Compartiment n°6 (2021) de Juho Kuosmanen

par Selenie  -  5 Mai 2022, 14:44  -  #Critiques de films

Second long métrage du réalisateur finlandais après "Olli Mäki" (2016) remarqué à l'époque au Festival de Cannes 2016 où il remporte le Prix Un Certain Regard. Pour ce nouveau projet, il adapte le roman éponyme (2011) de sa compatriote Rosa Liksom. Le cinéaste savait d'emblée que cette adaptation s'avérait complexe, et si il voulait au départ rester fidèle au livre le réalisateur-scénariste choisit une adaptation libre comme il l'explique : "Nous nous sommes encore éloignés du texte. Nous avons changé l'itinéraire, la décennie, et par conséquent, le pays est passé de l'Union Soviétique à la Russie, nous avons changé l'âge du personnage masculin et nous avons même changé son nom de Vadim à Ljoha. (Ljoha est le nom d'un fou que nous avons rencontré dans le train pendant les repérages. Cela semblait donc approprié !)". Le réalisateur-scénariste co-signe le scénario avec le duo Andris Feldmanis et Livia Ulman auxquels on doit le film "Teesklejad" (2016) de Vallo Toomla...

Laura, une jeune finlandaise expatrié à Moscou part en voyage sans son amie qui a dû annulé. Elle part donc seule car étant archéologue elle veut absolument voir les pétroglyphes de Mourmansk en Russie. Elle se retrouve dans un compartiment en compagnie d'un homme russe aux manières rustres. Tous les opposent mais petit à petit ils vont s'apprécier et continuer le voyage ensemble... La plupart du casting est composé d'acteur russe, ceci s'expliquant logiquement par la fait que l'histoire se déroule en Russie à l'exception tout au ssi logique de la finlandaise est incarnée par Seidi Haarla surtout vue à la télévision finlandaise comme la série TV "Myrskyn Jälkeen" (2017), puis le film collectif "Tottumiskysymys" (2019). Son compagnon de voyage est incarné par l'acteur russe remarqué dans "Elena" (2011) de Andreï Zviaguintsev et vu dans "Invasion" (2019) de Fiodor Bondartchouk et "Kalashnikov" (2020) de Konstantin Bouslov. L'amie de Laura est interprétée par Dinara Droukarova vue dans "Depuis qu'Otar est parti..." (2003) de Julie Bertulecci et vu souvent en France comme dans "Gainsbourg (Vie Héroïque)" (2010) de Joann Sfar, "Amour" (2012) de Michael Haneke ou "Trois Souvenirs de ma Jeunesse" (2015) de Arnaud Deplechin, Youlia Aoug vue dans "Le Disciple" (2016) et "Leto" (2018) tous deux de Kirill Serebrennikov, puis enfin citons Galina Petrova vue dans "Les Aventures d'Ivan Tchonkine" (1994) de Jiri Menzel et "Le Retour" (2003) de Andreï Zviaguintsev... On constate un grain d'image appuyé, des tons ternes qui nous immergent ainsi dans les années 80, car on est à la fin du système soviétique qui est symbolisé par une contrôleuse de train un peu aigrie. Notons que dans le roman, le train part pour Oulan-Bator capitale de la Mongolie, et non pas pour Mourmansk une ville proche de la Finlande mais qu'importe la destination, c'est le voyage qui compte. Lorsqu'on voit le début, un prologue pré-voyage on se dit que c'est un peu inutile ou superflu, puis on comprend ensuite le rapport que le cinéaste explique fort bien : "En fait, au début elle aimerait être comme Irina -intellectuelle, moscovite... Et pendant ce voyage, elle se rend compte qu'elle est en fait plus comme Ljoha : un peu sauvage, maladroite et solitaire."

Et effectivement, cet angle de vue est parfaitement montré et maîtrisé dans ce récit. Le prologue nous montre une amie Irina intellectuelle, très citadine, extravertie, puis Laura qui est déjà expatriée et donc pas forcément à son aise, se retrouve isolée face à un homme russe rustre et vulgaire mais également assez mutique malgré ses efforts de sociabilité. Laura est d'abord un peu en retrait, presque choquée par le comportement grossier de cet homme russe dont on apprendra rien. Et pourtant se dessine un autre sujet en filigrane, celui de s'ouvrir à l'Autre (terme du réalisateur !) pour s'ouvrir soi-même au monde. Sur ce point on est plus mitigé car si l'entente entre la finlandaise et le russe s'améliore pour devenir complice le dialogue et les dialogues restent très limités, et si on apprend rien sur eux, eux-mêmes n'en apprennent pas davantage sur leur compagnon de voyage. Sur les détails du voyage on a des curiosités comme la vieille femme et les roux, des conclusions perplexes avec les pétroglyphes, mais finalement le plus intéressant reste cette immersion singulière dans un train sibérien. L'idylle est attendue mais ne convainc pas tellement, pas aidé non plus par un russe qui se résume à un balourd trop vulgaire, qui se sait que injurier et être désagréable ce qui amène à l'antipathie, même si il change un peu au contact de Laura. Par là même, les russes sont tous montrés en tant qu'individu peu aimable, peu poli voir même agressif. Bizarre... En conclusion, Juho Kuosmanen signe un road movie sur fond d'introspection intéressant et touchant mais qui pêche par des protagonistes russes trop antipathiques, des enjeux un peu vains et un côté contemplatif trop sous-exploité malgré des paysages qui méritaient qu'on s'y attarde.

 

Note :      

 

13/20
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