En Corps (2022) de Cédric Klapisch
14ème long métrage pour Klapisch depuis "Riens du Tout" (1992) et après "Deux Mois" (2019) et cette fois il revient avec un hymne à la danse car on ne le sait pas obligatoirement mais le réalisateur est un passionné de danse depuis toujours jusqu'à signer le documentaire télé "Aurélie Dupont, l'Espace d'un Instant" (2010) sur la célèbre danseuse étoile du ballet de l'Opéra national de Paris. Le cinéaste se rend souvent à l'Opéra donc où il effectue des captations, puis rencontre le danseur et chorégraphe israélien Hofesh Shechter avec qui il se lie. L'envie de faire un film se profile, d'abord en envisageant Aurélie Dupont dans le rôle principal mais les années s'écoulent et finalement il faut attendre 2020 où Klapisch réunit lors du confinement plusieurs images prises par les danseurs de l'opéra eux-mêmes ce qui va donner le court de 4mn "Dire Merci" qui va faire son buzz ("le film devient viral et fait le tour du monde") à tel point que le producteur Bruno Lévy pousse Klapisch à aller au bout du projet de long métrage. Klapisch co-écrit le scénario avec Santiago Amigorena fidèle collaborateur avec 5 films précédents ensemble : "Le Péril Jeune" (1994), "Peut-Être" (1999), "Ni Pour Ni Contre (Bien au Contraire)" (2002), "Ce qui nous Lie" (2017) et "Deux Moi" (2019)... Elise est un grande danseuse classique mais elle se blesse et, à 26 ans, apprend qu'elle ne peut plus continuer. Changement de vie obligatoire, remise en question, elle va pourtant se reconstruire en explorant d'autres facettes de la danse et se rapprochant d'une petite compagnie de danse contemporaine...
Les deux rôles principaux sont tenus par des acteurs débutants, mais danseurs de l'Opéra avec pour la première fois sur grand écran la danseuse étoile Marion Barbeau, aux côtés de Hofesh Shechter, mais aussi dans des rôles plus petits le danseur étoile Germain Louvet, la danseuse Muriel Zusperreguy, ainsi que Alexia Giordano qui a déjà une expérience cinéma avec des apparitions entre autre dans les films "Cézanne et Moi" (2016) de Danièle Thompson, "Let's Dance" (2019) de Ladislas Chollat ou "Curiosa" (2019) de Lou Jeunet, puis Damien Chapelle danseur mais acteur aussi vu dans "Planetarium" (2016) de Rebecca Zlotowski et "Espèces Menacées" (2017) de Gilles Bourdos. À leurs côtés des acteurs pros et confirmés avec Denis Podalydès en salles simultanément dans "Le Monde d'Hier" (2022) de Diastème, Muriel Robin pas vue au cinéma depuis "Les Malheurs de Sophie" (2016) de Christophe Honoré, Pio Marmaï en salles actuellement avec "Enquête sur un Scandale d'Etat" (2022) de Thierry De Peretti, François Civil vu récemment dans l'excellent "BAC Nord" (2021) de Cédric Jimenez et qui retrouve Klapisch après "Ce qui nous Lie" et "Deux Moi", à l'instar d'ailleurs de Zinedine Soualem acteur fétiche du réalisateur depuis toujours et donc de tous ses films, Souheila Yacoub vue dernièrement dans "Climax" (2018) de Gaspard Noé et "Le Sel des Larmes" (2020) de Philippe Garrel, Marilou Aussilloux vue dans "De Gaulle" (2020) de Gabriel Le Bomin et "Adieu les Cons" (2020) de et avec Albert Dupontel, Mathilde Warnier vue dans "Eternité" (2016) de Tran Anh Hung et "Curiosa" retrouvant donc Alexia Giordano, Stephane Debac vu entre autre dans "Le Serpent aux Mille Coupures" (2017) de Eric Valette et "Voir le Jour" (2020) de Marion Laine, puis pour finir n'oublions pas Cédric Klapisch lui-même en caméo régisseur de ballet... Pas de danse sans musique, et c'est aussi Hofesh Shechter qui compose la B.O.... à 80% car ce dernier souhaitait travaillé en collaboration et c'est ainsi que Thomas Bangalter, ami de Klapisch, et surtout membre des mythiques Daft Punk qui a accepté une participation amicale à 20% dixit le réalisateur lui-même. Danse, musique, et pour que l'immersion dans cet univers artistique soit totale le film débute par un long prologue de 15mn (presque) sans dialogues, entièrement dévolu à la danse, expliqué par le réalisateur : "en reprenant les techniques du cinéma muet et en faisant confiance à la danse et au "langage du corps". Comment faire rentrer les spectateurs dans le récit sans passer par le verbe ? C'était un défi passionnant à relever."
Cette introduction judicieuse et assez magique est une idée géniale, qui aurait par contre pu faire écho à un final du même type afin de créer une boucle presque onirique. Ce qui frappe est d'abord le rythme, assez soutenu, régulier, comme une danse au son de la musique l'histoire avance à pas cadencés. Après son accident Elise avance, un peu à l'aveugle d'abord, puis réapprend à bouger son corps, à se mouvoir d'une autre façon. On est séduit par ce passage du classique au contemporain symbolisé par Elise/Barbeau parsemé de quelques séquences pleine de grâce comme la danse improvisée en trio. D'ailleurs Marion Barbeau est une superbe révélation, bien soutenue par un casting judicieux mêlant danseurs (pas tous très bons acteurs soit dit en passant) et acteurs expérimentés dont un Pio Marmaï parfait et, une fois n'est pas coutume, Murielle Robin qui n'aura jamais été aussi inspirée. Il est dommage par contre que le cinéaste s'attarde sur du banal avec une idylle et surtout sur un soucis de relation avec le père (comme de par hasard) ; mine de rien le film aurait pu être écourté de 15mn. L'émotion nous touche par des biais différents (danse forcément, blessure, famille, couple atypique,...) sans omettre quelques passages humour plutôt réussis comme les toilettes en cours de danse ou le couple de cuistot. Néanmoins, l'amour de la danse est idéalement mis en image, l'amour des corps qui se meuvent, le tempo ambiant forment une histoire inspirée et inspirante. En effet Klapisch n'a pas été aussi bien inspiré depuis très longtemps... Un très bon moment.
Note :