Enquête sur un Scandale d'Etat (2022) de Thierry De Peretti
Film adapté du livre "L'Infiltré : de la Traque du Chapo Guzman au scandale français des stups" (2017) de Emmanuel Fansten et de Hubert Avoine. Il s'agit du scandale dite de l'affaire François Thierry (En savoir plus ICI ! et aussi pour une aperçu bref ICI !). D'abord acteur aperçu entre autre dans "De la Guerre" (2008) et "Saint Laurent" (2014) tous deux de Bertrand Bonello, Thierry De Peretti a bien eu du mal à s'imaginer porter à l'écran cette histoire vraie après ses deux premiers films en tant que réalisateur, "Les Apaches" (2013) et "Une Vie Violente" (2017), bien éloignés de ce genre politico-policier. Le cinéaste explique : "Le livre retrace le parcours d"Huvert Avoine, du syndicalisme aux cartels mexicains en passant par l'Office français des tups. Il raconte ce à quoi il dit avoir participé et qu'il pense être une dangereuse dérive de la lutte contre le trafic de drogue en France. Le livre m'a captivé, mais je ne me voyais pas travailler sur cette adaptation, trop éloignée de moi, et de mon territoire premier de cinéma qui est la Corse. Mais au moment de rencontrer Hubert Avoine et Emmanuel Fansten, ce que j'ai pu voir de leurs rapports m'a tout de suite plu et intrigué. Je me suis dit qu'il y avait là de quoi faire un film et raconter la relation inédite entre un journaliste et sa source, leur obsession commune pour cette enquête, l'extrême théâtralité de leur dialogue. C'était évident qu'ils disaient quelque chose du monde et de cette époque qui s'achève." Le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec Jeanne Aptekman à qui on doit le scénario de "Frères Ennemis" (2018) de David Oelhoffen. Outre le livre, les deux scénaristes ont eu recours à une forte documentation dont des auditions, interviews, procès-verbaux... etc... Octobre 2015, les douanes françaises saisissent un camion transportant 7 tonnes de cannabis en plein Paris. Le jour même, un ancien infiltré de la brigade des Stups contacte Stephane Vilner un journaliste de Libération à qui il prétend pouvoir prouver qu'un trafic d'état de stupéfiants est organisé pat Jacques Billard, patron de l'OCTRIS, l'office des Stups. D'abord méfiant, le journaliste finit par plonger à fond dans l'enquête...
L'infiltré est incarné par Roschdy Zem vu récemment dans "La Fille au Bracelet" (2020) de Stephane Demoustier et "Madame Claude" (2021) de Sylvie Verheyde, et qui retrouve un rôle d'infiltré chez les stups après "Go Fast" (2008) de Olivier Van Hoofstadt. Le journaliste est interprété par Pio Marmaï vu récemment dans "La Fracture" (2021) de Catherine Corsini et "L'Evénement" (2021) de Audrey Diwan, tandis que le patron des Stups est incarné par Vincent Lindon vu récemment dans "Mon Cousin" (2020) de Jan Kounen et "Titane" (2021) de Julia Ducournau. Zem et Lindon se retrouvent donc pour la 5ème fois après "Fred" (1997) et "Ma Petite Entreprise" (1999), "Filles Uniques" (2002) tous de Pierre Jolivet, sans compter le partage à l'affiche dans "Les Clefs de Bagnole" (2003) de et avec Laurent Baffie. Autour de ces trois personnages principaux citons Valeria Bruni-Tedeschi qui retrouve Pio Marmaï juste après "La Fracture" vue aussi dernièrement dans le charmant "Les Amours d'Anaïs" (2021) de Charline Bourgeois-Tacquet, Maryline Canto vue dans "Albatros" (2021) de Xavier Beauvois et "Presque" (2022) de Bertrand Campan et Alexandre Jollien, Alexis Manenti révélation de "Les Misérables" (2019) de Ladj Ly, Julie Moulier vue dans "Comme des Garçons" (2018) de Julien Hallard et "Nos Vies Formidables" (2018) de Fabienne Godet, Mylène Jampanoï vue récemment dans "Made in China" (2019) de Julien Abraham et "Madame Claude" après lequel elle retrouve Roschdy Zem, puis enfin Lucie Gallo vue récemment dans "Une Jeune Fille qui va Bien" (2022) de Sandrine Kiberlain, ex-conjointe de Vincent Lindon