperdent, mais chaque heure qui passe est une appréhension et une angoisse de plus... 

Ping-Pong est incarné par Patrick d'Assumçao dans un de ses rares rôles principaux, mais un acteur bien connu et reconnaissable vu notamment chez Philippe Le Guay avec "Floride" (2015), "Normandie Nue" (2018) et "L'Homme de la Cave" (2021). Les collègues sont interprétés par Sofia Lesaffre remarquée dans "Seuls" (2017) de David Moreau et "La Terre et le Sang" (2020) de Julien Leclercq, Simon Abkarian vu entre autre dans "Aram" (2002) de Robert Kechichian, "Les Sept Jours" (2008) de et avec Ronit Elkabetz ou "Edmond" (2019) de Alexis Michalik, Corentin Fila remarqué dans "Quand on a 17 ans" (2016) de André Téchiné et "Volontaires" (2018) de Hélène Fillières, Alban Lenoir vu dans "Antigang" (2015) de Benjamin Rocher, "Un Français" (2015) de Diastème et "Kaamelott : Premier Volet" (2021) de et avec Alexandre Astier, Emile Berling fils de CHarles révélé dans "Les Hauts Murs" (2008) de Christian Faure et vu ensuite dans "Comme un Homme" (2012) de Safy Nebbou et "Un Sac de Billes" (2017) de Christian Duguay, Agathe Bonitzer fille de Pascal qui retrouve le réalisateur après "A Moi Seule", Luana Bajrami vue dans "L'Heure de la Sortie" (2018) de Sébastien Marnier, "Portrait d'une Jeune Fille en Feu" (2019) de Céline Sciamma et "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan, Leatitia Casta vue dans "L'Incroyable Histoire du Facteur Cheval" (2018) de Nils Tavernier et "Lui" (2021) de et avec Guillaume Canet, Eric Collado vu dans "Brice de Nice" (2005) de James Huth et "La French" (2014) de Cedric Jimenez, et enfin le regretté Jean-François Stévenin dans un de ses ultimes films posthumes avec "Tendre et Saignant" (2021) de Christopher Thompson, "Illusions Perdues" (2021) de Xavier Giannoli et "Adieu Paris" (2022) de Edouard Baer... Le film débute dans l'austérité de locaux de police, avec un climax aussi froid que malaisant qui impose d'emblée une sorte d'atmosphère dépressive à l'image du mal-être policier comme le prouve malheureusement la proportion record de suicides dans le milieu des Bleus. Mais le film va s'engoncer dans un mi-figue mi-raisin constant qui va empêcher le film d'être juste et pertinent de bout en bout. D'abord le choix du chapitrage tombe dans l'écueil du films à sketchs, à savoir qu'il y a forcément des parties mieux réussies que d'autres et ce qui va être symptomatiques parfois de cette propension à la caricature. Ainsi on reste perplexe sur la "problématique" omniprésente des seins (?!) de policières, cette absence totale d'empathie des gens (heureusement il existe une partie de la population qui aime et respecte la Police !) dans ce film, ou, le pire, cette description très "hiérarchisée" des flics de terrain (donc on ne pense pas aux officiers) qui est érronée ou du moins très clichée.

Par là même le passage à tabac gratuit est d'un autre temps, surtout dans la façon qu'il est mis en place (peu discret hors de locaux non ?! Et pour un poignet un peu rouge ?!), et la scène la plus stupide est celle où les trois policiers sortent leurs armes dans une cage d'escalier : pourquoi ?!?! Si un flic devait sortir son arme pour si peu il la sortirait tous les jours ! On sent que le réalisateur a voulu être réaliste et pertinent, mais on sent aussi qu'il ne connaît pas franchement les flics de terrain, discuter avec quelques uns à la volée ne fait pas une recherche aboutie et constructive suffisante, on a donc l'impression qu'il a recoupé des bribes entre eux pour tenter de construire un récit. Résultat on passe du parfait et du naturalisme docu-fiction à des séquences plus proches du fantasmes ou des poncifs colportés par les anti-flics qui profitent largement du fait qu'ils ne peuvent se défendre (droit de réserve oblige). On pense à ce père (lui-même caricature anti-flics) de flic qui ne fait même pas la part des choses entre un flic de fils, les policiers en général, et les milliers de missions différentes. Et pourtant le mal-être est palpable, bien retranscrit, grâce notamment et surtout à des acteurs investit qui semblent comprendre un métier hors norme. L'émotion nous assaille à plusieurs instants (même si par contre certains spectateurs trop en retrait du monde policier ne pourront comprendre certains détails). D'autres passages sont même hors sujet voir même incompréhensifs comme cette policière qui arrive à l'improviste chez un collègue qu'elle ne connait pas vraiment pour on ne sait quel instant charnel ?! On aurait aimé une photographie par contre plus travaillée, pourtant Céline Bozon, directrice Photo a précisé : "des tons froids à l'intérieur du commissariat dans ce refuge où rien ne peut arriver aux flics barricadés, et des tons chauds au dehors. Là aussi, trois impératifs m'habitent : suspension, tension, élan." Mais cette distinction n'est pas franchement probante et, on y revient, "rien ne peut arriver aux flics barricadés" démontre une fois de plus cette méconnaissance du système. Néanmoins, on salue la démarche, et si trop de clichés sont encore trop présents, on apprécie un propos de fond pertinent et plein d'acuité, et surtout une émotion qui touche au coeur et au corps et c'est déjà beaucoup tant le flic de terrain est un fantôme du cinéma. Malgré ses maladresses, il y a une sincérité qui sauve le film et est donc à conseiller.

 

Note :      

 

13/20
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