The Housewife (2022) de Yukiko Mishima
9ème film depuis 2009 de Yukiko Mishima, une des rares réalisatrices japonaises à une si haute renommée malgré que ses films comme "Bread of Happiness" (2012), "A Stitch of Life" (2015) ou "The Antique" (2018) sont restés confidentiels chez nous voir sont encore inédits. La réalisatrice précise avoir eu envie de cette histoire par trois raisons : "trois motifs m'y ont poussé. Le premier est que j'ai perdu mon père et que la maison dans laquelle j'ai grandi a disparu : fatalement, mon point de départ allait être la famille et ses douleurs. Deuxièmement, j'ai senti qu'il était temps pour la société japonaise actuelle d'envisager différentes formes de connexion, au-delà des connexions sanguines. Troisièmement, je voulais réaliser un film sur la découverte de soi qui s'opère dans le choc des altérités, que ce soit par la rencontre ou le conflit." C'est ainsi que la réalisatrice-scénariste a porté son dévolu sur le roman "Red" (2014) de Rio Shimamoto, mais aussi en s'inspirant fortement de la pièce "La Maison de Poupée" (1879) de Henrik Ibsen. La cinéaste précise que son sujet repose sur une expression connue au Japon : "Le sang est plus épais que l'eau", où comment les liens du sang et la prédominance du mariage sont devenus une problématique sociétale. Yukiko Mishima co-signe le scénario avec Ikeda Chihiro qui a notamment signé le film "Creepy" (2017) de Kiyoshi Kurosawa...
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Toko est une femme au foyer, épouse fidèle et soumise comme le veut la tradition, avec un mariage comme il se doit devant les conventions. Mais un jour elle croise un ancien amant de la fac. Cette rencontre va la bouleverser mine de rien. Elle voit renaître un désir, le désir, les désirs, jusqu'à celui de vouloir travailler, de reprendre là où elle avait laisser sa passion pour l'architecture. Mais changer de vie est-ce encore possible ?!... Cette femme qui veut s'émanciper enfin est incarnée par l'actrice Kaho vue entre autre dans "Notre Petite Soeur" (2015) de Hirokazu Kore-Eda, "Confession of Murder" (2017) de Yu Irie ou "Invasion" (2017) de Kiyoshi Kurosawa. Autour d'elle gravitent Kazuyuki Asano surtout vu dans des séries TV inconnues chez nous, Tasuku Emoto vu dans "Air Doll" (2009) de Hirokazu Kore-Eda et "Gonin Saka" (2015) de Takashi Ishii, Shotaro Mamiya vu récemment dans "Tokyo Revengers" (2021) de Tsutomu Hanabusa, Reiko Kataoka vu dans "Petite Fièvre des Vingt Ans" (1993) de Ryosuke Hashiguchi, "Deux Voyous" (1996) de Shinji Aoyama ou plus récemment "Liverleaf" (2018) de Eisuke Naito, Yoshi Sako vue dans "La Forêt Oubliée" (2005) de Kôhei Oguri et "Inubu" (2021) de Tetsuo Shinohara, Satoshi Tsumabuki acteur prolifique vu dans "Villain" (2010) et "Rage" (2016) tous deux de Lee Sang-il, "Tokyo Kazoku" (2013) et "La Maison au Toit Rouge" (2014) tous deux de Yoji Yamada ainsi qu'un film occidental avec la récent "It Comes at Night" (2018) de Trey Edwards Shults, et enfin Kimiko Yo vue dans "Suicide Club" (2001) de Sion Sono, "Departures" (2008) de Yojiro Takita, "Ace Attorney" (2013) et "Wara No tate" (2013) tous deux de Takashi Miike et qui retrouve Tasuku Emoto après "Air Doll"... Comme souvent, à l'instar du cinéma bollywoodien indien, le cinéma japonais est empreint d'une culture forte et omniprésente et il faut savoir occulter nos automatismes culturels occidentaux pour pouvoir comprendre et savourer toutes les nuances et subtilités des us et coutumes nippons. Ainsi, le Japon est un des pays les plus intéressants aujourd'hui, tant il reste un pays partagé entre traditions et modernité et notamment dans ce patriarcat encore très présent.
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Si l'émancipation des femmes est plutôt en très bonne voie dans la plupart des pays occidentaux, au Japon il faut être du bon côté social. Le film démontre d'ailleurs bien ce décalage, Toko/Kaho est une épouse soumise et dévouée au sein de la famille de son époux qu'on voit bourgeoise et traditionnaliste, alors qu'elle savoure ensuite une certaine liberté au travail où la société et ses employés sont déjà dans un mode de vie plus occidentalisé. L'autre belle idée est d'avoir justement choisi l'architecture comme domaine de prédilection pour Toko, car effectivement "c'est à la fois construire des bases solides, extrêmement rationnelles, tout en étant créatif." Cette jeune femme qui éprouve à nouveau l'envie de travailler, l'envie de suivre ses désirs, l'envie simple de profiter à nouveau d'une vraie liberté est donc engoncée dans une soumission à son époux suivant les convenances de sa communauté. Il n'est jamais aisé de briser les conventions d'autant plus quand il y a un enfant. L'autre point intéressant du film est de ne pas être tombé dans l'écueil d'un époux obtus, bien au contraire, il accepte finalement qu'elle retravaille, il est plutôt compréhensif même si c'est dur d'être "tolérant". A contrario, l'amant est peu intéressant, trop mutique, inexpressif on ne sent jamais d'étincelle avec Toko ce qui est gênant au vu de l'évolution des relations. L'autre déception vient de la mise en scène, trop académique, trop ennuyeuse elle n'offre ni passion ni rythme. Sur d'autres points on se demande pourquoi utiliser la caméra à l'épaule tremblante pour un personnage qui marche lentement ?! Par contre, on savoure une photogtaphie soignée, des plans sublimes esthétiquement travaillés. La réalisatrice signe un triangle conjugal intéressant, une émancipation féminine qui se fait dans une douleur logique mais qui manque de passion et de chair. Trop ennuyeux pour attiser les émotions. Dommage.
Note :