Next Door (2021) de Daniel Brühl
Sans doute à ce jour l'acteur allemand à la carrière internationale la plus impressionnante du 21ème siècle, avec des films comme "Inglourious Basterds" (2009) de Quentin Tarantino, "Rush" (2013) de Ron Howard, "Captain America : Civil War" (2016) des frères Russo ou "The King's Man : Première Mission" (2022) de Matthew Vaughn, Daniel Brühl se lance avec un premier long métrage en tant que réalisateur. Sans être autobiographie, le réalisateur-acteur s'inspire de sa propre vie : "Une fois, j'étais au restaurant à Barcelone à parler de football avec les serveurs en utilisant mon catalan rouillé pour montrer à tout le monde que j'étais l'un d'entre eux. Et puis j'ai vu ce type, un ouvrier en bâtiment qui me regardait fixement. Je voyais bien qu'il me détestait parce que j'essayais de parler comme eux en disant "Barça, Barça !". Je l'ai imaginé sur des échaffaudages, travaillant sur la façade de ma maison, observant mon appartement prêt à entamer un duel avec moi." Bien qu'à l'origine de son histoire et de son projet le jeune cinéaste a fait appel à un collaborateur : "J'écris très mal, alors j'ai contacté le scénariste Daniel Kehlmann, qui est moitié autrichien, ce qui veut dire qu'il est plus drôles que les allemands. Je lui ai raconté toutes ces expériences pour nourrir le scénario mais croyez-moi, il y a de nombreux éléments fictionnels dedans." L'auteur a travaillé plusieurs fois pour le cinéma, par ses oeuvres adaptées et/ou en tant que scénaristes notamment "Les Arpenteurs du Monde" (2012) de Detlev Buck ou "Moi et Kaminski" (2015) de Wolfgang Becker sur lequel il a justement connu Daniel Brühl...
A Berlin, Daniel est un acteur célèbre qui vit dans un luxueux loft avec sa compagne et ses deux enfants. Alors qu'il s'apprête à prendre un avion pour un casting qu'il espère fructueux pour une superproduction de super-héros, il fait une pause café dans un bar proche de chez lui où il a ses habitudes. Il fait la rencontre d'un homme mystérieux qui lui avoue être son voisin qu'il n'a jamais remarqué. Petit à petit ce voisin, Bruno, lui fait des révélations, d'abord sans grandes importances et anodines, puis petit à petit plus insidieuses jusqu'à ce que Daniel veuille en apprendre plus quitte à râter son avion... L'acteur est logiquement incarné par Daniel Brühl lui-même gardant ainsi son vrai prénom, et retrouve après les films "Good Bye, Lenin !" (2003) de Wolfgang Becker, "Un Ami à Moi" (2006) de Sebastian Schipper et "Moi et Kaminski" (2015) son partenaire Peter Kurth alias Bruno son voisin, acteur vu également dans "Gold" (2013) de Thomas Arslan ou "Une Valse dans les Allées" (2018) de Thomas Stuber. La compagne de l'acteur est interprétée par Aenne Schwarz vue dans "Stefan Zweig, Adieu l'Europe" (2016) de Maria Schrader et "Comme si de Rien n'Etait" (2019) de Eva Trobisch, tandis que la barmaid est jouée par Rike Eckermann vue dans "De l'Autre Côté du Mur" (2013) de Christian Schowchow et "The Captain - l'Usurpateur" (2017) de Robert Schwentke. Puis n'oublions pas un caméo de luxe avec Vicky Krieps qui était encore méconnue dans "Les Arpenteurs du Monde", puis qui retrouve surtout Daniel Brühl après "Un Homme très Recherché" (2013) de Anton Corbijn et "Colonia" (2015) de Florian Gallenberger... Incarné un acteur connu en prise avec un voisin "parasite" est évidemment pas anodin pour Daniel Brühl comme il 'avoue : "C'est le prix qu'on paie en tant qu'acteur, je l'ai fait avec joie et je continue de penser que c'est un métier merveilleux. Cependant, ces deux dernières années, les gens ont rompu la distance qui existait jusque-là entre eux et moi." Heureusement, le réalisateur-acteur ne se focalise pas que sur sa position et tente de comprendre également la position de son voisin. Un allemand de l'Est qu'on devine avoir eu une existence difficile à tous points de vue, et qui voit depuis des années un riche s'approprier l'appartement familial, vivre dans le luxe... etc...
Ce qu'on aime au départ c'est que l'acteur, bien que vedette, ne semble ni vraiment heureux ni vraiment serein comme si il avait un secret non avouable. Cette sensation est insidieuse et prenante, on s'attend alors à une véritable révélation sur son passé ou une activité secrète. L'autre bon point est ce voisin, magnifiquement incarné par Peter Kurth, qui impose avec sérénité (lui !) une présence néfaste sans qu'on sache vraiment où il veut en venir. La première partie du film est psychologiquement aussi pesante qu'angoissante avec deux acteurs au diapason qui en impose. Mais très vite malheureusement ça commence à tourner en rond, les révélations sont d'abord assez anodines, puis même si elles se font plus dramatiques rien n'est franchement extraordinaire et/ou vraiment choquant. Le voisin est simplement un homme qui n'a pas de vie affolante et qui s'est mis en position voyeur/espion entre "Fenêtre sur Cours" (1954) de Alfred Hitchcock et "I see You" (2020) de Adam Randall, durant des années avant de se dire : "tiens, il est temps de tout déballer !" C'est là que le film devient moins intéressant, moins convaincant, peu cohérent car au final on se dit tout ça pour ça. On a bien du mal à comprendre ou du moins à accepter un enjeu aussi faible, une sorte de vengeance sans vraiment en être une et qui repose sur la chose la plus banale du monde : l'adultère. Le pire reste pourtant l'objectif avoué du cinéaste qui a déclaré vouloir signer une comédie noire et divertissante en précisant amusé : "En rentrant chez vous demandez-vous qui est votre voisin !" La soucis est qu'on ne décèle jamais la notion de comédie bien au contraire, même noire. C'est une histoire tragique à tous les niveaux, parfois pathétique, navrante, et malsain surtout pour ce qui reste un drame sociale et intime. Daniel Brühl avait une idée à fort potentiel mais ne va pas au bout avec une conclusion entre invraisemblance et futilité, en quoi qu'il en dise trop premier degré. Dommage...
Note :