pour l'anecdote. Précisons aussi que Thierry De Peretti retrouve plusieurs de ses partenaires avec qui il a été acteur, par exemple Valeria Bruni-Redeschi au théâtre et Roschdy Zem après "Ceux qui m'aiment Prendront le Train" (1998) de Patrice Chéreau... Le film débute avec deux encarts qui précise qu'il s'agit d'une adaptation très libre du livre, et donc qu'il ne s'agit pas d'une histoire vraie mais d'une fiction (?!). Nous sommes plus habitués des productions qui surfent justement sur la véracité de leur histoire, mais alors on s'étonne que certains noms soient si semblables, que les grandes ligne soient si fidèles aux événements, que jamais le film n'ose le film de genre, et surtout ce début de film est pourtant contredit par la fin qui se termine sur un monologue qui inscrit forcément le film dans l'"histoire vraie" que le film relate, romancée certe mais de façon très réaliste et malheureusement pas franchement assumée. Thierry De Peretti manque cruellement d'audace et de courage, à contrario de ses personnages. La suite le prouve car le fond du scandale n'est jamais franchement traîté, on reste en surface, on interroge sans vergogne mais sans esquisser la moindre thèse. La dernière demi-heure est en cela parfaitement parlant...
ATTENTION SPOILER !... à savoir que le film évite soigneusement d'appuyer sur la véracité ou non des faits ; ainsi les journalistes s'excusent presque auprès du patron des stups qu'ils avaient pourtant accusé, ce même patron de l'office des Stups a quitté son poste sans franchement préciser de quelle manière et/ou pourquoi, tandis que la conclusion est à l'image du récit, du blabla peu constructif ou du moins hors sujet vis à vis du scandale, on oublie et on passe à autre chose... FIN SPOILER !... Le scénario est passionnant dans sa première heure, on sent un parti pris très thriller politique qui prend forme mais très vite on sent que ça tourne en rond avant de s'éparpiller sur plusieurs sujets et tthématiques, et si on accepte sur les ramifications diverses et variées ça retire obligatoirement de le densité sur le scandale premier (le trafic par l'office stups couvert par l'état) pour partir un peu dans tous les sens mais façon effet d'annonce sans réelle construction. Le réalisateur a confié sur son film : "A quoi ressemble la lutte contre le trafic de drogue aujourd’hui ? Quels en sont les acteurs et les outils, les stratégies et les doctrines ? Quelles sont les modalités de la consommation ? Qu’est-ce que cela implique d’un point de vue politique, économique et philosophique ? C’est allégorique. (...) La toile de fond du film, c’est le trafic, mais, bien sûr, il est question du capitalisme et de la société du spectacle. La drogue, c’est le produit capitaliste ultime. Peut-on endiguer son trafic ou est-on réduit à ne faire que du renseignement ? La guerre contre la drogue est-elle une guerre perdue ? Le film pose aussi ces questions." Oui et non. Oui le film fait réfléchir, oui on ne sait pas trop sur quel pied danser, oui cela le trafic de stups reste une question épineuse, mais non le film n'aborde en rien les stratégies et les doctrines (juste celles du patron de l'office), non les modalités de consommation de sont jamais évoquées... etc... Par contre la fiction fonctionne plutôt bien au début et on note des dialogues souvent passionnants, mais une telle fiction manque d'action, puis de tension, car jamais on ne sent une vraie menace ou un vrai danger que ce soit pour le journaliste ou son indic malgré des acteurs investis et inspirés. Si on excepte cette histoire vraie plus ou moins assumée, cette fiction manque donc de toute façon de 2-3 ingrédients nécessaires à un minimum de suspense ou d'angoisse. Thierry De Peretti signe donc un polar politico-journalistique qui manque de corps et de prise de position aussi bien sur le fond que sur la forme. Une déception.
Note :